Idées
Mettre en place une politique avocats en entreprise
la mise en place d’une politique avocats performante permet de répondre à trois objectifs clés pour l’entreprise : optimiser la gestion des risques juridiques de l’entreprise en définissant des règles internes de recours et non-recours aux cabinets d’avocats et en cartographiant ces derniers en fonction notamment du risque à traiter ; s’assurer, de manière pérenne, de l’adéquation des prestations fournies par les cabinets avec les attentes et exigences de la direction juridique et de ses clients internes ; maîtriser et superviser les dépenses juridiques externes.
Aujourd’hui, le budget externe représente près de 40% du budget juridique total des entreprises. Dans bon nombre de grandes entreprises, notamment au Maroc, le recours partiel ou total aux avocats est devenu systématique pour les dossiers les plus stratégiques et/ou risqués. L’optimisation de la gestion des prestations fournies par ces partenaires clés de l’entreprise, à travers la mise en place d’une politique avocats, semble donc essentielle.
Les nombreuses missions menées par Day One auprès de directions juridiques de grandes entreprises et d’ETI ont mis en exergue trois étapes clés pour mettre en place une politique avocats performante en entreprise. Bien au-delà de l’identification d’une simple liste de cabinets d’avocats favoris, la mise en place d’une telle politique consiste à structurer et optimiser le recours aux cabinets d’avocats qui vont accompagner la direction juridique de l’entreprise, à mettre en place un système d’évaluation objectif et transversal de la qualité des prestations fournies, et à définir des règles claires de facturation et de gestion des coûts avocats.
Faire évaluer la prestation par le client interne
Le premier temps est celui de l’identification des modes de recours et de la cartographie des cabinets. Il s’agit ici d’abord, pour chaque grande typologie de dossiers récurrents, d’identifier ce qui doit être externalisé ou, à l’inverse, traité en interne et sur quels critères: niveau de risque pour l’entreprise, nature de l’expertise requise présente ou non en interne, volumétrie des tâches, valeur ajoutée attendue, etc. Une fois les critères et axes d’externalisation définis, il conviendra d’identifier sur cette base à quel type d’avocat ou de cabinet confier quel type de dossier. Selon les expertises recherchées, il pourra s’agir d’un cabinet d’avocats d’affaires international, d’un cabinet full service local, d’un cabinet de niche, d’un cabinet de LPO («Legal Process Outsourcing»), ou encore d’un avocat indépendant. Cela peut paraître une évidence, mais aller voir un cabinet d’avocats d’affaires international de premier plan pour lui donner un dossier simple avec de faibles difficultés techniques, ou à l’inverse, instruire un petit cabinet local pour traiter la totalité des éléments liés à une transaction transnationale avec des problématiques multi-juridictionnelles et de régulation complexes sont des non-sens communément pratiqués pour des raisons de facilités, d’habitudes, voire de snobisme… A partir de cette cartographie, un mode de recours pourra être défini par typologie de dossiers, en ayant recours à des appels d’offres / consultations restreintes adressés aux cabinets pré-identifiés pour certains dossiers nécessitant une mise en concurrence, et en privilégiant le mode gré-à-gré pour d’autres, moins stratégiques ou plus spécifiques.
Le second temps, relatif à l’évaluation des prestations fournies, est essentiel. Avoir une liste de cabinets d’avocats classée par typologie de besoins avec des modes de recours clairs est une bonne chose, mais -à l’usage- cela ne sert à rien si cette liste n’est pas régulièrement révisée à l’aune d’une évaluation objective de la qualité des services apportés. Pour être efficiente, celle-ci devra être transversale, rapide et multicritères. Transversale, en ce qu’elle devra associer non seulement une évaluation par le juriste interne en charge du dossier ayant traité avec le cabinet mais aussi une évaluation par le client interne lui-même, destinataire de la prestation juridique. A cet égard, notons qu’associer le client interne à cette évaluation permet au directeur juridique à la fois d’objectiver l’évaluation effectuée et de se positionner en véritable business partner, soucieux de la satisfaction de ses clients. Rapide, en ce qu’elle devra, pour être régulièrement renseignée et ainsi avoir la représentativité nécessaire, être aisément accessible et ne prendre que quelques minutes à remplir à la fin de chaque prestation. Recourir en la matière à un outil digital simple et peu onéreux, accessible en mode SaaS, pourra notamment permettre d’atteindre cet objectif. Multicritères, afin de permettre une bonne appréhension des points positifs et négatifs de chaque prestation, et des services du cabinet dans leur ensemble, pour viser une optimisation constante des services dans une relation transparente et de confiance. Ces critères d’évaluation ne sauraient bien sûr être figés et invariables d’une entreprise à une autre et devront être fixés par la direction juridique à l’aune de ses attentes et des besoins de l’entreprise. On pourra cependant citer, à titre d’exemple, les critères d’évaluation suivants : l’expertise technique, l’opérationnalité des recommandations, la réactivité, la proactivité, le rapport qualité-prix, le partage des savoirs (formations, veille), la communication intuitu personae, la prévisibilité budgétaire, etc.
Maîtriser le budget «avocats»
Le troisième et dernier temps consiste à définir les règles de facturation et de gestion des coûts avocats. Il ne s’agit pas ici pour le directeur juridique de rentrer dans une logique de baisse aveugle et systématique des coûts, mais plutôt de disposer d’une meilleure prévisibilité budgétaire et maîtrise des coûts, dans une logique de partenariat accru avec ses avocats. Cela suppose d’abord de définir, en fonction de la typologie des dossiers, de leur récurrence, ainsi que de leur niveau de complexité et de risque, le mode de rémunération le plus adapté à la prestation: facturation au forfait, abonnement, facturation au taux horaire, facturation plafonnée, etc. Cela implique ensuite de déterminer une politique claire de prise en charge des frais et débours afin d’éviter toute mauvaise surprise dans la facture finale et des débats sans fins et nuisibles à la qualité de la relation entre le directeur juridique et son conseil. Cela repose enfin sur la mise en place d’une gestion rigoureuse et centralisée des dépenses, afin de disposer à tout moment d’une vision 360° des coûts avocats. Il s’agit ici de collecter régulièrement toutes les dépenses avocats telles que suivies par la direction juridique, de s’assurer de l’exhaustivité des coûts avocats au sein de l’entreprise, en collaborant notamment avec les départements Finance et Achats, et d’interroger régulièrement les clients internes au Maroc et à l’international (si applicable) afin de garantir une centralisation de la gestion des coûts avocats au niveau de la direction juridique.
In fine, la mise en place d’une politique avocats performante permet de répondre à trois objectifs clés pour l’entreprise : optimiser la gestion des risques juridiques de l’entreprise en définissant des règles internes de recours et non-recours aux cabinets d’avocats et en cartographiant ces derniers en fonction notamment du risque à traiter ; s’assurer, de manière pérenne, de l’adéquation des prestations fournies par les cabinets avec les attentes et exigences de la direction juridique et de ses clients internes ; maîtriser et superviser les dépenses juridiques externes. Autant d’objectifs qui sont au cœur du nouveau rôle attendu du directeur juridique, qui ne doit plus simplement être un bon technicien mais aussi un Risk Manager, High Performer, Stringent Controller.