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Idées

Palestine : lutter autrement

En termes d’usage de la violence, Israël aura toujours le dessus. Par contre, les Palestiniens peuvent batailler sur le plan de l’éthique et du droit. Et, par l’engagement dans cette lutte-là, gagner à terme le soutien de tous ceux qui, de part et d’autre de la ligne verte, aspirent à la paix.

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Début juillet, la Cour internationale de justice de la Haye (CIJ) émettait un avis consultatif condamnant le mur de séparation érigé par l’Etat hébreu pour «se protéger des kamikazes». Sur 680 km, cette barrière mord largement sur les territoires palestiniens, déjà réduits à 28% de la superficie de la Palestine historique. Le 20 juillet, l’Assemblée générale des Nations Unies a appuyé la décision de la CIJ en votant à une écrasante majorité (150 voix pour, 6 contre et 10 abstentions) une résolution exigeant le démantèlement des parties du mur se trouvant en Cisjordanie.
Mais, comme à l’accoutumée, Israël fait fi de ces avis, ceux-ci ne disposant d’aucune force contraignante mais d’une simple portée symbolique. Las du symbolique !, s’indignent les habitants de la Palestine, confrontés au quotidien à l’oppression, à l’humiliation et à la destruction de leurs biens. Et de se demander avec désespoir jusqu’à quand la force occupante qui les dépossède de leurs droits les plus élémentaires continuera à jouir d’une impunité aussi grande. Cette question, d’un bout à l’autre du monde arabe, on bout de colère en se la posant. A chaque nouvelle provocation israélienne, on enrage en se disant que cela n’est plus possible. Et pourtant cela dure ! On peut applaudir les opérations kamikazes et croire le Hamas quand il promet de faire connaître le plus grand des enfers à Israël, cela dure toujours.
A la différence de la première Intifada, qui a marqué les esprits avec ces images d’enfants jetant des pierres aux chars, la seconde a opté pour la lutte armée. Avec les attentats suicides, la terreur a été distillée dans le quotidien des Israéliens. Mais le recours à cette arme, très discutable sur le plan éthique, n’a abouti à aucun changement du rapport de forces. Au contraire. Jamais, depuis la Nakba de 1948, les Palestiniens n’ont connu une situation aussi difficile. Leur espace de vie se réduit comme peau de chagrin et leur tissu social va en se délitant. Confinés dans de ce qui s’apparente de plus en plus à des bantoustans, ils se battent tous les jours pour juste survivre. Parmi les effets les plus dévastateurs de cet enfermement, on peut citer la limitation de leur accès à l’instruction.
Les Palestiniens avaient bénéficié jusque-là d’un taux d’alphabétisation parmi les plus élevés (sinon le plus élevé) du monde arabe. Or, à l’heure actuelle, les parents peinent à envoyer leurs enfants à l’école, soit que celle-ci ait été détruite, soit que les routes soient coupées, soit que les moyens financiers de la famille ne le permettent plus. Ce fait, à lui seul, oblitère l’avenir.
A côté des exactions de l’occupation, l’actualité palestinienne de ces derniers jours a été marquée par une grave crise au sein de l’Autorité. Cloîtré dans son réduit de la Moukataa, le Président Arafat a été confronté à une fronde sans précédent. Fronde qui l’a obligé à démettre, sitôt nommé, un membre de sa famille accusé de corruption et d’abus de pouvoir. D’autre part, le Premier ministre Ahmed Qorei a demandé à être déchargé de ses fonctions, faute de disposer des pouvoirs nécessaires pour mener les réformes qu’il juge nécessaires à l’assainissement des institutions.
Aussi mythique soit-elle, la Palestine en gestation n’échappe pas aux maux dont souffre l’ensemble des pays arabes en matière de bonne gouvernance. Concentration de l’autorité entre les mains du leader charismatique, corruption, abus de pouvoir, prébendes, les Palestiniens jugent sans complaisance leurs dirigeants. Mais la lutte contre l’occupant israélien a fait passer les demandes de démocratisation au second plan. Préserver coûte que coûte l’unité nationale pour ne pas présenter un visage affaibli à l’ennemi, telle fut la ligne de conduite privilégiée au cours des années passées. Cependant, le projet de retrait israélien unilatéral de Gaza change la donne. Les luttes de pouvoir entre vieille garde et génération montante s’exacerbent d’autant que l’isolement de Yasser Arafat accentue la coupure de l’Autorité centrale avec la réalité du terrain. Les conséquences en sont la crise interne actuelle à travers laquelle s’agite le spectre de la guerre civile.
Personne n’est en droit de dicter leur conduite aux Palestiniens. Cependant, à la lumière des données actuelles, n’y-a-t-il pas lieu pour eux, aujourd’hui, de réfléchir à d’autres formes de lutte. Des formes de lutte non violentes qui accentueraient la mise au ban des nations de leur occupant. Les pierres des enfants de la première Intifada avaient pulvérisé l’image de David longtemps cultivée par l’Etat sioniste. En cela, elles ont causé infiniment plus de tort à ce dernier que les bombes des kamikazes actuels. A contrario, chaque nouvel attentat contre des civils le rétablit dans la posture de la victime. Or, il n’y a pas d’illusion à se faire : en termes d’usage de la violence, Israël aura toujours le dessus, les Palestiniens ne pouvant rivaliser avec lui sur ce plan. Par contre, ils peuvent batailler sur celui de l’éthique et du droit. Et, par l’engagement dans cette lutte-là, gagner à terme le soutien de tous ceux qui, de part et d’autre de la ligne verte, aspirent à connaître la paix. Et qui savent au fond de leur cœur que la coexistence sera un bienfait pour tous