Idées
Les villes, richesse ou pauvreté des nations
Collectivités locales et administrations centrales doivent être conscientes
que c’est dans la ville que s’organisent les fonctions essentielles
de l’économie : production, distribution, activités financières
et de services. L’amélioration de la compétitivité
des nations dépend donc de leur capacité à gérer les
problèmes urbains et anticiper les besoins futurs des agglomérations.
Nos villes sont en crise. Les principaux acteurs de la vie sociale, économique et culturelle sont bien d’accord sur ce constat, mais comment y remédier ? La crise est liée à un processus de croissance rapide, mal maîtrisé. Un habitat illégal qui prolifère, des extensions urbaines qui s’effectuent dans le désordre, des retards d’équipement notoires. Les petites villes ne sont le plus souvent qu’un conglomérat de centres ruraux. Les grandes artères des villes moyennes offrent l’apparence d’une modernité qui masque le dénuement de quartiers inorganisés. Les métropoles subissent des pressions sévères sur leur environnement : carence des transports collectifs, embouteillages, pollution de l’air, bruit, problèmes de l’élimination des déchets, spéculation foncière…. Le cas de Casablanca est caractéristique, tout à la fois du dynamisme urbain et des dysfonctionnements qui portent atteinte à l’efficacité économique des espaces urbains, à une période où l’influence des villes sur la richesse des nations est considérable.
Toutes les villes comptent des poches de pauvreté qui se nichent aussi bien en ancienne médina qu’en bidonville et, de plus en plus, dans des quartiers périphériques semi-ruraux, livrés à eux-mêmes. La misère et la concentration de difficultés de tous ordres harcèlent aujourd’hui nombre de citadins confrontés, sans grand espoir de changement, au chômage et à des conditions de vie précaires. Nombreux sont les quartiers où prolifèrent l’économie informelle, la montée de la criminalité, l’éclatement de la structure familiale. Il s’agit là d’un problème à la fois social et urbain qui constitue une atteinte à la cohésion de la société.
En dépit de leur diversité, nos villes sont confrontées à des problèmes essentiellement similaires. Leur crise ne sera pas résolue si on ne s’attaque pas au mode de gestion de l’espace urbain. Si on n’opte pas pour un management public local fort d’une légitimité démocratique et impliquant une participation de la population. Et on ne changera pas cette situation si on ne s’en prend pas aux causes institutionnelles de l’émergence de la crise. Quand on voit ce qui se passe dans le processus d’élection des maires et des bureaux des municipalités, on s’aperçoit qu’on est encore en plein archaïsme. On perpétue ici une situation déplorable, en continuant de soutenir des gens d’une autre époque, des notabilités motivées essentiellement par l’accès au foncier ou à la ressource publique. On installe aux commandes des grandes villes des personnalités qui cumulent de lourdes fonctions au niveau central et local.
Certes, les villes se caractérisent comme étant, au niveau spatial, une superposition, ou un condensé, de toutes les politiques publiques. Aujourd’hui, plus qu’hier, les municipalités et les régions ont l’ardente obligation de s’impliquer dans la définition du cadre des politiques urbaines ou sectorielles d’aide à l’emploi, au logement, à l’éducation et à la culture. Cependant, force est de constater que la plupart des municipalités manquent de l’expertise polyvalente qu’exigerait la prise en compte sérieuse de cette complexité. Il est donc nécessaire de rechercher des solutions novatrices et plus efficaces que par le passé. Collectivités locales et administrations centrales doivent être conscientes que c’est dans la ville que s’organisent et se concentrent les fonctions essentielles de l’économie: production, distribution, activités financières et de services. L’amélioration de la compétitivité des nations dépend donc de leur capacité à gérer les problèmes urbains et anticiper les besoins futurs des agglomérations. Pour ces tâches, les institutions locales ont un rôle particulier à jouer, même si le morcellement des villes rend difficile toute action commune sur des questions de portée générale. Le tout est de savoir si les villes sont en mesure de créer des instances décisionnelles susceptibles de définir une base commune à leurs plans d’aménagement. Il s’agit de questions fondamentales pour les municipalités. La manière dont elles seront traitées influera sur le climat de confiance et la propension à aborder le changement dans un esprit constructif