Tourisme au Maroc : la casse de février, la décrue de mars… Et après ?

Les premières estimations font état d’une chute de 10% des arrivées à Marrakech et de 15% à Tanger. Baisse générale dans toutes les villes. Seule exception : Agadir qui a enregistré au mois de mars une hausse de 5% pour les arrivées et de 8% pour les nuitées.
L a zone de fortes turbulences que traverse le tourisme sera manifestement longue et dure. Les difficultés apparues fin février se sont aggravées durant mars et les perspectives pour les prochains mois ne sont guère rassurantes. D’après une étude réalisée récemment par le cabinet GFK auprès des Français, notre premier marché émetteur, et dont les résultats ont été publiés par le Quotidien du Tourisme, «c’est l’ensemble des pays du monde musulman qui souffre d’une image risque. Les trois pays jugés les plus sûrs sont les Emirats Arabes Unis, le Maroc et la Turquie, mais ils dépassent à peine les 50% d’opinion positive». Cependant, et c’est rassurant pour l’avenir, si par exemple 73% des personnes interrogées pensent qu’il est risqué d’aller en Egypte et 67% d’aller en Tunisie, ils sont seulement 47% à avoir la même opinion sur le Maroc. Et à terme, souligne l’étude, «quand la situation se sera arrangée, le Maroc et la Turquie seront les premiers pays à se relever avec plus d’une personne sur cinq souhaitant s’y rendre dans les 12 prochains mois». En conclusion, «le Maroc subit les dégâts collatéraux des événements d’Afrique du Nord (…), la destination est aujourd’hui totalement à l’arrêt avec une chute de 40% en termes de pax (ventes réalisées) et 23% en termes de ventes anticipées».
Pour s’en convaincre, il suffit de poser la question aux responsables de la toute nouvelle station Mazagan qui n’hésitent pas à communiquer la situation réelle de la fréquentation de cette station. Selon Marie-Béatrice Lallemand, la DG de Mazagan, «après un début d’année prometteur, la station est aujourd’hui très affectée». Et de préciser : «Nous avons perdu 12 600 nuitées, et plus grave, nous n’avons plus de demandes pour 2011 et pour 2012, car le Maroc, en raison de l’amalgame qui est fait au niveau de certains pays, souffre d’un problème d’image à l’international». Elle cite l’exemple d’une grande entreprise américaine dont les collaborateurs devaient se rendre à Mazagan pour une convention mais à qui la direction générale a donné des instructions claires de ne pas venir au Maroc «en raison de la guerre en Afrique du Nord». Mazagan perd du coup ce groupe de 250 personnes en mai prochain pour trois nuitées. Mme Lallemand qui estime la dépense moyenne par touriste à 3 000 DH par jour a vite fait le calcul pour estimer la perte occasionnée par cette annulation qui n’est pas un cas isolé. A ce rythme, conclut la DG de Mazagan, «je me demande comment on va faire pour tenir le coup, car la baisse des arrivées avoisine les 30%».
A Agadir, le taux d’occupation est passé de 49 à 53,42%
Marrakech, la première destination du pays, n’échappe pas à cette crise. Les premiers chiffres de mars témoignent d’une chute des arrivées de 10,75% par rapport au même mois de 2010, à 133 000 touristes, ce qui se traduit par un recul des nuitées de 4,41%. Corrélativement, le taux d’occupation a dégringolé de 50,63% à 47,05%.
Pour avril, selon de nombreux hôteliers, les choses ne s’annoncent pas sous de bons auspices au vu de leurs carnets de réservations. Certains prévoient une baisse de l’ordre de 20%, malgré les vacances scolaires en France durant ce mois qui permettent généralement aux hôteliers de Marrakech de faire le plein. Ceci étant, et à l’instar de leurs confrères des autres villes, ils ne se sont pas vraiment intéressés aux vacances de printemps des Marocains, clientèle qui aurait pu leur permettre de couvrir, ne serait-ce qu’en partie, la défection des étrangers. En tout cas, on n’a pas vu, à de rares exceptions près, d’offres promotionnelles pour cibler les nationaux.
A Tanger, comme à Fès, les hôteliers appréhendent la mauvaise conjoncture qui s’installe. Dans la ville du détroit, certains hôteliers estiment la baisse des arrivées du mois de mars à au moins 15%, selon les cas. La seule embellie vient d’Agadir qui affiche dans ces circonstances une performance positive avec des arrivées et des nuitées en progression de 5,06% et 8,15%. Un exploit qui s’explique par la hausse de la plupart des marchés émetteurs de cette ville, particulièrement ceux de l’Europe de l’Est (Pologne, Russie) et des pays scandinaves où un effort de promotion a été consenti ces derniers mois avec des signatures de contrats avec les tour-opérateurs et l’augmentation des dessertes aériennes. Il faut signaler pour Agadir une augmentation du taux d’occupation passé de 49 à 53,42% d’une année à l’autre.
Comment affronter cette situation pour le moins difficile ? Au niveau interne, le mot d’ordre est de continuer à positiver officiellement même si en privé tout le monde concède que ça va mal.