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Idées

Une saison difficile

Aujourd’hui, il faudrait être suicidaire pour ne pas ouvrir le débat sur l’impact de la hausse du pétrole. Le gouvernement Jettou, mais aussi le patronat et les médias devraient s’y mettre. Qu’on le veuille ou non, cette hausse nous pourrira la vie durant l’année qui vient.

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L’année 2005 ne sera pas pour l’équipe Jettou de tout repos. Tous ses projets se retrouvent compliqués par une donne exogène non maîtrisable : le prix du pétrole. Le record historique actuel, 54 dollars le baril, est une très mauvaise nouvelle pour le Maroc et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, il n’est pas conjoncturel. Les spécialistes prévoient un baril à plus de 40 dollars d’ici l’été. Ils expliquent que l’état des stocks des puissances industrialisées est désastreux parce qu’elles se sont montrées attentistes et qu’elles ont joué un éventuel retournement de tendance. Retournement qui n’a pas eu lieu parce que l’insécurité en Irak et les troubles dans d’autres pays pétroliers sont allés crescendo. La saison du froid, avec son augmentation de la consommation d’énergie n’augure pas d’une détente. Ils pensent donc que le brut ne redescendra en dessous des 40 dollars que vers le 3e trimestre 2005 ; si les producteurs jouent le jeu et si la situation au Moyen-Orient ne se dégrade pas encore plus. Imaginons des troubles sérieux dans les régions de production pétrolière, en Arabie Saoudite, et l’impact qu’ils auraient.
Si personne ne parle de choc pétrolier comparable à celui des années quatre-vingt, c’est parce que les économies occidentales sont mieux préparées. La dépendance énergétique au pétrole est moindre d’un côté, d’un autre côté le reprofilage de l’industrie, la montée des services a refaçonné l’outil productif. Surtout, ces économies sont en période de croissance. Pour le moment, on parle donc de décélération de cette croissance plutôt que de récession. Ainsi, en France, les mêmes projections prévoient une perte d’un point de croissance et celle-ci devrait se situer à 1,5 % plutôt qu’à 2,5% comme initialement prévu.
Au Maroc, où en est-on ? Commençons par la fin. La décélération de la croissance sur nos marchés traditionnels aura un impact négatif sur nos exportations. Impact nécessairement plus important que le point perdu par la croissance dans ces pays parce que la consommation des ménages reculera plus vite d’autant plus que, même en période de croissance, l’emploi régresse. C’est le cas en France, par exemple.
Sur le plan interne, notre dépendance sur le plan énergétique est quasi totale au point que, si l’on appliquait la vérité des prix à la pompe, l’inflation grimperait de plusieurs points.
D’ailleurs, le professeur Oualalou a, en ce moment, des angoisses pour ses fondamentaux et on le comprend. La relance de l’inflation ou, pire, creuser le déficit, les deux sont envisageables.
Cela tombe au plus mauvais moment. Le Maroc s’est lancé dans un programme de grands travaux qui ne dit pas son nom, mais qui est là pour toute personne de bonne foi. Son financement ne doit surtout pas pâtir de la conjoncture actuelle et tout retard aurait pour conséquence la perte de crédibilité aux yeux de l’étranger.
L’Etat se propose de dégraisser le mammouth appelé administration, de mettre en place quelques acquis sociaux, de poursuivre la modernisation de ses services, tout cela coûte de l’argent.
Aujourd’hui, il faut être suicidaire pour ne pas ouvrir le débat sur l’impact de la hausse du pétrole. Le gouvernement Jettou, mais aussi le patronat et les médias devraient s’y mettre. Qu’on le veuille ou pas, cette hausse nous pourrira la vie durant l’année qui vient. Et le fait que Jettou ne soit pas un politique n’y est pour rien. Mieux, personnellement, en mal d’argument, je me résigne à m’accrocher aux qualités d’«épicier» de Si Driss, sous ma plume cela n’a rien de péjoratif, bien au contraire, cela veut tout simplement dire que le pragmatisme sera de mise.
Il y a un point sur lequel la hausse du pétrole a déjà montré ses effets. L’Algérie se surarme, achète des voix et hausse le ton. Comme tous les rentiers, elle le fait sans élégance, en dépensant sans compter, sauf pour le bien-être du peuple algérien. Pourtant, le Maroc a eu une victoire sans précédent dans la 4e commission de la décolonisation de l’Assemlée générale des Nations Unies.
Nous n’avons pas de pétrole mais, avec des idées et beaucoup de conviction, on peut s’en sortir