Idées
L’économie des vacances
L’été est la saison des mariages.
Le chiffre d’affaires des bijoutiers, tailleurs, tapissiers
et autres adouls s’améliore. Des régions reculées revivent par l’injection des transferts des enfants du pays, revenus épouser la cousine, prendre soin des proches, achever
la construction de la maison en dur.
Août, l’économie plonge. La production est en vacances, les investisseurs temporisent. Le volume de travail tombe au-dessous du minimum ordinaire, entraà®nant au passage un relâchement de la discipline et de l’effort. Un mois durant, l’économie est en mal de repères et s’éloigne de ses objectifs ; elle perd beaucoup de sa rationalité et n’apparaà®t plus tout à fait dans une logique de productivité et de compétitivité. A une si grande échelle, les heures de travail perdues dans la sphère de la production risquent de l’être définitivement. Le manque à gagner qui en découle se retrouve dans les bas de bilan des entreprises et dans les comptes de la nation. Au total on vous dira qu’on sacrifie quelques points de croissance pour exercer un droit acquis ou reconstituer la force de travail.
En fait, peut-on dire que l’été est une saison perdue ? Un regard aiguisé n’aura pas de difficultés à appréhender les mouvements spécifiques de ce mois pas comme les autres. Au cÅ“ur de l’été, traditionnellement, la courbe de l’emploi entame un cycle. Tout juste sortis du système scolaire, les jeunes sont à la recherche d’un emploi. Le coût de la vie dessine un mouvement ascendant, en relation avec l’afflux des touristes et des Marocains résidents à l’étranger. La circulation de la monnaie progresse plus vivement, en raison des départs en congé et de la relance du tourisme.
En été, les activités économiques n’épousent pas le même rythme. Il est des branches économiques qui s’assoupissent, d’autres qui débordent d’énergie…
La terre nourricière reprend son souffle. Quelques cultures d’automne à suivre, les résultats de la campagne qui vient de s’achever à commercialiser, et surtout des travaux de préparation du sol en attendant les premières pluies de septembre. En été, les activités de transport et de services sont plus sensibles aux mouvements des hommes que des marchandises.
Pour l’industrie, c’est plutôt la période de ralentissement de l’activité, de la fermeture des entreprises pour congé annuel, de la maintenance des équipements. Néanmoins, quelques activités tournent plus qu’à l’ordinaire: les minoteries qui s’activent pour traiter les récoltes de l’année, les imprimeries qui doivent livrer à temps les livres scolaires de la rentrée, les unités de boissons gazeuses qui répondent à des commandes plus fermes, le bâtiment qui se réanime sous les dépenses des RME. Quant à l’administration, ses procédures se mettent en veilleuse, ses bureaux se vident ou presque, ses caisses se ferment. Le fonctionnaire aoûtien est un non-être. Il est l’ombre de lui-même. Il recharge ses batteries.
En vacances, les consommateurs modifient leurs comportements. Ils délaissent leur foyer, zappent d’un endroit à un autre, marchandent, dépensent. Car le consommateur touriste dépense plus que le consommateur de l’année. Il ne fréquente peut-être pas les hôtels en grand nombre mais il loue des chambres chez l’habitant, utilise les structures d’accueil des Å“uvres sociales ou séjourne tout simplement chez la famille et les amis. Pour les professionnels, cette saison est pain bénit. Hôteliers, restaurateurs, agents immobiliers et marchands de souvenir exultent ou font la moue. Selon que le consommateur touriste garde l’Å“il rivé sur son porte-monnaie ou lâche la bride.
N’oublions pas un autre phénomène social saisonnier qui n’est pas sans impact sur l’activité de quelques métiers : l’été est la saison des mariages. Le chiffre d’affaires des bijoutiers, tailleurs, tapissiers et autres adouls s’améliore. Des régions reculées revivent par l’injection des transferts des enfants du pays, revenus épouser la cousine, prendre soin des proches, achever la construction de la maison en dur. Et vous ? En êtes-vous comme moi aux ultimes préparatifs des vacances ? L’heure est à l’oubli des soucis, petits et grands. Foin des relations difficiles avec la banque, la régie d’eau et d’électricité, la poste, les commerces grands ou petits, les corps de métier, les mille et un dysfonctionnements de notre administration… Au diable les tracas, la fatigue, l’agacement, les exaspérations quotidiennes… Revendiquez votre droit à la paresse. Bonnes vacances !