Idées
Dire que Sharon est un nazillon ce n’est pas être antisémite
L’Etat d’Israël n’a de devenir que s’il se «normalise» sur deux points. Il faut qu’il devienne laïc et démocratique, d’abord, et un Etat oriental et non pas une colonie occidentale en Orient, ensuite. Certaines voix en Israël arrivent aux mêmes conclusions. Ultra-minoritaires, elles représentent cependant l’espoir de la seule solution viable entre deux Etats laïcs et démocratiques qui pourraient, à très long terme, se réunifier dans une fédération.
L’Holocauste est la barbarie absolue ; par le nombre des victimes, par ses méthodes, il dépasse en horreur tous les autres génocides de l’histoire, qui sont malheureusement nombreux et récurrents. La naissance d’Israël est liée aux crimes nazis. Les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale ont trouvé dans la concrétisation de la déclaration de Balfour le moyen d’expier les abjections nazies. Jusqu’à aujourd’hui, l’Allemagne de Shröder se refuse à tout rôle diplomatique au Moyen-Orient sous prétexte de ce passé. L’on comprend dès lors que, 60 ans après, les intellectuels juifs soient horrifiés par toute comparaison entre Israël et le nazisme. Pourtant, si la comparaison perd tout sens quant à l’échelle de l’horreur, elle en a quant aux principes fondateurs de la politique des maîtres de Tel Aviv.
Enumérons, calmement, ces principes. L’Etat d’Israël est un Etat raciste. Les Arabes de 1948 y sont considérés comme des citoyens de seconde zone de manière constitutionnelle. Le refus d’Israël d’envisager le retour des Palestiniens dépossédés de leurs biens et exilés de force en 1948 s’appuye sur la notion d’Etat juif. Celui-ci, disent-ils, ne peut supporter une population arabe à la démographie galopante. Partout ailleurs, l’argument renverrait à l’épuration ethnique. Pas pour Israël.
Israël pratique la «punition collective». A chaque fois que le terrorisme intégriste commet un acte barbare, c’est toute la population palestinienne qui en subit les conséquences. Ainsi, en 15 jours, 130 habitants d’un camp ont péri sous la puissance de feu de l’Etat d’Israël. Parmi eux, plus de la moitié étaient des femmes et des enfants en bas âge. Pourquoi ? Parce qu’un missile a été tiré à partir de ce camp.
Israël pratique l’assassinat tout court, que cela soit sur son territoire ou en dehors, là aussi en acceptant de prendre la vie d’enfants dont le seul crime est d’être les fils ou les voisins d’un terroriste présumé.
Israël n’a pas appliqué une seule résolution de l’O-NU en dehors de celle de sa création. Il ne se plie à aucune règle de droit international, viole les frontières de ses voisins, annexe leurs territoires, refuse de coopérer sur le nucléaire alors que tout le monde sait qu’il a sa bombe. Y-a-t-il «Etat salopard» aussi évident? Mais c’est à la Syrie et à la Corée du Nord, régimes par ailleurs peu recommandables, qu’on colle cet épithète.
Les télés du monde entier ont intégré la phraséologie israélienne. Ainsi, quand Israël détruit un camp de réfugiés, c’est «une réaction israélienne». Pourtant, ailleurs, les mêmes journalistes savent faire la différence entre le terrorisme barbare des groupuscules et le terrorisme tout aussi barbare, sinon plus, de certains Etats. En Tchétchénie par exemple. Ce comportement d’Israël rend inaudibles les voix qui s’élèvent dans la sphère arabo-musulmane pour réfuter la confessionalisation du conflit et prêcher la paix. Dénoncer l’assassinat de civils juifs perd de sa force face à l’argument «qui dénonce les crimes d’Israël». Une barbarie ne justifiant pas l’autre, ce combat difficile doit être mené à terme.
Par ailleurs, les intellectuels, les militants juifs ne peuvent s’emmurer dans la fidélité à un Etat dont les fondements sont contraires aux principes dont ils excipent.
L’Etat d’Israël n’a de devenir que s’il se «normalise» et ce sur deux points fondamentaux. Il faut qu’il devienne laïc et démocratique, d’abord, et un Etat oriental et non pas une colonie occidentale en Orient, ensuite.
Certaines voix, en Israël même, arrivent aux mêmes conclusions. Elles sont ultra-minoritaires, elles aussi. Elles représentent cependant l’espoir de la seule solution viable entre deux Etats laïcs et démocratiques qui pourraient, à terme, à très long terme, se réunifier dans une fédération.
L’escalade de la barbarie actuelle est un facteur de blocage pour l’ensemble de la réforme et un danger pour la paix dans le monde. Ceux qui, parce qu’il y a eu Hitler, continuent à fermer les yeux sur la nature raciste et belliqueuse d’Israël portent une lourde responsabilité.
Sharon est un nazillon qui a le sang de milliers d’enfants palestiniens sur les mains. Le dire, l’écrire, ce n’est pas faire acte d’antisémitisme. S’agissant des Arabes, ce mot n’a aucun sens par ailleurs.
Combattre le racisme anti-juif dans le monde arabe, réellement exacerbé par l’intégrisme, ne signifie pas pactiser avec les politiques criminelles d’Israël. C’est au
contraire à eux qui se réclament du même humanisme de dénoncer avec force les crimes de Sharon qui ne peuvent être imputés au peuple juif.