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Idées

Faut-il baisser les taux d’intérêt ?

Les entreprises sont prêtes à  parier sur l’avenir et à  emprunter pour investir si elles peuvent espérer raisonnablement que le revenu supplémentaire tiré de leurs investissements sera supérieur au taux d’intérêt moins l’inflation attendue, ce que l’on appelle le taux d’intérêt réel.

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Les taux d’intérêt sont trop hauts ! Bank Al Maghrib vient de le rappeler solennellement lors de la réunion du Conseil national de la monnaie et de l’épargne. La question peut paraà®tre saugrenue alors qu’ils ont déjà  relativement baissé et que les taux d’intervention à  court terme de la Banque centrale approchent doucement les 3 %. Même les taux à  long terme, ceux qui reflètent la confiance des marchés, sont passés depuis quelques années sous la barre des 6 %. Que demander de plus ? Pourquoi cette baisse ne se reflète-t-elle pas dans les niveaux de taux facturés par les banques commerciales à  l’entreprise ? Surtout dans une phase de disponibilité de la ressource, voire de surliquidité. A bien y regarder, le niveau moyen des taux facturés à  l’entreprise reste effectivement encore trop élevé pour véritablement soutenir l’investissement et la croissance. Il se situe toujours entre 8 et 9%. Il représente une charge considérable des entreprises, bien au-delà  de ce que l’on observe ailleurs.

Quelle explication donner à  cet apparent paradoxe ? Une demande qui ne suit pas l’offre de monnaie ? Nenni ! L’accès au crédit est dissuadé par le coût. Une contrainte de la gestion des risques ? Les banques sont soit laxistes, soit frileuses. L’une et l’autre des attitudes sont inconcevables face à  des besoins de financement manifestes. Une marge d’intermédiation trop large ? Les banques marocaines sont connues pour ce péché mignon. Une concurrence timide ? Assurément ! Des projets peu étudiés et sans garanties suffisantes ? Probablement. Mais le conseil n’est-il pas aussi un métier de la banque ? Une préférence des banques pour le financement des besoins du Trésor ? Sans doute.

Les taux d’intérêt ont une double influence sur le niveau de l’activité. Ils déterminent le prix de l’argent, celui que les entreprises et les ménages doivent payer lorsqu’ils veulent s’endetter pour acheter des machines ou un appartement. Ils définissent plus généralement l’horizon temporel des décisions économiques. Plus ils sont élevés, plus cet horizon est court, car tout investissement a un coût tel qu’il doit être rentable à  très court terme. Dit autrement, les entreprises sont prêtes à  parier sur l’avenir et à  emprunter pour investir si elles peuvent espérer raisonnablement que le revenu supplémentaire tiré de leurs investissements sera supérieur au taux d’intérêt moins l’inflation attendue, ce que l’on appelle le taux d’intérêt réel. De même, les ménages ne vont acheter un logement que s’ils peuvent espérer, par la progression de leurs salaires, liée à  la croissance générale de l’économie, faire face aux charges d’intérêt de leurs emprunts. Or, aujourd’hui, les taux d’intérêt à  long terme au Maroc tournent autour de 9%. Même si l’on s’attend à  une légère reprise de l’inflation les prochaines années (entre 2 et 3%), cela veut dire que le taux d’intérêt réel attendu est de 4,5 % alors que la croissance du produit intérieur brut (PIB) devrait tourner autour de 7% en 2006. Bien entendu, certains secteurs économiques vont sûrement croà®tre plus vite. Ceux-là  voudront investir. Mais, globalement, la situation reste défavorable pour ceux qui veulent se projeter dans l’avenir, défavorable au retour de l’optimisme. En ce sens, les taux d’intérêt à  long terme restent encore trop élevés au regard des perspectives d’inflation et de croissance. Une baisse des taux inciterait les entreprises à  développer leurs investissements en réduisant le coût des emprunts. De la même façon, les ménages pourraient être incités à  emprunter plus, soit pour consommer plus (acheter une voiture, des biens d’équipement ménagersÂ…), soit pour investir en achetant un logement. Pourtant, une baisse des taux d’intérêt n’est pas, à  elle seule, une condition suffisante pour relancer la croissance. Si les ménages ont l’impression que leurs revenus ne s’améliorent pas, leur confiance en l’avenir s’en trouvera atténuée et ils ne souhaiteront ni investir ni consommer. Face à  des perspectives incertaines d’évolution de la demande, les entreprises hésiteront à  investir, même si la situation économique d’une grande partie d’entre elles leur permettrait aujourd’hui de le faire sans recourir à  l’emprunt. Une baisse des taux d’intérêt fait sentir son effet lorsque les autres facteurs agissent dans le même sens. Ce qui veut dire, compte tenu de la nécessaire maà®trise de la dette publique, qu’il faut agir parallèlement par la politique des revenus, la reprise de la consommation pouvant seule réveiller l’investissement.