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Idées

La paix menacée par la guerre

Georges Bush sait que l’Iran a arrêté son programme d’armement nucléaire.

Pourtant, il demeure dans
sa logique guerrière, prêt à  en découdre avec celui qu’il
pose comme l’ennemi du moment.

C’est dire le degré de vulnérabilité du monde face à  ceux qui en
détiennent les commandes.

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Georges Bush persiste et signe. «L’Iran était dangereux, l’Iran est dangereux, et l’Iran restera dangereux s’il a le savoir nécessaire pour produire une arme nucléaire», a-t-il martelé lors de la conférence de presse tenue suite à  la publication du rapport du service américain d’évaluation du renseignement national (National Intelligence Estimates, N.I.E) affirmant l’interruption par Téhéran de son programme d’armement nucléaire depuis l’automne 2003. Le président américain ne remet pas en question les faits énoncés par le N.I.E, institution qui regroupe les seize principales agences d’espionnage américaines. Mais il estime que ce rapport ne change rien à  l’attitude qui doit être celle des USA en direction du pays des ayatollahs, «une diplomatie efficace» étant «une diplomatie o๠toutes les options sont ouvertes». Dans le langage de l’homme à  qui l’on doit la mise à  feu et à  sang de l’Irak et la mise en application du concept huntingtonien du choc des civilisations, cela signifie le maintien du spectre de la guerre agité depuis des mois par les USA et leurs alliés en direction de l’Iran. Depuis septembre dernier en effet, les événements ont paru se précipiter. Après avoir parlé d’«holocauste nucléaire», Bush revenait à  la charge en novembre en évoquant clairement la menace d’«une troisième guerre mondiale». Or le Washington Post a rapporté qu’en août déjà , le directeur du renseignement national, Mike McConnel, avait informé le président américain de l’existence de «nouvelles informations» qui modifiaient le regard sur le nucléaire iranien. Du coup, la grande question à  l’ordre du jour est de savoir si, au moment o๠il tenait ses propos apocalyptiques, Bush connaissait le contenu exact du rapport du N.I.E. Il affirme que non: «Il (Mike McConnel) ne m’a pas dit ce qu’elles (les nouvelles informations) étaient et (m’a dit) qu’il faudrait du temps pour les analyser». Maintenant, même si la bonne foi du président américain ne devait pas être mise en cause, il reste que, aujourd’hui, ce dernier sait. Il sait que l’Iran a arrêté son programme d’armement nucléaire. Pourtant, il demeure dans sa logique guerrière, prêt à  en découdre avec celui qu’il pose comme l’ennemi du moment.
Ce nouvel épisode de la croisade menée par l’occupant de la Maison Blanche contre les «forces du mal», hier personnifiés par l’Irak de Saddam Hussein, aujourd’hui par l’Iran de Ahmadinejad montre le degré de vulnérabilité du monde face à  ceux qui en détiennent les commandes. Par le jeu des circonstances propres au lieu et au temps, des hommes se hissent à  la tête des Etats. Du coup, de simples mortels, ils se muent en demi-dieux dont les décisions peuvent être appelées à  affecter le sort de millions d’hommes. Plus l’Etat est puissant, plus ses dirigeants tiennent entre leurs mains le destin non seulement de leurs concitoyens mais également de celui de personnes évoluant à  des milliers de kilomètres d’eux. C’est le cas du président des USA. L’Irakien condamné à  vivre l’horreur au quotidien est étranger à  l’arrivée au pouvoir de Georges Bush. Pourtant, c’est en grande partie aux bonnes Å“uvres de celui-ci qu’il doit l’implosion de son pays. Si demain la menace d’une troisième guerre mondiale devait – à  Dieu ne plaise!- se concrétiser, nous tous en payerons le prix. Il est affolant de savoir que tout peut basculer un jour parce qu’une poignée d’hommes, mus comme tout autre individu sur cette terre, par des ressorts internes produits par une histoire personnelle, en ont décidé ainsi. Quand on passe au crible l’histoire des dirigeants du monde et que l’on analyse leur politique, passée et présente, le lien s’impose lui-même entre certaines de leurs décisions et les événements forts de leur vie. A la fin des années 70, un livre, Ces malades qui nous gouvernent, du Dr P. Rentchnick et P. Accoce, avait fait date. Les auteurs y revenaient sur les pathologies qui ont miné la vie des grands dirigeants contemporains. Ainsi, à  Yalta, moment fort de l’après guerre, Franklin Roosevelt était-il malade. Sa tension artérielle atteignait trente, son maximum, troublant sa lucidité au moment o๠il était engagé avec Staline dans une négociation capitale sur le partage du monde. Le président John F. Kennedy, lui, était atteint d’une grave maladie des glandes surrénales qui l’obligeait à  rester couché une bonne partie de la journée à  l’époque même o๠Khrouchtchev installait ses fusées à  Cuba. S’inspirant de la même démarche, un ouvrage récent, Ces croyants qui nous gouvernent, dissèque pour sa part le parcours spirituel de quatre autres grands de ce monde. Analysant «la croisade contre les forces du mal» du président américain comme une conséquence des problèmes d’alcoolisme réglés par le recours à  la foi dans sa jeunesse, le livre explique que ce dernier se croit investi d’une mission divine, d’o๠ce sentiment de posséder la vérité et de n’avoir à  rendre de compte à  personne, à  part à  Dieu. Ces exemples rappellent que tous «grands» qu’ils soient, nos gouvernants restent des hommes, sujets comme les autres à  la perte de discernement. D’o๠l’importance des mécanismes institutionnels qui régulent le pouvoir et permettent le fonctionnement de contre-pouvoirs. Cela reste à  ce jour la moins mauvaise manière pour les peuples de corriger les erreurs d’aiguillage de ceux à  qui ils confient leur sort.