La magie du 20 Février
Tout se passe en effet comme si, depuis le 20 février, il fallait accepter toutes les demandes, quand bien même elles seraient objectivement difficiles à satisfaire dans l’immédiat.
Si elles devaient être acceptées, les mesures de revalorisation du pouvoir d’achat, revendiquées par les syndicats, coûteraient quelque 43 milliards de DH, selon l’estimation du gouvernement. Cela représente 5,6% du PIB. Le Premier ministre, qui recevait les partenaires sociaux, lundi 4 avril, a malgré tout accepté d’y répondre favorablement, mais en partie seulement. Du coup, les conjectures sont lancées : quelle sera le niveau exact de ces augmentations ? Quand interviendront-elles ? Qui en seront les bénéficiaires ?
On peut le tenir pour une certitude : à court terme, les hausses de salaires, telles qu’elles sont posées – car des hausses individuelles, il y en a tout le temps – paraissent au minimum problématiques, au pire, compromises. Non pas parce qu’elles seraient infondées, mais simplement parce que l’Etat ne peut pas, ne peut plus, décider à la place de l’entreprise, s’agissant du secteur privé. Le patronat s’est d’ailleurs exprimé là-dessus, en renvoyant les augmentations de salaires à l’amélioration de la productivité.
Le seul levier que le gouvernement pourrait actionner dans ce sens, serait celui de la fiscalité. Mais alors, il faudra, dans le meilleur des cas, attendre la prochaine Loi de finances. Car, décider d’une baisse d’impôts aujourd’hui, c’est accepter d’opérer un réaménagement du Budget, moyennant une Loi de finances rectificative. Et ce n’est pas seulement un problème technique : une baisse d’impôts, ce sont des recettes en moins, donc des dépenses à éliminer. Mais lesquelles ? Celles du train de vie de l’Etat ? Mezouar y pense déjà pour trouver les 15 milliards de charges supplémentaires (encore théoriques) pour la Compensation ; et sans passer par une Loi de finances rectificative, dont l’élaboration, pense-t-il, donnerait de mauvais signaux…aux investisseurs.
Tout cela n’est donc pas bien clair, d’autant moins clair que ça vient après l’acceptation par l’Exécutif de recruter 4 300 diplômés chômeurs dans la fonction publique. Tout se passe en effet comme si, depuis le 20 février, il fallait accepter toutes les demandes, quand bien même elles seraient objectivement difficiles à satisfaire dans l’immédiat. Cela fait pourtant bien longtemps que les syndicats ont fait connaître leurs doléances. Par quelle magie sont-elles devenues, tout à coup, plus légitimes qu’elles ne semblaient l’être aux yeux du gouvernement il y a seulement quelques mois ?