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Idées

Dysfonctionnements de la gouvernance locale

A l’intersection du boulevard Abdellatif Ben Kaddour et de la rue Ahmed Amine, tous les jours que Dieu fait, les deux vieilles bennes de ce coin de rue croulent sous les déchets exposés à  ciel ouvert. Sur le sol, les immondices s’accumulent, avec, quand il pleut, des formations de rigoles écoeurantes. Un vrai nid d’infection qu’il faut contourner en se pinçant le nez pour ne pas s’asphyxier.

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Hinde TAARJI 2013 02 26

Le quartier Racine est l’un des quartiers les plus en vue de Casablanca. Le prix moyen des appartements y tourne autour de 25 000 DH. Les grandes franchises y ont élu domicile et les prix qu’elles affichent allongent les zéros. Cela a d’ailleurs valu au désormais fameux Triangle d’or d’être surnommé «Rue de la Paix» du nom de la célèbre artère parisienne, haut lieu du luxe français. Mais la comparaison s’arrête là. En dehors des boutiques, le reste ne suit pas, ce qui rend le contraste d’autant plus choquant. Pour remédier à cet état de fait, des travaux ont été enclenchés en 2012 dans le quartier, au niveau des boulevards Idriss Slaoui et Abdellatif Ben Kaddour. Depuis plusieurs mois donc, on s’attelle à donner un nouveau look au lieu, refaisant chaussées, rond-point et trottoirs. On ne pourrait qu’applaudir si, pour les riverains, l’étirement des chantiers ne virait pas au cauchemar faute d’une organisation du travail basée sur une bonne coordination entre les différents corps de métiers. En effet, les travaux commencent dans une rue puis sont laissés en suspens pour passer à une autre et ainsi de suite. D’où un état de chantier général avec des chaussées pierreuses et défoncées sur lesquelles il faut rouler à dix à l’heure pour ne pas casser le cardan de sa voiture et marcher en faisant attention où on met les pieds pour ne pas se fouler la cheville. Et cela, depuis des mois !

Mais ce n’est pas tout. En sus de l’aspect champ de bataille engendré par les travaux en cours, un autre problème, récurrent cette fois-ci, mérite d’être soulevé en ce qu’il illustre de dysfonctionnements dans la gestion communale. Celui de la propreté. En effet, dans ce quartier de «riches», on tombe sur des endroits où la puanteur qui sévit est proprement insupportable. Ainsi, par exemple, les autorités locales seraient-elles bien avisées de se rendre à l’intersection du boulevard Abdellatif Ben Kaddour et de la rue Ahmed Amine. Ils pourraient par eux-mêmes admirer le spectacle qui, au quotidien, s’offre aux habitants des immeubles avoisinants et aux piétons tenus d’emprunter ce parcours. Outre que de régaler leurs yeux, ils auront toute latitude d’humer les odeurs, pour le moins étourdissantes, qu’exhale cette usine à microbes. En effet, tous les jours que Dieu fait, les deux vieilles bennes de ce coin de rue croulent sous les déchets exposés à ciel ouvert. Sur le sol, les immondices s’accumulent, avec, quand il pleut, des formations de rigoles écœurantes. Un vrai nid d’infection qu’il faut contourner en se pinçant le nez pour ne pas s’asphyxier. Ce qui signifie descendre du trottoir sur la chaussée et se faufiler au milieu des voitures au risque de se faire embrocher. Mais le pire dans l’histoire, c’est que cette situation dure non pas depuis des semaines mais depuis des mois, voire des années ! Ce qu’il y a de scandaleux et d’absolument invraisemblable, c’est que rien n’a été fait pour remédier au problème alors que celui-ci s’étale au grand jour depuis longtemps. Avoir des bennes qui débordent au point de transformer l’espace en décharge publique n’a malheureusement rien d’exceptionnel. Les habitants des quartiers populaires en savent quelque chose, contraints souvent qu’ils sont de vivre au milieu des immondices. Mais là, on est dans un quartier de «bourges», avec de belles vitrines, des platebandes de fleurs et des appartements à 3 millions de dirhams. Et ce nid d’infection se voit comme le nez au milieu de la figure. Pourtant personne ne fait rien. Parce que, et c’est triste à dire, la réalité est la suivante : à force d’évoluer dans un environnement sale, la saleté devient invisible au regard. Pire encore : normale. Dans ce cas de figure, il y a lieu de s’étonner non seulement de l’inaction des autorités locales mais également de celle des riverains qui s’accommodent de cet état de fait.

En effet, se seraient-ils organisés que le problème aurait été aisément résolu. Le rajout de quelques bennes et celui-ci n’existerait plus. Ce petit exemple illustre à la fois les dysfonctionnements de la gouvernance locale mais également l’absence d’un sens de la collectivité, même chez des citoyens dotés de moyens matériels et intellectuels. Et cette absence là interpelle. Comment, en effet, espérer aller de l’avant sans un minimum d’esprit qui détermine le comportement citoyen.