Idées
Marrakechmania
Une ville propre où l’on peut marcher sans buter sur les détritus, se balader sans être importuné, sortir le soir sans se sentir en insécurité… Du coup,
la beauté de la ville rejaillit et l’on s’extasie sur l’hospitalité de
ses habitants. Tout le monde est gagnant, ceux qui reçoivent comme ceux qui sont reçus.
AMarrakech, connaissez-vous Jnane El Harti, ce grand parc situé au cœur de Guéliz, à deux pas de la Poste centrale ? Vivotant comme l’ensemble des espaces verts de nos villes, la sécheresse l’été et les mauvaises herbes l’hiver, il s’était fait une raison de son état et, à défaut d’enchanter les regards, offrait chaque année l’hospitalité à la foire commerciale de la ville. Là, bonheur, le vent tourne dans le bon sens. Un grand panneau signale aux passants que son aménagement est en cours grâce à un soutien apporté par des mairies francophones. Bientôt, quand la batterie de jardiniers aura achevé de bêcher et de planter, les Marrakchis auront à leur disposition un vrai parc où goûter le plaisir de la promenade et du délassement. Il faut dire que ce n’est pas seulement Jnane El Harti mais tout Marrakech qui fait peau neuve et la vitesse à laquelle s’opère la mue impressionne. Changer le cours des choses est donc possible mais nous y reviendrons.
Pour ce qui est du parc, ce qui retient l’attention, ce n’est pas tant l’aménagement en lui-même que le type d’aménagement entrepris. Bien que le lieu ne soit pas encore ouvert au public, le curieux peut se faufiler par une grille restée entrebâillée pour prendre connaissance des travaux en cours. Que découvre-t-il ? A côté des traditionnels plates-bandes fleuries et tapis de gazon, il s’aperçoit qu’on a également eu recours au sable et aux cactus. Un vaste espace a ainsi été imaginé dans l’esprit d’un paysage d’erg avec la végétation qui y correspond. Le résultat en est des plus probants. L’idée est simple mais combien ingénieuse. L’entretien de nos espaces verts connaît un handicap majeur du fait de la pénurie d’eau. Dans une ville comme Marrakech, confrontée à une aridité croissante, cela est d’autant plus vrai. Tenir compte de cette donnée, c’est œuvrer pour la pérennité du projet. Agir pour qu’il perdure au-delà des premiers effets d’annonce. Pourquoi nos parcs devraient-ils ressembler à ceux des contrées où il pleut 300 jours sur 365 ? Là-bas, ils ont la pluie, ici, nous avons le soleil. A chaque lieu sa particularité. Si des milliers de touristes viennent à Marrakech, ce n’est pas pour y retrouver Central Park. Les paysagistes qui se sont attelés à l’aménagement de Jnane el Harti ont eu l’intelligence de le comprendre et leur démarche mérite d’être citée comme exemple.
Exploiter ses ressources propres est la règle de base de tout projet de développement. Ainsi formulé, cela paraît d’une simplicité élémentaire mais la réalité des faits nous montre qu’il est un monde entre la théorie et la pratique. A Marrakech – divine surprise ! – la «mayonnaise» semble en train de prendre. Une marrakechmania sans précédent se développe qui n’en finit pas d’époustoufler ses propres habitants. Les vols internationaux sur la ville se multiplient de manière exponentielle et le flot de touristes ayant choisi Marrakech comme destination prend des allures de tsunami (bénéfique en l’occurrence). L’engouement n’est pas le fait des seuls visiteurs de passage. Il est également celui de personnes en quête de résidences, secondaires et même principales. Il est celui d’investisseurs qui croient suffisamment aux potentialités de la ville pour y placer leur argent. Comment ce «miracle» est-il devenu possible ?
Marrakech a toujours été une destination touristique mais ceux qui venaient une première fois se juraient pour la plupart de ne plus jamais y remettre les pieds tant ils avaient été assaillis. La beauté de la ville, sa lumière exceptionnelle, l’humour de ses habitants, son climat sans pareil, tout perdait sa saveur devant le harcèlement des faux guides, le manque de sérieux des hôteliers, la misère et la saleté environnante. Aujourd’hui, on vient à Marrakech et on y revient. La « magie» de la ville fonctionne. Exploitation des ressources propres ? Complètement mais dans le cadre d’une gestion intelligente activée par une volonté politique prenant en compte l’ensemble des données existantes. Aux touristes mais aussi aux Marrakchis, on assure une ville propre où l’on peut marcher sans buter sur les détritus, se balader sans être importuné, sortir le soir sans se sentir en insécurité… Du coup, la beauté de la ville rejaillit et l’on s’extasie sur l’hospitalité de ses habitants. Tout le monde est gagnant, ceux qui reçoivent comme ceux qui sont reçus.
Marrakech est unique et ses atouts incomparables. Mais si son étoile luit tant aujourd’hui, c’est parce que, enfin, on s’y est retroussé les manches. Volonté, effort, sérieux, le résultat ne s’est pas fait attendre. La recette à laquelle il a été recouru ici ne pourrait-elle pas être expérimentée ailleurs ? A l’échelle de l’ensemble du pays par exemple .
