Idées
L’augmentation du coût des soins est antisociale : un postulat non fondé
L’absence d’une tarification
flexible et conventionnée
porte en germe le rationnement insidieux des soins.
Un système sans ajustement
des coûts et sans contrôle
des dépenses ne garantit pas
la qualité des soins.
C’est à une levée de boucliers qu’on a assisté en fin de semaine écoulée. Dans toute la presse, toutes sensibilités confondues. La cause de cet unanimisme ? Les augmentations des tarifs des soins médicaux. Une dénonciation radicale qui surfe allègrement sur une question d’une extrême sensibilité. Des commentaires qui confinent au populisme. Le postulat selon lequel une augmentation du coût des prestations de soins est antisociale conduit logiquement à rendre illégitime toute revalorisation des tarifs. Ce postulat n’est pas fondé.
Il convient de remettre en cause l’illusion que le gel des tarifs garantit que les soins peuvent être prodigués à chacun, que tous les besoins de santé peuvent être satisfaits de manière optimale. En réalité, l’absence d’une tarification flexible et conventionnée porte en germe le rationnement insidieux des soins. Un système sans ajustement des coûts et sans contrôle des dépenses ne garantit pas la qualité des soins.
L’hôpital public est un organisme vivant. Il se transforme et réagit aux évolutions de la société et de la politique de santé. L’hôpital se transforme d’abord parce que les pathologies qu’il prend en charge et les moyens qu’il met en oeuvre sont eux-mêmes en perpétuelle évolution. Nouvelles techniques chirurgicales, nouveaux outils d’imagerie (le scanner ou la résonance magnétique…), nouveaux médicaments ont bouleversé son fonctionnement quotidien. Ils ont renforcé son rôle d’appareil technique. Mais, aujourd’hui, l’hôpital est confronté à d’autres évolutions sociales : le développement de la pauvreté et de l’exclusion économique. Placé au coeur de cet ensemble de contraintes techniques et sociales, l’hôpital doit s’adapter à un environnement difficile. Mais le débat sur la meilleure façon de prendre en compte ces contraintes et de s’adapter à cet environnement demeure insuffisant. Faute d’outils réellement satisfaisants pour différencier la capacité contributive des patients, juger du rapport qualité/coût des établissements et optimiser les moyens mis en œuvre.
Faut-il maîtriser la tarification des soins de santé ? Sans doute. Mais son blocage n’est pas du tout normal, compte tenu des progrès des techniques médicales, de l’évolution de l’épidémiologie et des transformations des comportements sociaux face à la maladie. Il faut tout de même veiller à ce que l’argent public soit bien dépensé. Une non-maîtrise des dépenses ouvrirait la voie à une privatisation inégalitaire de la santé. Inversement, la maîtrise n’a de sens que si elle s’accompagne d’une réflexion sur l’utilité des dépenses et sur le moyen de mieux atteindre les objectifs assignés au système de santé. D’où la nécessité d’un débat public pour définir la politique de santé, donner des moyens à cette politique et vérifier leur mode de mise en oeuvre.
Comment sortir d’une organisation segmentée du système de santé, puisque la santé humaine ne se découpe pas en rondelles ? Réponse : en mettant en place des réseaux entre médecine privée et hôpital public, entre médecins spécialistes et généralistes, entre médecins et autres professionnels de santé. Comment réduire les inégalités dans l’offre de soins entre régions ? Pour l’hôpital, la réponse demande que les règles de répartition de l’offre de soins entre régions soient transparentes et tiennent compte des besoins locaux. Pour la médecine libérale, elle demande de revenir sur la totale liberté d’installation des médecins, ou du moins de la lier à un système d’incitation en fonction
des zones d’installation. Quelle place pour les patients ? La réponse ne réside pas seulement dans la facilitation de l’accès à l’information, mais aussi dans l’articulation des droits et devoirs des patients pour encourager les comportements vertueux.
Quels impératifs de qualité doit-on se fixer ?
Faut-il soumettre les médecins à une procédure de formation médicale continue?
Quelle base donner à la rémunération des professionnels et des structures de soins ? Faut-il aller vers des modes de tarification identiques dans les structures publiques et privées ? Enfin, qui doit décider ? Quelles places respectives pour le ministère, le Parlement, la future agence, les partenaires sociaux ? Il va falloir clarifier les responsabilités de chacun. Dans ce contexte complexe, il serait peu cohérent de traiter séparément les dispositions à incidence financière et les principes d’organisation du système de soins. Le débat public doit s’élargir et gagner en qualité