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Fonction publique : la réforme n’attend pas

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Le programme des départs volontaires semble avancer à grands pas. Mais que de questions restent encore en suspens pour apprécier sa configuration globale et son coût financier ! Combien d’agents de la fonction publique de l’Etat seront-ils concernés ? Quel sera le profil de qualification dominant? Quels seront les départements les plus touchés ? Peut-on apprécier l’impact du programme sur le niveau de l’encadrement supérieur de l’Etat ? En définitive, la compression des effectifs qu’il est susceptible de produire ne peut s’avérer utile que si un objectif essentiel est réalisé : dégager une épargne nette sur la masse salariale de l’Etat. Or, cet objectif est conditionné par le ciblage du personnel non éligible à la pré-retraite. C’est le poids de cette catégorie de «candidats au départ» qui déterminera l’importance de l’économie budgétaire. Pour deux raisons : l’opération n’impliquera pas, de ce fait, des coûts additionnels pour la caisse de retraite ; les effectifs plus jeunes présentent un plus grand potentiel d’années de service et donc une épargne sur les dépenses salariales à plus long terme.
Toutefois, dans l’euphorie de ce challenge, l’arbre ne devrait pas cacher la forêt. D’autres défis se présentent à la fonction publique. Ils portent, entre autres, sur le niveau global d’emploi public, les ajustements par secteur, l’évolution des qualifications nécessaires, l’implantation territoriale des agents, la gestion prévisionnelle des fonctionnaires. Les difficultés que rencontre la fonction publique sont bien connues. Les résoudre est devenu vital pour accompagner les changements considérables qui s’imposent dans les missions des administrations publiques, leurs tâches et leur organisation. Jusqu’à présent, il a été difficile pour les pouvoirs publics de traduire en actes les pistes de solution évoquées par de nombreux rapports administratifs. Certaines préconisations n’ont pas été mises en œuvre, y compris celles qui visaient à une meilleure connaissance de l’emploi public. Celle-ci reste d’ailleurs souvent lacunaire. La fonction publique ne connaît pas ses effectifs exacts. L’Etat, quant à lui, ne dispose que de peu d’éléments fins, par exemple, sur les trajectoires personnelles des agents, sur les rémunérations accessoires de certaines catégories et sur les compétences disponibles. Sa connaissance des postes effectivement pourvus est loin d’être parfaite.
La fonction publique apparaît aussi comme un lieu où malgré l’existence du statut général qui garantit contre l’arbitraire, se développent des inégalités en termes de contraintes, de perspectives de carrières, de rémunérations. Ces inégalités entraînent parfois un certain découragement qui ne peut que se répercuter sur la qualité du travail. Les changements managériaux montrent aussi leurs limites. Ils butent sur un manque de valorisation de ceux qui les mettent en œuvre. Le sentiment prévaut souvent d’une fonction publique insuffisamment gérée malgré les progrès effectués par des ministères stratégiques. Pour l’encadrement, les carrières sont souvent bloquées à un âge où les fonctionnaires sont en pleine possession de leurs moyens et la mobilité fonctionnelle est faible. Parfois, un sentiment d’arbitraire dans les nominations et les affectations se fait jour. Enfin, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences se résume trop souvent à une gestion des effectifs, des corps et des grades, sans qu’existe une capacité effective à maîtriser l’évolution des qualifications et des métiers.
Y a-t-il des chances pour que la réforme de la fonction publique connaisse, dans la foulée du programme de départs volontaires, un début de concrétisation ? Rappelons que, dès leur arrivée, dans leur département, les ministres respectifs de la fonction publique ont fait assaut de déclarations pour affirmer leur volonté réformatrice. Tant d’insistance fait penser au Dictionnaire des idées reçues, dans lequel Gustave Flaubert a écrit des maximes féroces. Au mot réforme, il aurait très bien pu inscrire : «En parler ; ne pas le faire» ou, encore, «La taire, mais la faire». S’oriente-t-on aujourd’hui vers la seconde formule ? Ceux qui appellent de leurs vœux la réforme de la fonction publique ne désespèrent pas d’y parvenir un jour. Une gestion plus «performante» de l’emploi public n’est-elle pas une nécessité pour la représentation que la société se fait du «bien commun» ?