Au Royaume
Prends des coups et tais-toi
Dans l’esprit patriarcal, sauver la famille ne dépend que de l’épouse. Pis, elle en a l’entière responsabilité. Elle n’a donc qu’un choix quand elle se fait agresser par son époux : garder le silence.

Aquelques jours du 8 Mars, une énième enquête sur le genre, réalisée cette fois-ci par ONU Femmes Maghreb sur l’égalité des sexes dans la région de Rabat-Salé-Kénitra, vient rappeler encore une fois la triste réalité dans notre pays. Au Maroc, pour 62% des hommes, les femmes mariées, en l’occurrence, doivent tolérer la violence de leur conjoint pour préserver l’unité familiale. Donc, le fait de sauver la famille et de préserver l’avenir et la tranquillité des enfants ne dépend que de l’épouse. Pis, elle en a l’entière responsabilité. Une responsabilité taillée sur mesure, c’est-à-dire conforme à l’esprit patriarcal qui est toujours ancré chez bon nombre de nos concitoyen(ne)s. Elle n’a qu’un choix quand elle se fait agresser par son époux : garder le silence.
Il n’est nullement question par ailleurs qu’elle soit responsable d’elle-même ou qu’elle ait son mot à dire dans les décisions concernant le ménage, selon 75% des hommes interrogés et qui estiment avoir un devoir de tutelle sur la femme.
Au final, ce que disent ces chiffres, c’est que la violence verbale ou physique n’est qu’un détail dans la vie d’un couple, une banalité avec laquelle l’épouse doit, bon gré mal gré, composer. Une réalité encore attestée par les chiffres : la moitié des hommes sondés ont déclaré avoir déjà été émotionnellement abusifs à l’égard de leur épouse, et 15% disent avoir au moins une fois violenté physiquement leur partenaire. Dans des statistiques dévoilées en 2016, l’Observatoire national de la violence faite aux femmes avait révélé qu’une femme mariée risque deux fois plus qu’une femme non mariée d’être physiquement agressée.
Cette tendance à la normalisation de la violence à l’encontre des femmes fait peur. On attendait du législateur qu’il soit plus sensible à cet anachronisme. Rien n’y fait. Le nouveau texte de loi, en fait un complément du code pénal qui se voulait réformateur, ressemble à un pétard mouillé. De l’avis de nombreuses associations féministes, ce n’est autre qu’un projet pour la forme, à exhiber fièrement devant les instances internationales. Le texte ne va pas jusqu’au bout de la question et élude des sujets comme le viol conjugal.
Que dire de plus ? Femme marocaine, tu sais ce qu’il te reste à faire. Prends des coups et tais-toi. Et le Maroc restera la risée du monde.
