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Idées

L’explosion du fanatisme

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Les événements de la semaine écoulée nous ont rappelé dramatiquement l’urgence de revenir aux valeurs communes fondatrices de toutes les civilisations, de repenser nos modèles de société. Coupés de leurs solidarités traditionnelles pour aller s’agglutiner dans les grandes villes ou pour émigrer, voués au chômage comme seule issue à leur mal de vivre, des adolescents déracinés et sans perspectives sont devenus la proie d’un militantisme religieux pourvoyeur d’identités fortes, de certitudes toutes faites, de solutions expéditives. Qu’est-ce qui fait basculer les réveils ritualistes et piétistes, classiques dans l’histoire des religions, en dérives activistes sanglantes ? Dans l’appel à la lutte entre «le Bien et le Mal» ou dans l’appel à la «guerre sainte» se croisent trop d’éléments touchant au passé et à la plus brûlante actualité, au transcendant et à l’immanent, au séculier et à l’irrationalité pour qu’on puisse accuser l’islam. En fait, c’est la marginalisation sociale qui est un terreau fertile pour les intégristes de tous bords, et dans divers pays.

Les religions ont connu, au cours des dernières décennies, en raison notamment des changements démographiques, des évolutions considérables. Le christianisme s’implante dans les régions de forte natalité (Amérique latine, Afrique) ; l’islam est de moins en moins arabe ; le pentecôtisme est de plus en plus agressif en Amérique latine ; le bouddhisme et de nouvelles religions ou sectes ne cessent de progresser en Occident. L’influence des autres religions ne se mesure pas forcément au nombre des fidèles. La quête du spiritualisme est légitime chez tout humain. Elle signifie recherche de sens, sens de la vie, de l’humain, de l’être-ensemble. Les grandes religions apaisées, défanatisées savent répondre à cette quête. Mais en leur sein, certains appellent les valeurs d’honneur, de justice, de solidarité dont les doctrines de toutes les grandes religions sont porteuses. Et opposent ces valeurs à la corruption ambiante, à l’injustice, aux inégalités scandaleuses, à l’immoralisme. Ils réclament un retour aux valeurs d’origine. Ainsi se sont déjà épanouis à travers le monde divers fondamentalismes conservateurs ou révolutionnaires : islamisme, extrémisme hindouiste, mouvement charismatique catholique, pentecôtisme, ultra-orthodoxes en Israël. Dans de nombreux pays, ce retour à l’intégrisme supposé des origines s’accompagne d’activisme politique. Un peu partout, le dogmatisme religieux fait retour, qui nourrit à son tour des fanatismes de riposte.

Le «retour du religieux» est d’abord une réponse à une modernisation autoritairement imposée, perçue comme étrangère à Dieu et à toute transcendance, confondue avec la sécularisation, la laïcité, la corruption et l’aliénation. Les principaux conflits qui endeuillent la planète sont pour une part au moins des conflits de religion. Faut-il y voir des replis identitaires autour, en particulier, de doctrines religieuses sous l’effet modernisateur de la mondialisation et le projet d’homogénéiser culturellement les sociétés du monde ? Faut-il y voir une manifestation d’une crise des identités politique et sociale sous l’effet de l’affrontement idéologique – libéralisme /socialisme – et qui favorise la réémergence, partout, des identités religieuses et ethniques ? Les idéologies séculières forgées dans les luttes anticoloniales – nationalisme, socialisme laïc, marxisme athée – ont cédé à leur tour et ouvert la voie à des propositions d’alternative religieuse, mêmes les plus radicales et fumeuses.

Celles-ci ont prospéré sur les décombres des idéologies dites de libération et de progrès, sur la contestation croissante d’un modèle de civilisation matérialiste à prétention universelle, sur la volonté de restaurer les bases sacrées de l’ordre social. Inquiètes de la mondialisation, qu’elles ressentent comme une menace, de nombreuses personnes sont tentées par la fuite devant le discours religieux. Comme d’autres se tournent vers les paradis artificiels ou vers les superstitions et les pratiques occultes. Mais quelles que soient les raisons conjoncturelles de la nouvelle offensive des grandes religions, il ne faut pas oublier que la priorité immédiate est de redoubler d’efforts pour trouver des solutions politiques aux conflits et aux inégalités qui servent trop souvent de prétexte à la barbarie