Un comptable agréé ne peut plus être syndic

Un arrêté du ministère de la Justice en réserve l’exclusivité aux experts-comptables.

Le 30 juin dernier, un arrêté du ministère de la Justice publié au BO et pourtant passé inaperçu rendait publiques les nouvelles normes en matière de désignation des experts judiciaires assermentés près les différents tribunaux. Ce texte a apporté son lot de surprises, notamment aux comptables agréés qui se sont vus purement et simplement écartés du traitement des difficultés de l’entreprise.
Désormais, la mission de syndic ne peut plus être confiée qu’aux experts comptables. Un comptable agréé, spécialisé dans ce genre de dossiers, nous signale que depuis le mois de juillet, le tribunal de commerce de Casablanca ne lui a pas adressé une seule requête alors qu’il recevait en moyenne deux à trois demandes de ce genre par mois. Pour les experts-comptables, c’est, dit-on, le fruit d’un long travail de sensibilisation entamé en janvier 2003 au lendemain de l’arrivée de Mohammed Bouzoubaâ à la tête du ministère. L’ordre des experts a, en effet, très tôt ouvert le dialogue avec le ministère en mettant l’accent sur le renforcement du rôle de l’expert-comptable en tant qu’auxiliaire de justice.

Une décision qui souffre d’un vice de forme
Pour Mohamed Zerhouni, président de l’Association des comptables agréés par l’Etat du Maroc (ACAEM), la décision est contestable à tous les niveaux, à commencer par la forme. Ainsi, dans son arrêté, le ministère énonce qu’il s’est concerté, au préalable, avec la commission instituée par la loi 45-00 sur les experts judiciaires et qui compte parmi ses membres deux experts judiciaires membres de l’association professionnelle, dans le cas d’espèce, l’ACAEM. Or, le président de l’association nie catégoriquement avoir été consulté au préalable. Sur le fond, le débat est encore plus intéressant. Du côté de l’ordre des experts comptables, Mohamed Bennouna, expert installé à Meknès et qui a assuré le contact avec le ministère de la Justice, explique que «la décision de confier la mission de syndic aux experts pourrait se justifier par le fait que, contrairement aux comptables agréées, les experts, eux, sont constitués en une véritable corporation (ordre) ce qui est de nature à tranquilliser le ministère». En fait, sans le dire, notre interlocuteur fait référence à des plaintes qui ont été déposées auprès du ministère de la Justice courant 2003 contre des experts judiciaires chargés de telles missions. Le président de l’ACAEM s’oppose à cet argument. Il explique que, premièrement, si plainte il y a, le recours n’est du ressort ni de l’ordre ni de l’association mais d’une commission instituée par la loi 45-00 qui réglemente la procédure de recours. Secundo, «si les experts comptables sont constitués en corporation, nous sommes nommés par une commission ministérielle présidée par le ministère des Finances». Troisième détail que nous avons pu obtenir auprès du tribunal de commerce : les trois plaintes qui ont été déposées auprès du ministère de la Justice le sont toutes contre des experts comptables connus sur la place et qui seraient devenus persona non grata au tribunal de commerce de Casablanca.
Du côté des comptables, on digère mal le fait d’être écarté car, pour eux, c’est une question d’honneur et de principe. Au terme de plusieurs réunions avec le ministère de la Justice, ce dernier, quelque peu à court d’arguments, s’est dit prêt à rectifier le tir en demandant aux comptables agréés de faire une proposition. Ces derniers l’ont fait par écrit au début du mois d’octobre. Affaire à suivre