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Idées

Pour la mémoire, pour la vie

Ceux qui parlent d’une remise en question du PJD ne se trompent même
pas, ils se mentent à eux-mêmes, sciemment. Le congrès de
«la rénovation» a été entamé par un verset
jihadiste et sa vraie vedette était un zaïm pakistanais peu attaché
aux valeurs de la tolérance.

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La plaque commémorative de la place Mohammed V à Casablanca rappellera à tous les visiteurs ce qu’a été l’horreur du 16 Mai. Son inauguration officielle a aussi constitué le coup d’envoi d’une série de manifestations à travers tout le territoire national. Les actions annoncées jusqu’ici sont exclusivement du fait du tissu associatif. Les partis politiques, encore une fois, brillent par leur absence. L’USFP, qui a fini par lasser les plus coriaces de ses supporters, a même prévu de réunir ses instances nationales le 16 mai à Rabat.
Les Marocains, eux, réagissent comme un peuple normal, ils n’oublient pas, dans leur mémoire collective, qu’il y a un avant et un après 16 Mai. D’autant plus que l’après n’est pas des plus rassurants. L’assassinat de Rebibo, les cellules démantelées, les explosifs saisis, les Marocains impliqués dans l’horreur à l’échelle internationale, tout est là pour nous rappeler que le monstre est sorti des entrailles de cette société et qu’il n’y a qu’une seule issue : le terrasser.
Pour ce faire il fallait comprendre sa genèse. Dès le lendemain du 16 Mai, les courants régressifs ont été mis à l’index, au point que divers responsables posaient ouvertement la question : quid du PJD ? La classe politique a refusé ce débat et a entamé une course à la reconnaissance parachevée par le congrès du PJD. Yazghi y était, Al Ittihad Al Ichtiraqui a réservé un accueil des plus chaleureux à El Othmani, le PPS s’est senti obligé de lui adresser un télégramme de félicitations. La normalisation a fonctionné et c’est une grande victoire des islamistes. A l’issue des élections municipales, ils se sont assigné un seul objectif : se normaliser en passant des alliances avec tous les partis sans exception. Ils y ont réussi au-delà de leurs propres espérances.
Aujourd’hui, ils savourent l’accueil de la petite, toute petite bulle médiatico-politique. Qu’est-ce qui a changé depuis fin mai 2003 ? Dans ce domaine, rien.
Ceux qui parlent d’une remise en question du PJD ne se trompent même pas, ils se mentent à eux-mêmes, sciemment. Le congrès de «la rénovation» a été entamé par un verset jihadiste et sa vraie vedette était un zaïm pakistanais peu attaché aux valeurs de la tolérance. A la tête Saâdeddine El Othmani n’a rien lâché. Attajdid mène campagne pour les détenus de l’après 16 Mai, en s’appuyant sur… l’AMDH et puis…
Ensuite il y a les meetings du PJD, les bases du PJD. Une responsable de la section féminine excommunie publiquement les gens de «Ne touche pas à mon pays» et par extension tous les modernistes. Cette fois, les autres partis ne font même pas mine d’être choqués. Ils ont abdiqué toute velléité de résistance au discours fascisant et montrent même une fascination certaine pour ses méthodes et sa prétendue efficacité.
Il y a un vrai décalage entre la société et la classe politique sur cette question fondamentale et le fossé n’est pas prêt d’être comblé. Partout, au Maroc, des jeunes et des moins jeunes débattront, chanteront tout au long du mois de mai. Par instinct de survie, la société n’oublie rien mais affiche sa volonté de croquer la vie.
Nous ne sommes pas là face à un festival mais à ce qui s’apparente déjà à une tendance lourde. Les vraies forces vives de la nation chercheront nécessairement une expression politique qui restitue leurs choix. En cédant aux sirènes de la normalisation, la gauche traditionnelle a gâché une occasion historique. Elle n’est plus une digue crédible face à la déferlante.
Le débat qui s’annonce est le plus ardu de notre histoire contemporaine, et concerne l’un des fondements de notre identité : l’islam. La perception de la religion sera au centre du débat. Ce débat à chaque fois reporté depuis un siècle ne peut plus l’être. Il réclame courage et clarté, deux vertus rares chez ceux qui prétendent nous représenter. D’autres générations d’intellectuels apparaîtront parce que c’est une nécessité historique. Cette nation est capable de produire l’antidote aux cavaliers de l’Apocalypse.
Ceux qui démissionnent aujourd’hui sont déjà dans les oubliettes de l’histoire, parce qu’ils n’ont plus d’utilité sociale