Au Royaume
Gros coup de pompe(s)

L’Histoire n’est pas chiche de facéties. Ainsi, ce coup de pompes percutant asséné par le journaliste de la chaîne Al-Baghdadia, Mountazer Al-Zaïdi, au président américain, en guise de «baiser d’adieu». Le lanceur de savates ne sait sûrement pas que son geste, mûrement réfléchi, confesse-t-il, forme involontairement un écho à un autre, celui de G.W. Bush, inaugurant, le 20 janvier 2000, son mandat, par une paire de bottes texanes frappées de ses initiales, qu’il exhibait fièrement, et peut-être intentionnellement, à l’adresse de l’Irak, dont il avait prémédité la mise au tombeau. Ses godillots se firent un insigne honneur de s’afficher avec le même modèle aux pieds, acquis au prix de 3 000 dollars. Il ne fait aucun doute que les chaussures de Mountazer Al-Zaïdi, dont on a oublié de nous préciser la marque et la pointure, n’étaient ni aussi luxueuses ni aussi coûteuses. Mais, bien qu’elles aient raté leur cible, elles resteront dans les annales de l’Histoire pour avoir constitué un instrument d’humiliation d’un chef d’Etat, dont les rodomontades sont accueillies à coup de tatanes aux quatre coins de la planète. Diversement apprécié, cet attentat à la godasse, survenu juste après le camouflet électoral essuyé par le parti buschiste, n’était pas, comme certains le prétendent, le coup de pied de l’âne de la fable donné au vieux lion, dans la mesure où il visait l’armée américaine, dont les Irakiens en ont plein les bottes. D’ailleurs, Mountazer Al-Zaïdi a fait, si l’on ose dire, école, puisqu’il ne se passe pas de jour, en Irak, sans que les chars américains ne soient pris d’assaut par des chaussures. Armes dérisoires de soldats sans armes. Armes d’une redoutable puissance tant elles rabattent, de par leur insignifiance même, le caquet à l’oppresseur, qui en reçoit un gros coup de pompe(s). Et l’on ne sera pas surpris de voir, un jour, la savate hissée au rang d’arme terroriste. L’on devra alors se déchausser avant de pénétrer dans un lieu public. Ce qui, par le froid qui court, déclencherait une vague de rhumes des pieds.
