Idées
Reconstruire le partenariat Maroc-U.E.
Pour le futur des relations euro-marocaines, il s’agit de définir un nouveau statut pour le Maroc, celui d’Etat partenaire, en vue de construire un espace d’échanges équilibré. Le moyen le plus cohérent d’y parvenir est d’organiser des réseaux articulés de coopération au niveau sectoriel.
Les entretiens du Premier ministre à Bruxelles ont été l’occasion de plaider un «statut avancé» auprès de notre partenaire de proximité, dans un contexte où une politique de «nouveau voisinage» est annoncée par l’Europe. «Plus que l’association moins que l’adhésion», insiste le Maroc. «Toute l’Union sauf les institutions», précisent les instances communautaires. Quel contenu donner à ces formules? Que signifient ces échanges? Sans doute, une insatisfaction quant à l’état actuel des accords. Probablement, l’affirmation d’une volonté de rénover les approches de coopération.
L’accord d’association a perdu de son ambition. Son potentiel est atténué par l’érosion des préférences sur notre marché principal d’exportation. L’élargissement de l’Europe crée des distorsions de concurrence au détriment des pays de la rive sud-méditerranéenne. Limité à l’industrie, l’accord ne favorise pas la mise en place de dynamiques intersectorielles susceptibles de maximiser les gains de compétitivité et de promouvoir un meilleur équilibre entre impacts positifs et impacts négatifs sur l’économie nationale. L’industrie nationale est contrainte d’être compétitive, mais sans pouvoir compter sur des services performants (banques, assurances, …). La reconduite de la Politique agricole cimmune n’en finit pas de plomber les perspectives de débouchés de la filière des fruits et légumes. Les limites des accords sont donc sérieuses et, d’une certaine manière, peu favorables aux perspectives de développement.
Le Maroc et, demain, d’autres pays de la rive sud doivent-ils pour autant rompre l’ancrage ? Prendront-ils le large pour répondre aux sirènes américaines ? D’aucuns diront que le projet de libre-échange avec les Etats-Unis est, pour le Maroc, la bonne réponse à cette insatisfaction. Un projet à l’allure éminemment attractive par sa multi-dimensionnalité. L’Europe ne se prive pas de multiplier les accords de libre-échange en Amérique, en Asie et ailleurs. Pourquoi le Maroc se priverait-il d’élargir ses horizons ? En somme, une «réponse du berger à la bergère». Mais, en rester là dans l’appréciation relèverait d’une analyse superficielle. Le gain que tirera le Maroc d’un accord avec les Etats-Unis est loin d’être évident. Peut-il courir le risque de concessions à fortes conséquences sociales sans contrepartie pour gérer ce choc? Non seulement la logique américaine du libre-échange ne s’encombre pas de programmes d’aide, mais elle impose des normes extrêmement contraignantes.
Pour le futur des relations euro-marocaines, peu importe, en définitive, de spéculer sur l’impact de l’accord Maroc-Etats-Unis et d’ergoter sur sa compatibilité ou son incompatibilité avec l’accord d’association. Il s’agit plutôt de redéfinir un projet mobilisateur, dessinant les contours d’un avenir commun. Un projet qui aille au-delà de l’association telle qu’elle a été proposée à Barcelone. Une formule qui pourrait conduire à la définition d’un statut d’«Etat Partenaire», impliquant des engagements réciproques plus substantiels que ceux qui sont actuellement souscrits dans le cadre des accords d’association. Il s’agirait en quelque sorte d’une «association renforcée» qui donnerait plus de visibilité politique au processus d’intégration régionale.
Contrairement à ce que pourrait suggérer une vision idyllique d’une zone de libre-échange, il n’existe aucune formule miracle permettant de diffuser le progrès et le bien-être par une simple levée des barrières commerciales entre deux pays ou deux ensembles. Que la ZLE constitue un choix raisonné ne dispense pas d’adopter des procédures adéquates pour faire émerger et se structurer peu à peu un système productif plurinational. Le moyen le plus cohérent de construire un espace d’échanges équilibré est d’organiser des réseaux articulés de coopération au niveau sectoriel. Une Union européenne ouverte sur ses partenaires du Sud par un réseau de relations organisées, une Union européenne qui renforcerait sa puissance en s’aidant de ce réseau de relations et en aidant les autres à se construire réciproquement, ce serait un projet de coopération porteur, à coup sûr, d’un rééquilibrage des positions et d’une réduction des écarts de développement