Au Royaume
Le syndrome du pain
On peut supposer aujourd’hui que le citoyen-client serait
plus choqué s’il venait
à découvrir un «dol»
dans sa marchandise
que de devoir payer
10 dérisoires centimes
de plus pour une
baguette de pain.
Une hausse des prix est toujours vécue difficilement. Au Maroc comme ailleurs. Et c’est encore plus vrai lorsqu’elle concerne des produits de première nécessité. Faut-il pour autant geler les prix? Aucune loi économique ne le recommande. C’est même, d’une certaine manière, anti-économique. Seules les économies administrées y ont recours. Dans les systèmes ouverts, en revanche, c’est le marché qui fixe les prix. Quitte à mettre en place des mécanismes de soutien aux plus démunis.
Tout cela pour dire que la bataille, qui redémarre à intervalles réguliers, autour du prix du pain au Maroc, semble être d’un autre âge. Non seulement l’implication des pouvoirs publics dans la fixation du tarif de vente de ce produit ne repose sur aucun fondement juridique ou réglementaire, mais en plus, l’enjeu de toutes les crispations que génère cette question paraît plus symbolique que réel. Même si des poches de pauvreté subsistent encore, le Marocain des années 2000 aspire sans doute à plus et mieux que de se contenter de sa ration de pain quotidienne. De surcroît, si l’Etat, magnanime, veut aider les couches vulnérables – c’est même son devoir -, il a les moyens de le faire. Le système des prix réglementés, tel qu’il fonctionne aujourd’hui, comporte deux anomalies : d’une part, il bénéficie à tous, ce qui n’est pas la meilleure façon de dépenser l’argent public ; et, d’autre part, il donne lieu à des pratiques pas très saines s’agissant des produits à prix quasi réglementés mais non soutenus, comme c’est le cas pour le pain blanc.
Il ne faut pas se faire d’illusions : quand un prix est maintenu artificiellement, la réalité se charge toujours de prendre sa revanche. Qui peut dire en effet à quoi correspond, tant en termes de qualité que de consistance, le 1,20 DH que le consommateur paie pour sa baguette de pain ? Et il en va certainement du pain comme du reste. Moyennant quoi, le gouvernement, et pas spécialement celui-ci, ferait sans doute œuvre plus utile en jouant pleinement son rôle de régulateur, de contrôleur. On peut supposer aujourd’hui que le citoyen-client serait plus choqué s’il venait à découvrir un «dol» dans sa marchandise que de devoir payer 10 dérisoires centimes de plus pour une baguette de pain.
