Idées
Ruineuse paix sociale
Le tiers des fonctionnaires est en trop. Ils coûtent plus que leur salaire en frais généraux. La révolution, ce serait d’avoir le courage de s’en débarrasser, bien évidemment en leur garantissant leurs droits.
Le cours du pétrole n’est pas la seule mauvaise nouvelle pour le budget, même s’il est évident qu’un cours si élevé, sur une durée aussi longue, ne peut qu’induire des tensions et un zeste d’inflation. Cette donne-là n’est pas imputable au gouvernement qui ne fait que subir, et plutôt bien, un facteur exogène qui brouille les cartes de tous les pays non producteurs de pétrole. Par contre, la part des salaires a atteint près de 14,5 % du PIB, ce qui est énorme. Cela est la faute du gouvernement. Depuis bientôt huit ans, la masse salariale est en augmentation constante, suite aux concessions que l’Etat fait à ses fonctionnaires.
La dernière concession est de taille. Les administrateurs, après avoir tenu l’administration en otage pendant plus d’une année, ont arraché leur revendication illégitime. Illégitime car ils ont obtenu une prime de technicité auparavant réservée aux ingénieurs. Ainsi, l’ancien bachelier lettres modernes qui, après 30 ans, est devenu administrateur, perçoit la même prime de technicité que l’ingénieur. Concevable, cela aurait pu l’être si nous étions dans une structure formatrice, ce que l’administration marocaine n’est pas.
Cette concession a un coût énorme : des centaines de millions de DH par an, 400 selon certaines informations. C’est autant d’argent qui n’ira pas aux services sociaux ou à l’investissement en infrastructures.
Le bras de fer a duré plus d’un an. Les administrateurs faisaient grève deux jours par semaine et paralysaient l’administration, faisant fi des intérêts des tiers. Cet incivisme n’a pas intéressé les médias, il n’a pas non plus suscité d’indignation auprès de la société civile. Il faudrait évaluer scientifiquement l’impact de ces jours de grève sur l’économie. Maintenant que les administrateurs ont sensiblement amélioré leurs revenus légaux, boosteront-ils l’administration ? Malheureusement non! L’administration, même recelant des talents et des compétences, est structurellement médiocre. Pléthorique, archaïquement procédurière, elle ne peut améliorer son efficience sans une véritable cure d’amaigrissement.
Le tiers des fonctionnaires est en trop. Ils coûtent plus que leur salaire en frais généraux. La révolution, ce serait d’avoir le courage de s’en débarrasser. Bien évidemment en leur garantissant leurs droits.
Le coût politique d’une telle opération est immense. Nous sommes dans un pays où le mot «social» tétanise tout le monde. Ainsi, les mêmes qui «colloquent» à longueur d’année sur la masse salariale ont oublié de dénoncer le chantage des administrateurs ou de réagir au cadeau du gouvernement.
Même la presse des partis de la majorité faisaient campagne pour les «droits» de cette catégorie de fonctionnaires. Il faut donc une certaine dose de courage pour affronter ce problème.
Commençons par le commencement : la pédagogie. Disons aux Marocains que trop de fonctionnaires, cela entraîne le sous-développement de l’administration. Martelons que les salaires servis à des gens payés à ne rien faire seraient plus utiles à la collectivité, dépensés ailleurs.
Affrontons donc ce monstre qui s’appelle la paix sociale. Elle n’a d’intérêt que quand toutes les parties font preuve de responsabilité. Sur le coup c’est plutôt l’inverse, céder à chaque fois et compter sur les départs en retraite pour régler la question est irresponsable.
Le coût financier d’un dégraissage conséquent est gérable. C’est le seul investissement dont la rentabilité est certaine. On peut envisager un endettement auprès des institutions internationales pour financer les départs.
En attendant, souhaitonsbon courage aux équipes du ministère des Finances pour préparer le budget 2005, en croisant les doigts pour que d’ici à poctobre les pluies fassent leur apparition !