Une journée avec les douaniers au port de Casablanca

Au 28 septembre 2009, plus de 91 000 dossiers d’importation y ont été traités.
Pour une déclaration sans problème, le traitement du dossier peut prendre à  peine deux heures.
10% des marchandises en général sont soumises au contrôle physique. On réalise 50 à  70 visites par jour.

Iest 10h30. En ce lundi 28 septembre, une dizaine de personnes, la plupart des représentants de transitaires, fait la queue devant les cinq guichets ouverts de cet arrondissement d’ordonnancement de la Douane situé au cœur du port de Casablanca. Derrière les guichets, cinq inspecteurs douaniers traitent les déclarations d’importation. Parmi eux, Boubker Bekkar qui traite sur son ordinateur le dossier d’importation de 10 conteneurs de pneus neufs en provenance du Japon d’une valeur totale de plus de 5,6 MDH effectuée par une société réputée sur le marché national. Sur l’écran, l’application du nouveau système informatique, dit Badr, affiche le chiffre 91 000. «Il s’agit en fait de la 91 000e déclaration d’importation enregistrée en 2009 par la direction régionale de Casa-Port», nous explique le jeune inspecteur. Le processus de traitement de la déclaration est déjà enclenché alors qu’elle est déposée il y a à peine un quart d’heure. Cet arrondissement fait partie des quatre dont dispose la direction régionale Casa Port de la douane dédiés spécialement au traitement des déclarations d’importation; un autre est destiné aux déclarations d’exportation.
35% des recette douanières générées par le port
de Casablanca
En 2008, cette direction régionale a traité 173 813 déclarations à l’import, soit 29,4% des déclarations à l’import effectuées à l’échelle nationale. De même, 24 760 déclarations à l’export y ont été enregistrées, soit 13,26% du bilan national. Elle a réalisé 35,3 milliards de DH de recettes douanières en 2008, soit un peu plus de la moitié de la réalisation de l’Administration des douanes. C’est dire l’importance de cette entité dans l’économie du pays.
Dans l’arrondissement d’ordonnancement, M. Bekkar, aussitôt la déclaration concernant l’importation des pneus japonais traitée, passe à un autre dossier. Le temps mort n’est pas permis tant les dossiers s’enchaînent. Grâce aux applications supplémentaires du système informatique Badr, utilisables depuis janvier dernier, la cadence du traitement des dossiers s’est nettement accélérée. L’arrondissement traite en moyenne 1 000 déclarations à l’import par semaine. Il est exclusivement réservé aux importations de marchandises conteneurisées qui représentent 40% du trafic import du port de Casablanca.
Dans un bureau situé au 1er étage au dessus de la grande salle abritant les guichets, Abdelkader El Haddouchi, lui, reçoit toutes les déclarations déposées par les importateurs via un transitaire ou un déclarant en douane agréé. «Ce n’est qu’en déposant la déclaration que celle-ci est prise en charge. L’importateur dispose de 45 jours pour enregistrer sa déclaration, à compter de l’arrivée de la marchandise au port. Passé ce délai, celle-ci est considérée comme abandonnée et donc saisie par l’administration de la douane», précise Fadel Filali, ordonnateur des douanes et chef de cet arrondissement.
Une fois la déclaration déposée, l’agent saisit toutes les données et les intègre dans la base de données du système. S’enclenche alors un mécanisme où le système informatique joue un rôle crucial. «Le système informatique Badr est un système ouvert sur internet, ce qui se traduit par une fluidité de traitement des opérations de dédouanement», rappelle Abdelkhalek Marzouki, directeur régional de l’Administration des douanes et impôts indirects à Casa Port. Fini donc les retards liés à la lenteur de l’ancien système. «Avant, les opérateurs devaient être équipés de lignes spécialisées qui, en plus de leur lenteur par rapport au système actuel, étaient plus coûteuses, les frais d’abonnement étant de 2 000 DH par mois. Aujourd’hui, le système Badr est interactif ; il guide le transitaire et tout opérateur pour avoir la traçabilité des marchandises et il leur offre la possibilité de contrôler leur marchandise là où ils sont. De plus, l’accès est libre à tout le monde tout en étant très sécurisé», ajoute-t-il.
Après le dépôt de la déclaration, c’est le système informatique qui désigne automatiquement l’inspecteur qui se chargera du dossier ainsi que le mode de contrôle qui s’appliquera pour chaque dossier : soit il est considéré admis pour conforme, soit il fait l’objet de visite physique. Il faut savoir que le système de contrôle de la douane procède par sélectivité. 10% des marchandises sont passés au peigne fin par les agents de la douane grâce à des opérations de visite physique. Le reste est dispensé de cette procédure. N’empêche, il fait l’objet d’une étude documentaire minutieuse. «Il est impossible de contrôler un million de conteneurs, il faut donc une approche sélective et scientifique», justifie M. Marzouki. D’ailleurs, le système informatique prend compte de la catégorisation des opérateurs réalisée par l’Administration des douanes sur des normes précises et objectives. «Une catégorisation qui n’est pas figée et qui change en fonction de l’évolution des rapports entre ces opérateurs et la Douane», tient à préciser M. Marzouki.
L’étude documentaire, base du contrôle
Lorsque les données sont traitées par le système Badr, l’agent chargé du dépôt procède ensuite au dispatching des dossiers aux neuf inspecteurs que compte cet arrondissement. Ces derniers feront ainsi le suivi de chaque dossier en fonction des recommandations du système informatique. Pour autant, la machine ne peut pas remplacer le flair du douanier. Les résultats du système ne sont pas toujours pris pour argent comptant lorsqu’ils jugent un dossier admis conforme. «Les inspecteurs ont toute la latitude de changer et décider, s’ils le jugent utile, de faire un contrôle physique même si le système décide du contraire», souligne M. Filali. La preuve par le cas relevé par un des inspecteurs. Après être signalé comme admis conforme et donc exempt de visite physique, ce dossier relatif à l’importation de 80 photocopieurs d’occasion à partir de la France est transféré, par l’inspecteur, au mode de contrôle par la voie de visite physique. «Il s’agit d’un matériel d’occasion qui doit impérativement faire l’objet d’un examen physique pour pouvoir évaluer sa vraie valeur», explique cet inspecteur.
En fait, l’étude documentaire qui est généralisée à tous les cas (admis pour conforme ou visite physique) est décisive dans le contrôle de la douane. «C’est le véritable contrôle car cela permet de déceler les anomalies», souligne M. Filali. Les inspecteurs de la douane procèdent à un examen minutieux et pointu de toute la paperasse présentée par l’importateur : les factures, le connaissement (titre de propriété de la marchandise), la note de polissage, les certificats d’origine, l’engagement (ou licence) d’importation et la déclaration elle-même. «Chaque détail a son importance et rien n’est laissé au hasard», ajoute-t-il.
A l’issue de l’étude documentaire, les inspecteurs valident les dossiers admis conformes. Ceux-ci pourront alors obtenir la mainlevée, la durée de traitement n’aura pas excédé les 2 heures. Sauf si le dossier doit subir un contrôle de la part d’autres administrations concernées. Car la mission de la Douane n’est pas seulement de collecter des recettes fiscales et de lutter contre la contrebande. Elle a aussi un rôle économique en assurant la fluidité, la sécurité, la qualité des flux commerciaux et la protection des intérêts économiques nationaux. Elle a également comme mission d’assurer la sécurité et la santé publiques. Elle concourt, dans ce cadre, «avec les autres départements de l’Etat comme l’Intérieur, la Santé, l’Agriculture, le Commerce et Industrie, l’Emploi, et autres… à protéger la sécurité des citoyens», souligne M. Marzouki. C’est pour cela d’ailleurs que le dossier des pneus importés du Japon prendra encore du temps en attendant l’aval du ministère du commerce et de l’industrie qui veille à la qualité (industrielle) des produits importés. Pour les produits qui nécessitent une visite physique, ils ont encore du chemin à faire.

Tout contrôle est fait en présence de l’importateur ou de son transitaire
Au terminal Est du port, où des centaines de conteneurs sont entreposées dans une aire protégée, une partie est consacrée aux visites physiques. Devant un conteneur, un inspecteur muni de documents et un agent visiteur en uniforme bleu de douanier examinent les échantillons d’une marchandise faisant l’objet de visite physique. «On procède d’abord par le dénombrement de la marchandise, on en prélève un échantillon représentant 10 % de la quantité que l’on vérifie minutieusement pour voir s’il correspond aux descriptions mentionnées dans les différents documents», explique l’inspecteur en charge de l’opération. Celle-ci se déroule en présence du représentant du transitaire et de l’importateur lui-même, un jeune entrepreneur de la ville de Béni Mellal, qui vient d’effectuer sa première importation de l’étranger.  Pour une valeur d’environ 90 000 DH, il importe de Chine un conteneur d’articles sanitaires, précisément des robinets, éviers, lavabos, baignoires, douches… Pour lesquels, il doit s’acquitter de 35% des droits d’importation, en plus de la TVA. En même temps, un autre inspecteur, assisté d’un agent visiteur, procède à la vérification d’un autre conteneur chargé de pneus neufs importés de Pologne pour une valeur de
360 000,00 DH. «Tout est apparemment en règle», nous confie l’inspecteur. En provenance d’un Etat de l’Union européenne, cette marchandise est exempte de droits à l’importation. Le propriétaire s’acquittera de la TVA seulement. Mais il ne recevra la mainlevée de la Douane qu’après l’obtention de l’autorisation du ministère de l’industrie et du commerce, les pneus étant soumis à un contrôle de qualité par ce département.
Au port de Casablanca, entre 50 à 70 visites physiques sont effectuées chaque jour. Elles débouchent, en fonction des résultats de contrôle, soit sur la validation des données de la déclaration et du coup l’octroi de la mainlevée, soit sur la correction de celles-ci et, par conséquent, de la révision de la valeur des taxes. Des pénalités et des mesures de sanction ne sont pas exclues si des infractions sont constatées.
Une fois la mainlevée obtenue, l’importateur se dirige vers les services de l’écor. «C’est un terme nouveau qui vient d’être introduit en mars dernier dans le dictionnaire Larousse et qui désigne l’opération de contrôle de la marchandise par rapport à la procédure de dédouanement juste avant son enlèvement et il englobe le processus final jusqu’à ce qu’elle quitte l’enceinte douanière (port)» , explique Mohamed Azhari, un des responsables de ce service au port de Casablanca. Devant la porte 3 du port de Casablanca, les douaniers vérifient, dans l’ultime étape de ce circuit dite contre-écor, les sorties des véhicules transportant les marchandises dédouanées. Fin du processus de dédouanement qui permettra aux marchandises d’être délivrées aux quatre coins du pays.