SUIVEZ-NOUS

Idées

L’école de l’avenir

Il faut qu’à seize ans, le Marocain maîtrise trois langues au minimum. L’arabe bien sûr, mais aussi deux langues étrangères. Il est impératif que les sciences exactes et les sciences humaines soient enseignées en langue étrangère, parce qu’au supérieur, dans le monde du travail, c’est le français qui prime.

Publié le


Mis à jour le

C’est la rentrée des classes. Le privé s’y est mis plus tôt que le public dont une partie des effectifs est utilisée par le recensement. C’est un moment d’angoisse non seulement pour les enfants mais aussi, et peut-être surtout, pour les parents. Le choix de l’école devient un casse-tête terrible. A cela une raison : la qualité est très inégale, y compris dans le secteur privé.
Dans ce problème de niveau, il y a beaucoup de préjugés. Le constat sur sa baisse est inattaquable, mais ce constat cache des contrastes qui, bien analysés, pourraient nous valoir des portes de sortie. Ainsi, dans le secteur public, quelques établissements côtoient réellement l’excellence. Leurs résultats sont très performants. Ces établissements se trouvent partout, même dans les petits centres. Pourquoi ces exceptions ? Les pédagogues sont unanimes : c’est une histoire d’hommes. Dans cette opération le chef d’établissement joue un rôle essentiel. Quand il tient bien la boutique, impose le respect aux élèves et les règles de fonctionnement aux enseignants, les résultats suivent souvent.
Dans le privé, le coût n’est pas une garantie de qualité. Certains distribuent des notes élevées, souvent contredites par les résultats des examens, c’est d’ailleurs ce qui explique la baisse des pourcentages depuis le retour au baccalauréat national.
Seulement, la qualité d’un enseignement ne se mesure pas à ses résultats, bien qu’il faille absolument freiner la déqualification des diplômes. La réforme en cours a beaucoup de points positifs. Les manuels ont été dépoussiérés, les incohérences les plus criantes du système corrigées, mais le chemin est encore long.
Limitées par le rapport de la COSEF, les autorités compétentes n’ont pas pu imposer ce qui devrait être le cœur de la réforme. L’éducation marocaine n’intégrera son siècle que quand elle fera régner sur l’école, sans partage, la science, c’est-à-dire la raison.
Pour le moment on en est encore loin. Certains professeurs jouent même à un jeu stupidement dangereux. Ainsi, il n’est pas exceptionnel qu’un cours de physique ou de sciences naturelles puise son argumentaire dans le Coran. Mettre en concurrence la science et la religion n’a jamais servi cette dernière. Il y a une coupure épistémologique entre les deux . L’autre problème récurrent est celui de la langue. L’arabe classique, langue nationale, n’est en fait la langue maternelle d’aucun Marocain qu’il soit amazigh ou arabophone. Cette langue subit le contrepoids de l’immobilisme des sociétés, mais aussi celui du fait que personne, nulle part, ne l’utilise au quotidien, chaque pays arabophone ayant son propre dialecte.
Un penseur, Sharif Shoubashi, défend une thèse courageuse. L’immobilisme de la langue arabe vient du fait qu’elle est liée au sacré. Les oulémas ont réussi à faire croire à la supercherie selon laquelle l’arabe est lié au Coran. Supercherie parce que cela suppose que les Arabes étaient sourd-muets avant l’avènement du Prophète. Supercherie lourde de conséquences puisque la langue n’a plus d’interaction avec la société. Il faut, peut-être, trouver là les raisons du développement des dialectes, plus à même d’intégrer les évolutions sociales au détriment d’une langue figée par la volonté de ceux qui ont voulu la sacraliser.
Aujourd’hui, si nous voulons réellement valoriser l’élément humain, il faut qu’à seize ans le Marocain maîtrise trois langues au minimum. L’arabe bien sûr, mais aussi deux langues étrangères. Il est impératif que les sciences exactes et les sciences humaines soient enseignées en langue étrangère. Parce qu’au supérieur, dans le monde du travail, c’est le français qui prime. Les meilleurs poètes du monde resteront arabes.
L’école de l’avenir c’est celle qui privilégiera l’acquis scientifique, sans concessions aux croyances des uns et des autres. Tout en véhiculant les valeurs de civisme, de patriotisme et de tolérance.
Je ne peux terminer ce florilège sur l’école, sans une pensée pour les écoliers d’Ossétie. Il nous faut dénoncer cette barbarie avec la plus grande fermeté. Aucune cause, aussi juste soit-elle – et la cause tchétchène l’est – ne peut justifier des méthodes aussi bestiales