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Idées

L’enseignement supérieur à  l‘horizon 2030

Cette réflexion est une contribution au chantier de prospective économique initié par le Plan concernant le secteur-clé de l’enseignement supérieur. Elle dégage les tendances lourdes
de ce que sera ce secteur à  l’horizon 2030, parmi lesquelles la
privatisation de l’enseignement privé,
sa mondialisation… Une vue de l’esprit ? Plutôt un état
des défis à  relever, et donc des décisions à  prendre
d’ores et déjà  pour prévenir les échecs
de demain.

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Cette contribution à  la réflexion prospective sur le développement économique et managérial au Maroc cherche à  assurer davantage de visibilité dans le parcours et cherche à  induire davantage de responsabilité dans la conduite des affaires à  l’échelle macro-économique, mais également à  l’échelle des entreprises et des divers secteurs.
Le secteur de l’enseignement supérieur, secteur vital pour la reproduction des ressources humaines, est une composante essentielle du concept de développement durable. Pour toutes ces raisons, il devient important d’avoir une vision prospective de ce secteur qui constitue le couronnement de tous les cycles éducatifs et représente, par ailleurs, le bouillon de culture de la recherche scientifique.
Cette démarche prospective a déjà  eu le mérite, grâce à  l’initiative du Haut Commissariat au Plan, de mobiliser de nombreux acteurs institutionnels de notre pays, et de susciter leur réflexion sur le positionnement et le profil de leur secteur en 2030. Nous nous proposons donc d’emboà®ter le pas à  ces secteurs, et de retenir la même date de référence. Aussi, s’il nous était donné aujourd’hui de profiler le secteur de l’enseignement privé à  cet horizon, les tendances lourdes qui vont probablement se confirmer me semblent être les suivantes :

Première tendance : la régu-lation du secteur de la formation
La date butoir initiale fixée par la Cosef (Commission spéciale… enseignement fondamental) en 2010 pour atteindre les objectifs de la charte a été reportée d’échéance en échéance, et le processus a fini par décevoir beaucoup d’espérances. Bien que les facteurs explicatifs soient nombreux, le manque de vision prospective n’est pas étranger à  cet échec. L’année 2030 devra consacrer le passage de l’éducation-formation au Maroc d’un mode de gestion administrée à  un mode de gouvernance basé sur la régulation. Ceci devra se réaliser par une autonomie totale des établissements de formation, aussi bien publics que privés. Cette autonomie devra s’accompagner de la mise en place et de la consolidation d’outils performants de régulation par l’Etat. Le tissu éducatif et de formation devra alors être totalement et directement à  l’écoute des besoins de l’emploi. Il devra faire preuve de plus d’initiative pour dégager des ressources propres, à  même de garantir son indépendance. Par conséquent, il dépendra moins du Budget de l’Etat et agira pour le développement de ses ressources externes. Le monde de l’entreprise sera alors partie prenante du système, par le biais des universités d’entreprises qui seront créées dans les principaux bassins industriels, et par le financement désintermédié de la formation continue. Les opérateurs de formation seront directement payés par les entreprises bénéficiaires, sur leur taxe de formation professionnelle.
Enfin, et dans la perspective d’une meilleure synergie entre l’entreprise et le système de formation, la formation duale, ou par alternance, devra être institutionnalisée dans le supérieur et bénéficiera d’incitations.

Deuxième tendance : privati-sation de l’éducation
Après avoir été une fonction régalienne de l’Etat, la formation confirmera son statut marchand, tout en restant par essence une mission de service public. Par conséquent, les investissements privés, autant nationaux qu’internationaux, dans l’éducation atteindront au Maroc les mêmes taux que dans les autres pays émergents. Ils seront principalement le fait d’opérateurs économiques, voire d’investisseurs institutionnels, appuyés par des réseaux pédagogiques entreprenants. Les grandes institutions d’enseignement privées seront alors cotées en Bourse et réussiront des levées de capitaux bénéfiques au déploiement géographique et sectoriel.
Sur le plan macro, les établissements d’enseignement supérieur privé auront parachevé leur restructuration, et se seront redéployés dans des universités privées, assurant la taille critique nécessaire à  la compétition internationale. Entre-temps, et comme l’évoque la Charte, l’enseignement supérieur public sera payant, et les économies de budgets publics permettront de créer des bourses de mérite, qui bénéficieront équitablement aux deux secteurs, public et privé. La non-gratuité de l’enseignement supérieur public permettra non seulement des économies budgétaires, mais une compétition par les prix plus équitable et performante entre les deux secteurs. En outre, le gain budgétaire permettra à  l’Etat d’encourager financièrement et fiscalement le secteur privé. Grâce à  une qualité accrue, des économies de places universitaires publiques, et des compressions de coût de revient de l’enseignement au niveau du privé, l’Etat sera globalement gagnant.

Troisième tendance : mondia-lisation de l’éducation
Déjà  entamée depuis près de cinq ans avec les doubles diplomations, les accréditations étrangères et la floraison de diplômes étrangers délocalisés, la mondialisation se consolidera davantage à  l’horizon 2030. Les flux d’étudiants Sud-Nord, à  défaut de s’inverser, s’équilibreront par un contre-flux d’étudiants européens et internationaux vers le Maroc, à  la recherche d’une formation à  diplôme équivalent (en raison des accréditations internationales), à  moindre coût, et à  conditions de vie plus agréables. Ceci, en plus du flux structurel des étudiants boursiers de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb qui se développera davantage, compte tenu de la fermeture croissante des frontières européennes des anciennes métropoles. Le secteur de la formation deviendra un secteur économique à  part entière, qui contribue ainsi à  l’export.
Ce contre-courant compensatoire touchera également les enseignants, dont un bon nombre seront des Marocains expatriés et expérimentés. On assistera donc au développement des opportunités professionnelles pour les nombreuses compétences marocaines à  l’étranger.
Au niveau des curricula, la tendance devra être l’accréditation internationale par des instances de certification dans les disciplines du management et de l’ingénierie. Cette tendance sera observée dans les formations professionnalisantes. En revanche, pour les formations plus orientées vers la recherche-développement, la concurrence entre les pays occidentaux et des pays comme le Maroc, aspirant au progrès scientifique, sera vive, en raison de la nécessité vitale pour le monde industrialisé, qui sera alors en compétition exacerbée avec la Chine et l’Inde, de retenir la matière grise dans ses propres structures de recherche, voire de l’importer encore plus massivement de chez nous.

La quatrième tendance aura trait à  l’impact de la formation sur les IDE
La croissance du potentiel de ressources humaines qualifiées au Maroc aura contribué en 2030 à  développer les investissements directs étrangers dans les zones offshore, les zones industrielles et dans les technopoles dédiées aux technologies de l’information et de la communication. Le critère de la qualité et disponibilité des ressources humaines sera alors classé premier critère de compétitivité internationale, devant le coût des facteurs de production, comme l’énergie ou la main-d’Å“uvre non qualifiée.
Toutefois, en termes de qualité, la formation professionnelle et la formation supérieure seront encore handicapées à  l’amont par la lente évolution du niveau des bacheliers. Ce déficit de qualité sera conséquent à  la lente ouverture culturelle des écoles du secteur public, au faible degré d’internationalisation et aux problèmes de gouvernance des structures d’éducation primaire et secondaire.
Cette contribution avait pour but de verser à  ce chantier de la prospective économique des éléments utiles, relatifs à  un secteur vital qu’est l’éducation-formation. Toutefois, si ce tableau très optimiste peut sembler être une vue de l’esprit, il cherche en réalité à  tracer les défis à  relever dans un horizon certes lointain, mais qui nous invite à  prendre aujourd’hui les décisions qui s’imposent pour pallier les échecs de demain.

Com’ese

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