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Idées

Ne plus s’étonner de rien !

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chronique Hinde Taarji

Il ne s’agit pas d’un énième rush de Much Loved qui aurait de nouveau fuité mais d’une vidéo postée sur Youtube par l’actrice principale du film. Le visage tuméfié, l’arcade sourcilière ouverte et la voix brisée, Loubna Abidar y raconte comment, suite à une agression subie dans la nuit du jeudi 5 au vendredi 6 novembre, elle se serait fait humilier au commissariat où on l’aurait reçue par un «Enfin, Abidar se présente (chez nous) cognée». Plus scandaleux encore, elle se serait fait éconduire de cliniques où on aurait refusé de la soigner.

Dans un communiqué de presse, la wilaya de Casablanca a aussitôt réagi, démentant «catégoriquement les données contenues dans la vidéo» et assurant avoir traité la déposition de Loubna Abidar «avec professionnalisme et objectivité sans aucune considération personnelle». Elle confirme que Loubna Abidar s’est bien présentée à la police vendredi à 2h30 du matin mais qu’«elle n’a pas précisé le lieu et les circonstances de l’agression». Elle aurait également refusé de signer le PV de police souhaitant d’abord se rendre à l’hôpital afin de se procurer un certificat médical.

Depuis, l’actrice a coupé son téléphone et pris le premier vol pour la France où elle serait partie se réfugier. Dans cette nouvelle affaire autour de Much Loved, qui dit vrai, qui dit juste ? Là où elle aurait dû rencontrer écoute et compassion, Loubna Abidar a-t-elle effectivement fait l’objet de mépris et de rejet ? Elle a été la cible sur le net d’une telle tonne d’injures que l’on peut imaginer sans peine que les policiers, que le film n’a pas épargnés, n’ont pas dû la recevoir avec des fleurs. Le plus scandaleux cependant serait qu’un personnel de santé ait, comme elle le dénonce, refusé de la soigner. Auquel cas, l’actrice devrait porter plainte pour non-assistance à personne en danger ; ces personnes trahissant le serment d’Hippocrate et n’étant pas dignes d’exercer dans le secteur de la santé.

Cette agression contre Loubna Abidar est-elle liée à sa participation à Much Loved ? On peut le penser vu les menaces de mort dont elle a été l’objet au même titre que Nabil Ayouch, le réalisateur du film. Il s’agirait alors d’un passage à l’acte qui devrait interpeller tous ceux, politiques et journalistes compris, qui ont contribué à l’hystérie collective contre Much loved en la nourrissant de leur fiel et de leurs leçons de morale. La morale ! Parlons-en justement, de même que de droit et de justice en rebondissant sur l’autre buzz de ce week-end-là, celui provoqué par la décision de Me Hicham Naciri, identifié désormais comme «l’avocat du Roi», d’assurer la défense d’une petite victime de viol de trois ans. L’avocat qui a piégé les journalistes Eric Laurent et Catherine Graciet n’étant pas un habitué de ce genre d’affaires, la nouvelle a aussitôt fait comprendre qu’on entendait mettre, en haut lieu, un holà au scandale de la légèreté des condamnations pour viol d’enfant. Avec Me Hicham Naciri à la barre, il y a, en effet, fort à parier que les juges y réfléchiront à deux fois avant, si l’accusé est reconnu coupable, de prononcer des peines de deux, trois ans, parfois même de six mois de prison! Car c’est cela le tarif communément appliqué pour un viol d’enfant au grand dam des associations de défense des droits de l’enfant.

A chaque nouveau cas, c’est le même écœurement, la même incompréhension face à ces véritables permis de violer délivrés par la justice marocaine à des pédophiles patentés. Pourtant, sur cette ignominie-là, sur cette honte-là, on ne l’entend guère, la voix des «vertueux» ! Où est la morale, où est le droit, où est la justice! Un film les fait hurler au scandale. Pas, par contre, qu’on laisse proliférer et sévir les violeurs! Les associations de défense des droits des enfants font, depuis des années, un travail remarquable de sensibilisation à la question. Mais la justice marocaine, si prompte à envoyer derrière les barreaux des adultes qui osent s’aimer sans être mariés, continue à faire preuve d’une incompréhensible et coupable indulgence envers les assassins de l’innocence enfantine. Ceux toujours si prompts à agiter la défense de «nos valeurs nationales et religieuses», pourquoi ne les retrouve-t-on pas sur un tel dossier ? Pourquoi sont-ils aux abonnés absents sur un tel scandale national ? Mais l’hypocrisie et la schizophrénie atteignent de tels sommets dans notre belle et vertueuse société qu’il ne faut plus s’étonner de rien !