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Idées

Indépendance, oui mais…

L’anniversaire des 50 ans d’indépendance offre certes l’occasion de ranimer le patriotisme des Marocains en leur faisant revivre ces pages d’histoire où l’amour du pays a conduit aux dons et aux sacrifices les plus grands. Mais cette revivification ne peut en aucune manière se faire au détriment de l’économie du pays.

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Trois jours de bonus. Trois jours durant lesquels le pays se remet tranquillement à  lézarder après un mois de Ramadan au cours duquel il a somnolé tout son soûl. Trois jours d’arrêt festivités juste pour ne pas perdre le goût de se reposer. Il faut reconnaà®tre que, sur ce plan, les risques encourus ne sont pas des plus importants. Mais enfin que se passe-t-il ? Quelle mouche à  piqué les responsables pour qu’à  peine de retour de l’Aà¯d Seghir, on nous demande de refaire nos valises pour repartir en vacances ? Certes l’événement est de première importance. On ne fête pas les cinquante ans de son indépendance chaque année. Marquer cet anniversaire par des célébrations particulières est de mise. Mais est-ce pour autant qu’il faille arrêter l’activité du pays pendant près d’une semaine ? Les interrogations, du coup, n’ont pu que fleurir. Et, avec elles, la rumeur. Deux options sont à  considérer. La première : ces trois jours fériés n’ont pour autre raison que la raison avancée, à  savoir fêter de manière exceptionnelle ce 18 novembre 2005. La deuxième : il y aurait effectivement anguille sous roche. Dans l’une comme dans l’autre éventualité, un problème se pose. Si nous sommes dans le premier cas de figure, il n’y aurait pas de mots pour souligner l’inconscience et l’aberration d’une telle décision. Un tel anniversaire offre certes l’occasion de ranimer le patriotisme des Marocains en leur faisant revivre ces pages d’histoire o๠l’amour du pays a conduit aux dons et aux sacrifices les plus grands. Mais cette revivification ne peut en aucune manière se faire au détriment de l’économie du pays. Au-delà  même des pertes sèches ainsi occasionnées, il y a tout le rapport au travail qui se trouve en cause. Or, s’il fallait pointer du doigt l’un des échecs majeurs du Maroc indépendant, ce serait justement au niveau de celui-ci. Au niveau de l’importance que l’on accorde à  l’acte de travailler, au niveau de la valorisation de la notion de labeur. Là , et ce n’est que revenir sur des évidences, il y a un sérieux problème. Un problème qui entrave la capacité du pays à  se développer. Comment en effet espérer aller de l’avant quand l’effort et la conscience professionnelle sont éjectés du code des valeurs sociales, sont objets de condescendance si ce n’est de mépris ? Faire le moins pour gagner le plus, telle serait désormais la marque suprême de l’intelligence. Travailler à  la sueur de son front n’est plus une expression qui fasse recette. Réussir à  la sueur de celui des autres, par contre, oui. Octroyer ainsi, sans coup férir, trois jours fériés, après un long week-end de aà¯d et un mois d’hibernation, contribue à  renforcer cette déconsidération combien préjudiciable de l’investissement dans le travail. Devant la dérive des mentalités sur ce point précis, rééduquer les citoyens à  l’effort devrait être une des priorités fondamentales de l’Etat. D’autre part, quelle meilleure manière de réactiver le sens du pays et de rendre hommage à  ses héros que de faire prendre conscience à  chacun de son devoir à  son égard ? Devoir, qui, comme le reste, passe par le travail. Et non par le farniente institutionnalisé. Maintenant, si l’on doit en croire la rumeur, l’octroi de ces trois jours fériés répondrait à  des considérations autres que le simple désir de donner un faste particulier à  la célébration du cinquantième anniversaire du retour d’exil de Mohammed V. La raison première serait une question de sécurité nationale. Des événements terroristes graves auraient été en cours de préparation. On avance même que deux d’entre eux auraient été déjoués et que des consignes auraient été données à  certaines multinationales de conseiller à  leur personnel de s’abstenir, pendant un temps, de fréquenter des lieux publics comme les hôtels et les restaurants. Qu’y a-t-il de vrai là -dedans ? En l’absence de confirmation officielle, il est impossible de répondre. Maintenant, à  supposer que cette rumeur porte en elle une part de vérité, l’attitude adoptée par les autorités se justifierait-elle pour autant ? A titre de comparaison, au cours de cette même semaine, la France a communiqué sur une alerte maximale en matière de terrorisme. Le plan Vigipirate a été activé à  un de ses degrés les plus élevés. Cette transparence de l’Etat a pour pendant la responsabilisation du citoyen. On dit à  celui-ci ce qu’il en est, on prend des mesures pour sa sécurité sans pour autant l’infantiliser, et la vie continue. Du coup, pas de rumeur et pas de coup d’arrêt à  l’activité. Si, pour ce qui nous concerne, ces trois jours fériés ont pour cause une menace terroriste, le plus simple n’aurait-il pas été de nous en informer ? Le risque d’affoler ? Mais la rumeur est là  pour s’en charger. A l’inverse, la transparence en matière d’information permet d’approcher les événements avec rationalité et mesure, d’autant qu’aujourd’hui, le monde entier est appelé à  vivre avec l’épée de Damoclès du terrorisme au-dessus de la tête. Aussi, quelle que soit la raison derrière l’octroi de ces jours fériés, elle apparaà®t difficilement justifiable. Le Maroc peut-il se permettre le luxe de s’octroyer des vacances supplémentaires ? A cette question, l’Etat connaà®t la réponse, et nous aussi.