Idées
Mohamed Hassad à Tanger
– Tanger a besoin d’un tollé par jour,
il nous faut un wali
qui ait des… Voyons, des …
– Je vais vous aider ; si c’était une femme, vous auriez dit : qui ait
des ovaires. Au féminin, ça passe mieux, la censure n’y verra
que du feu.
– Quoi de nouveau à Tanger ?
– A part les riches, rien.
– Quoi ! vous n’êtes pas au courant ?
– Que Dieu nous fasse entendre une bonne nouvelle.
– Nous avons un nouveau wali.
– Encore une disgrâce ?
– Non, il ne s’agit pas d’André Azoulay.
– Langue au chat : qui est le nouveau puni ?
– Mohamed Hassad.
– Pas possible ! Après tout ce qu’il a fait pour Marrakech, le voilà propulsé du Capitole à la Roche carpienne. Quelle ingratitude !
– Détrompez-vous, si l’on excepte les Marrakchis, personne n’est puni.
– C’est vrai. Dans le fond, il a de la chance, car à Tanger, quoi qu’il fasse, il ne risque pas d’être pire que la plupart de ses prédécesseurs.
– On dit qu’il a toutes les qualités d’un bon wali, la première étant la valse.
– Une valse à quatre temps à laquelle aucun de ces messieurs n’échappe.
– Premier temps : douze mois avant de baisser les bras, il retrousse les manches. Vous allez voir ce que vous allez voir, fini la récré.
– Deuxième temps : c’est le défilé des courtisans locaux toutes catégories, qu’ils soient pleurnicheurs ou flagorneurs. S’il les écoute, il est cuit.
– Troisième temps : d’abord les élus. Il leur saute dessus.
– Il ne faudrait pas qu’il soit en proie au vertige.
– Vous ne croyez pas si bien dire, tomber de si haut dans le vide, ça craint.
– Le mieux serait qu’il leur marche dessus, on dit que ça porte bonheur.
– Quatrième et dernier temps : au treizième mois, il découvre les affres de la solitude et se demande ce qu’il est venu faire dans cette galère.
– Exact, sauf que, s’agissant de M. Hassad, il a commencé par la fin. On dit qu’il a fait des pieds et des mains pour échapper à Tanger. Même un mille-pattes n’aurait eu aucune chance d’échapper à son sort.
– C’est un bon début, le voilà à l’abri de toute désillusion.
– Que feriez-vous si vous étiez à sa place ?
– A Dieu ne plaise.
– Mais encore ?
– Je convoquerais les irresponsables de la société chargée de nettoyer la ville et je leur dirais : «Choisissez, ou vous chassez la saleté une fois pour toutes, ou je vous chasse». Dans ce pays où tout est de la faute des autres, on ne balaie devant sa porte ni au propre ni au figuré.
– Bigre ! Vous imaginez le tollé ?
– Tanger a besoin d’un tollé par jour, il nous faut un wali qui ait des… Voyons, des …
– Je vais vous aider ; si c’était une femme, vous auriez dit : qui ait des ovaires. Au féminin, ça passe mieux, la censure n’y verra que du feu.
– On est bien d’accord, pour être un parfait wali à Tanger, il faut commencer par lire Ernest Hemingway.
– «Le Vieil homme et la Mer»?
– Plutôt «En Avoir ou pas».
– A votre avis, que faire avec les trafiquants de cannabis?
– Les inciter à rapatrier les devises générées par leur commerce, et faire en sorte qu’une partie de cette manne soit investie pour embellir la cité.
– Comme dit l’autre : «Avec de l’argent sale, faisons une ville propre».
– Blanchir pour blanchir, autant que ce soient les façades hideuses de nos immeubles lépreux plutôt que les luxueuses demeures de Marbella et Puerto Banus.
– A la wilaya, on a décrété l’état de sieste sur l’ensemble du territoire. Il devra secouer le cocotier et vaincre, par chaos s’il le faut.
– S’il suit vos recommandations, il se mettra tout le monde à dos.
– Savez-vous ce que Talleyrand disait de Mirabeau ?
– Non, mais je ne vais pas tarder à le savoir pour donner une chute à ce dialogue.
– «C’était un grand homme, mais il lui manquait le courage d’être impopulaire».
– C’est ce qui a fait dire de Driss Benhima qu’à la wilaya de Casa, il a fait preuve d’une habileté pachydermique.
– Depuis, il n’a aucun problème pour garer sa voiture au Nord.
– Normal, vu la voie de garage qu’on lui a offert.
– Arrêtons là, ça commence à sentir le roussi