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Idées

Elections : résister au défaitisme

Coûte que coûte, il va nous falloir nous battre pour que cela change,
pour qu’un déclic s’opère, pour que le cercle vicieux
de la défiance et du mépris qui régit le rapport gouvernant-gouverné
soit brisé.
Parce que nous n’avons pas le choix.
Parce qu’il y va de notre devenir et de celui de nos enfants.
Malgré les déceptions et les désillusions, il nous faut réapprendre
à croire et à faire confiance.

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Les artères casablancaises arborent un visage ravi. Elles n’en reviennent pas et nous non plus ! On s’est occupé d’elles ! Leur pitoyable état a fini par attirer l’attention ! Brusquement, sans crier gare, les lourds engins des travaux publics sont sortis de leur tanière. En plein mois d’août, alors que tout fonctionne au ralenti ! Dans une ville engourdie par la chaleur, ils ont entrepris de refaire une beauté à des chaussées dont les trous et les bosses ont assuré la fortune des fabricants d’amortisseurs de la région. Admiratifs, les Casablancais ont pu juger de l’incroyable dévouement de leurs municipalités qui, pendant que eux achevaient tranquillement leurs vacances, se sont retroussées les manches pour leur offrir une rentrée sur tapis de velours.
Alors que nul ne l’espérait encore, une fébrile activité s’est déployée sur les rues et les boulevards. En un laps de temps record, une totale transformation du réseau urbain est intervenue. Et, chose inconcevable il y a peu, rouler à Casablanca s’est mué en plaisir ! Sous le goudron neuf, les bruits s’amortissent et les voitures glissent avec une douceur surréaliste. On ne les entend plus, ou presque. Et quelqu’un de s’exclamer ! «Ma parole, on se croirait à Paris ou à New York».
Un Français de passage a toutefois cette réflexion ingénue : «C’est étonnant, remarque-t-il, comme vous travaillez vite ici. A Paris, quand ils s’attellent à la réfection d’un boulevard, cela leur prend un temps fou !» Voyez-vous, cher ami, a-t-on envie de lui répondre, en situation de «daroura», nous excellons dans l’art de chausser les bottes des sept lieues. Chez nous, pour peu qu’on le veuille, les arbres poussent en une nuit et les fleurs s’épanouissent sur le champ. Une visite royale à l’ordre du jour par exemple et tout, miraculeusement, devient propre et net ! Le temps du passage bien entendu !
Pendant des mois et des mois, les Casablancais ont souffert sur des voies défoncées qui faisaient la honte d’une ville censée être la capitale économique du Royaume. Et là, comme par enchantement, parce qu’après août vient septembre, ou, plus précisément le 12 septembre, les moyens sont trouvés pour réparer ce qui, depuis des lustres, nécessitait de l’être. Le plus invraisemblable dans l’histoire, c’est qu’on n’a même pas le souci de soigner un tant soit peu la forme !
Ces travaux auraient été entrepris en mai ou juin, on aurait fait mine d’oublier l’échéance à venir et
de croire en la bonne foi des gestionnaires de la cité. Mais là, impossible ! On vous démarre ces réfections l’avant veille du rendez-vous électoral, pratiquement en même temps que se distribuent les tracts et que se collent les affiches ! Dans les têtes, vraiment, quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays! Nous prend-on à ce point pour des imbéciles ou bien nos élus sont-ils à ce point stupides pour ne pas comprendre que nous ne sommes pas ce qu’ils semblent croire que nous sommes !
Pourtant, le 12 septembre, il va nous falloir être au rendez-vous. Pourtant, coûte que coûte, il va nous falloir nous battre pour que cela change, pour qu’un déclic s’opère, pour que le cercle vicieux de la défiance et du mépris qui régit le rapport gouvernant-gouverné soit brisé. Parce que nous n’avons pas le choix. Parce qu’il y va de notre devenir et de celui de nos enfants. Malgré les déceptions et les désillusions, il nous faut réapprendre à croire et à faire confiance. Parmi les élus et les commis de l’Etat, on dénombre malheureusement bon nombre d’individus sans foi ni loi. Mais cela ne signifie pas que tous le sont. Il en existe également d’autres qui assument leur fonction avec conscience et sérieux. Qui possèdent le sens du devoir et de l’intérêt public. En eux réside notre salut. Encore faut-il qu’on les aide et qu’on les soutienne.
Face à des attitudes telles que refaire des chaussées à la veille d’un scrutin, à la va-vite quitte à les voir se défoncer dès les premières pluies, on a bien du mal à résister au discours défaitiste du style «Il n’y a rien à faire, quoique l’on fasse, cela ne changera pas». Et pourtant si, cela peut changer. A condition d’y croire, de le vouloir et d’agir en conséquence. Tous, sans exception.