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Idées

Le crédit crunch et l’aversion au risque

A en croire les dirigeants des PME, l’accès au crédit devient plus ardu. Les entreprises, même saines, ne parviennent plus à  trouver les financements dont elles ont besoin. Elles se trouvent fragilisées.

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larabi 2013 08 07

A en croire les dirigeants des PME, l’accès au crédit devient plus ardu. Les entreprises, même saines, ne parviennent plus à trouver les financements dont elles ont besoin. Elles se trouvent fragilisées. L’octroi de crédits nouveaux recule sous l’effet d’une baisse de la demande, mais aussi d’une sélectivité accrue des banques. Si elles n’ont pas complètement resserré les cordons de la bourse, les banques deviennent plus restrictives dans leur distribution de crédit – ce que les spécialistes nomment le “crédit crunch”. Les formules abondent et les banques sont égratignées : «Les banques ne prêtent qu’aux riches», ou bien «un banquier ça ne sort jamais sans son parapluie»…? Aux yeux des petits et moyens entrepreneurs, l’expression «aversion au risque» caractérise le comportement des banquiers ; les investisseurs sont plutôt désignés comme des «risk takers», preneurs de risques.

Pour les banques, le financement des PME ne serait nullement un problème, contrairement à ce que prétendent celles-ci. Au premier semestre, les encours de crédits octroyés à ce type d’entreprises ont augmenté par rapport à la même période de l’an dernier. Ce qui montre qu’il n’y a pas de “crédit crunch”. En ces temps difficiles, les banques ne ferment pas les vannes ; elles se montrent tout de même plus exigeantes envers les nouveaux crédits. Face aux défaillances, plus nombreuses, des entreprises, et à la remontée du coût du risque, les banques resserrent l’activité, mais continuent  à financer des PME innovantes, avec un fort potentiel à l’exportation. Le délai d’attente augmente mais le taux d’acceptation des demandes de crédit auprès des banques oscille toujours entre 80 et 85 %. La nouvelle réglementation de Bâle III relative au renforcement des fonds propres des banques pèsera encore plus sur la capacité de ces dernières à prêter. Solidarité rime avec solidité : les banques ne prêtent qu’aux entreprises qui ont une colonne vertébrale suffisamment solide. Un argument de bonne gestion.

Sur la question de l’accès au crédit des PME, il y a un dialogue de sourds entre les deux parties prenantes. Les banquiers apparaissent relativement satisfaits même s’ils reconnaissent que leurs services se comportent différemment à l’égard des PME risquées. Les patrons de PME mettent en avant la frilosité des banques et font part de grandes difficultés d’accès au crédit pour leurs projets comportant une certaine part de risque. Au-delà de ces impressions, quelles conclusions peut-on tirer des données disponibles à ce sujet ? Elles sont difficiles à établir. Pour apprécier les éventuelles contraintes de crédit pesant sur les PME marocaines, la principale méthode consiste à estimer les niveaux de l’offre et de la demande de crédit et à considérer que le rationnement est égal à la différence (lorsque cette dernière est positive) entre la demande et l’offre. Mais, les études quantitatives portant sur ce sujet sont aujourd’hui, il est vrai, presque inexistantes. Des indices conduisent  à penser qu’il existe des contraintes de rationnement relativement fortes au Maroc, même si leur ampleur et leurs causes ne peuvent être déterminées avec exactitude. Une autre façon de mettre à jour les contraintes de crédit pesant sur les entreprises est de comparer les primes de risque théoriques issues du «score» de Bank Al-Maghrib et les taux d’intérêt effectivement constatés dans les prêts aux entreprises. En théorie, ces primes devraient s’observer dans les tarifs pratiqués par les banques sur le crédit. Là aussi les données ne sont pas publiées.

Toujours est-il que s’attaquer au problème du couple risque-rendement implique d’en étudier les causes. La littérature enseigne que l’accès au crédit des PME est contraint par différents facteurs qui empêchent un fonctionnement optimal du couple risque-rendement. Il s’agit notamment de la présence d’asymétries d’information du fait que le prêteur éprouve des difficultés à évaluer le projet de l’emprunteur; l’existence d’un taux réglementaire de l’usure qui fixe un plafond aux taux d’intérêt débiteurs pratiqués pour diverses catégories de concours; un droit des défaillances d’entreprises défavorable aux créanciers. Mais avant de statuer sur l’effectivité de ces facteurs de rationnement du crédit, il serait plus primordial d’appeler à une plus grande transparence sur les crédits apportés aux PME. Les établissements bancaires devraient livrer des indications fiables sur la part de leur portefeuille de crédits qui concerne les PME. Ils devraient s’engager, via leurs organisations professionnelles, à être plus transparents en matière de crédits octroyés aux PME de façon à ce que les pratiques de financement puissent être mieux connues. Le respect de cet engagement serait encore plus positif s’il pouvait se doubler d’une transparence sur la nature des prêts consentis en distinguant nettement, d’une part, le financement de projets nouveaux et, d’autre part, le financement d’acquisitions.

Les PME créent des emplois. Elles pourraient le faire davantage encore si les obstacles à leur accès au financement étaient levés. L’intervention de l’État s’impose afin de lever cette contrainte. Plusieurs mécanismes sont a priori mis en œuvre dans cette perspective : l’État incite les banques à réserver des ressources spécifiques aux PME ; il leur accorde des ressources dédiées plus favorables que celles du marché ; il diminue enfin le risque supporté par les banques lorsqu’elles prêtent aux entreprises risquées en prenant en charge une partie des pertes réalisées en cas de défaut. Ces mécanismes, dans leur généralité, produisent-ils tout l’impact attendu ? Leur évaluation devrait donner lieu à un débat en profondeur avec les différents acteurs : entrepreneurs, banques, autorités de tutelle, etc. Cette évaluation constituerait un cadre dans lequel les décideurs publics seraient invités à retenir les options qui leur paraissent appropriées pour réajuster les dispositifs en cours, améliorer leur efficacité.