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Idées

L’islam et les caricatures danoises

Une certaine acception de la liberté n’est-elle pas en passe de conforter dans leurs desseins les tenants du prétendu choc des civilisations, surtout quand la large diffusion des «caricatures» est perçue par
les musulmans comme simple épisode d’une campagne médiatique qui a commencé il y a quelque temps déjà , en vue d’altérer le vrai visage de l’islam ?

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Avec la laà¯cité, le monde occidental en est arrivé à  considérer que si le champ religieux devait rester, par la nature des choses, un espace réservé au sacré, le champ social, lui, devait être régi par des croyances nouvelles qui se sont progressivement installées, à  tel point que le religieux est désormais appelé à  se définir par rapport à  elles. Nous avons nourri l’espoir, dans les pays musulmans, que cette vision du monde, porteuse de valeurs nouvelles, défendues par des hommes dont on ne peut mettre en cause ni la bonne foi, ni la sincérité dans la quête du bien commun, n’entrerait pas en contradiction avec l’enseignement religieux. Mais ce qui s’est passé, c’est qu’on a vu se développer, au nom de la liberté, des pratiques qui, de proche en proche, finirent par générer une situation o๠aucune valeur ne devait plus être considérée comme supérieure à  une autre, à  plus forte raison comme suprême. Il n’est pas dans mon propos de porter un quelconque jugement de valeur sur ces évolutions, mais la question centrale qu’elles suscitent est celle de savoir si une certaine acception de la liberté n’était pas en passe de conduire les hommes vers des voies sans issue, ce qui conforte dans leurs desseins les tenants du prétendu choc des civilisations. De plus, et comme le soulignait récemment Olivier Roy, comment expliquer, autrement que par la pratique de deux poids, deux mesures, que l’on puisse, par exemple, accepter le retrait d’une publicité utilisant la Cène, mais remplaçant les apôtres par des femmes court vêtues, alors qu’on attend des musulmans de tolérer les caricatures danoises.(1) N’est-il pas plutôt dans l’intérêt de tous les hommes de s’attacher à  l’idée de Jean-Jacques Rousseau qui considérait que la liberté d’un individu s’arrêtait là  o๠commençait celle de l’autre et de dire que, dans le cas d’espèce, ceux qui cherchent à  justifier lesdites caricatures portent atteinte à  la liberté de plus d’un milliard d’êtres humains. De plus, la large diffusion des caricatures conforte les musulmans dans ce qu’ils perçoivent comme étant une campagne médiatique menée, au cours des dernières années, par ceux qui, par ignorance, ou pour des finalités non déclarées, cherchent à  altérer le vrai visage de l’islam. Dernière religion révélée, l’islam a pourtant appelé au respect de tous les peuples, indépendamment de leurs croyances, comme il ressort de ce message coranique adressé à  tous les hommes : «Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous vous avons constitués en peuples et en tribus afin que vous vous connaissiez mutuellement» (49/XIII). L’islam a même fait de la reconnaissance des messages des prophètes antérieurs à  Mohammed une condition sine qua non de la foi islamique et n’accepte aucune différenciation entre ces prophètes qui, d’Abraham à  Jésus, en passant par Moà¯se, et par tous les autres envoyés de Dieu, ont enseigné aux hommes de n’adorer qu’un seul et même Créateur. On peut admettre, parce que cela rentre dans la sphère de leur liberté, que des hommes en arrivent jusqu’à  nier l’existence de Dieu, et donc celle de prophètes, porteurs de Sa Parole aux hommes. De là  à  franchir le pas pour sombrer dans la calomnie et l’insulte, et qui plus est, à  l’encontre d’un homme dont l’enseignement fut à  l’origine de l’édification d’une des plus brillantes civilisations humaines, civilisation qui a été d’un apport scientifique et artistique ayant bénéficié à  toutes les autres. Un homme qui fit toujours preuve de clémence, même et surtout envers ses pires ennemis. Sidna Mohammed résume d’ailleurs sa mission dans ce hadith: «Je n’ai été envoyé par Dieu que pour parfaire les bonnes mÅ“urs». Aussi, et comme pour être bien préparé à  cette mission, le prophète de l’islam se distinguait par la noblesse de son comportement, avant même qu’il ne fût honoré par la Révélation, comme il ressort de ce témoignage saisissant, tiré de la réponse à  une question que le Négus d’Abyssinie posa aux premiers musulmans chassés de leur patrie, et qui étaient venus chercher refuge auprès de lui : «Il était un Messager issu d’entre nos rangs, dont nous connaissons le lignage, la véracité, la fiabilité et l’intégrité. Il nous a appelé à  nous tourner vers Dieu, à  attester son unité, à  l’adorer. Il nous a ordonné de dire la vérité, de tenir nos promesses, de respecter les liens de parenté et les droits de nos voisins et de nous abstenir de commettre des crimes et de verser du sang»(2).