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Six clés pour faciliter l’acte d’investir dans l’agriculture

A l’occasion du discours royal d’ouverture de la session parlementaire, le Souverain a fixé un nouveau cap pour l’agriculture. «La Vie éco» passe en revue les opportunités qu’offre ce secteur stratégique aux petits agriculteurs et des expériences entrepreneuriales probantes.

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Agriculture maroc 2018

Une onde de choc dans le monde agricole et des espoirs. C’est ce qu’a provoqué le discours royal prononcé, vendredi 12 octobre, à l’occasion de l’ouverture de la session parlementaire d’autonome, à en croire des échos dans les milieux professionnels agricoles. D’aucuns, à l’instar d’Ahmed Ouayach – le président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (COMADER) – parlent – d’un brin de surenchère – de réforme agraire.

Emergence d’une classe moyenne agricole, mise en place de dispositifs innovants pour inciter les agriculteurs à adhérer davantage aux coopératives et aux groupements, création de nouvelles activités génératrices d’emplois et de revenus en faveur des jeunes ruraux, facilitation de l’accès au foncier aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises, coup de pouce à la commercialisation et à la lutte contre les spéculateurs et les intermédiaires pour rendre justice aux petits agriculteurs, mobilisation des terres collectives pour la réalisation de projets d’investissements au profit des ayants droit sur 1 million d’hectares, nécessité de circonscrire la fragmentation excessive des exploitations agricoles… Autant de directives royales qui fixent un nouveau cap pour l’agriculture marocaine.

Celles-ci tombent à pic avec le démarrage des travaux d’évaluation du Plan Maroc Vert (PMV) menés conjointement par le département de l’agriculture et les fédérations interprofessionnelles représentant l’ensemble des filières agricoles, et prévus jeudi 18 octobre à Marrakech. Pour le président de la Comader, «le discours royal a fixé une nouvelle feuille de route pour le secteur agricole», mais pas que. «Elle met l’agriculture au cœur du nouveau modèle de développement que le Maroc ambitionne de mettre en place», a-t-il ajouté. S’il faut attendre les jours et semaines à venir pour savoir comment le gouvernement va concrétiser les nouvelles orientations fixées par le Souverain, il n’en demeure pas moins nécessaire de faire le point sur les opportunités offertes par le secteur agricole aux jeunes, à ce jour.
Jeunes agriculteurs, jeunes ruraux ou jeunes entrepreneurs en devenir, voici six clés pour mieux appréhender l’agriculture.

Foncier : 1 million d’hectares vont être mobilisés

Exceptée l’offre foncière publique proposée en partenariat public-privé dans des projets de différentes tailles via des appels d’offres lancés par l’Agence de développement agricole (ADA)- et quelques expériences ici et là-, il n’y a pas à ce jour d’offre d’accès au foncier agricole dédiée exclusivement aux jeunes. C’est d’ailleurs dans ce sens que le Souverain a appelé à la mobilisation des terres agricoles appartenant aux collectivités ethniques pour la réalisation de projets d’investissement agricole. Il n’aura fallu au ministre de l’agriculture que deux jours pour annoncer, en marge de l’ouverture du Salon du cheval d’El Jadida, la mobilisation d’un million d’hectares en faveur des petits agriculteurs. Comment ? Quand et où ? Aucun détail n’a filtré pour le moment.

L’assiette foncière des terres collectives s’élève à 15 millions d’ha, selon la Direction des affaires rurales au ministère de l’intérieur ; le département qui gère ce dossier.
Dans les zones bour (non irrigué), l’assiette des terres agricoles ayant ce statut est de 1,5 million d’ha, selon Ahmed Kettani, auteur d’un ouvrage intitulé «Les terres collectives, un levier pour le développement agricole». Seul hic, les ayants droit de ces terres n’ont qu’un droit de jouissance, mais pas celui de la propriété. Ce qui entrave clairement l’investissement et minimise l’impact des politiques publiques agricoles dans ces zones.

Enseignement agricole : les jeunes n’ont que l’embarras du choix

Pays à vocation agricole, le Maroc a depuis très longtemps investi dans l’enseignement et la formation professionnelle agricole. Il faut dire que les jeunes qui aimeraient poursuivre une formation supérieure, technique ou professionnelle dans le domaine agricole n’ont que l’embarras du choix. Dans le détail, l’offre d’enseignement agricole supérieur pour la formation de cadres et d’ingénieurs est dispensée dans trois établissements, à savoir l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II (IAV) à Rabat et son complexe horticole à Agadir, L’Ecole nationale de l’agriculture de Meknès (ENA) et l’Ecole nationale forestière d’ingénieurs de Salé (ENFI de Salé).
Pour sa part, le réseau d’enseignement technique et professionnel est assez étoffé. La formation professionnelle agricole s’appuie sur un réseau de 45 établissements répartis sur toutes les régions du pays.
Ce dispositif compte 8 Instituts techniques agricoles spécialisés en agriculture (ITSA), 11 Instituts techniques agricoles (ITA) et 26 Centres de qualification agricole (CQA) qui forment dans une vingtaine de métiers pour les niveaux «Technicien spécialisé», «Technicien» et «Ouvrier qualifié». Près de 2600 lauréats sont injectés dans le secteur annuellement.
L’enseignement technique agricole est assuré par 9 lycées préparant le baccalauréat des sciences agronomiques, 30 collèges ruraux relevant du département de l’Education nationale.
Par ailleurs, l’appui à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes ruraux se fait à travers la formation par apprentissage des jeunes déscolarisés ou ceux ayant achevé les cours d’alphabétisation fonctionnelle. Elle est dispensée par l’ensemble des établissements du dispositif de formation professionnelle et est assurée dans plus de 28 métiers, en fonction des projets agricoles retenus dans les différentes régions. Près de 10 000 jeunes filles et garçons d’agriculteurs sont certifiés annuellement.

Conseil agricole : un réseau d’incubation en gestation

C’est une évidence. Une bonne prestation de conseil agricole au bon moment est l’un des ingrédients de tout projet agricole réussi. Si les exploitations agricoles modernes ont les moyens d’employer des ressources en interne ou de recourir à des conseillers privés, celles de taille moyenne et petite – gérées entre autres par les jeunes – peuvent compter sur un dispositif public important. Journée de sensibilisation, d’animation et d’information, journées thématiques, écoles aux champs, spots télévisuels et radiophoniques, centre d’appel (joignable 6j/7 au 080.020.020.50), plateforme d’échanges en ligne du nom de Ardna… Ce sont là autant d’outils modernes et de plateformes que l’Office national de conseil agricole (ONCA) met à la disposition des agriculteurs, en collaboration avec ses partenaires nationaux et internationaux.
Parallèlement, la loi 62-12 relative à l’organisation du métier de conseiller agricole privé a été adoptée dans le sillage du PMV dans l’objectif de compléter ce dispositif public. «Pour l’heure, 500 agréments ont été délivrés, ce qui permettra de dépasser la contrainte de la limitation des ressources humaines et le départ en retraite au sein de l’office», indique Jaouad Bahaji, directeur de l’ONCA. Selon lui, le nombre de bénéficiaires des actions de conseil agricole s’élève à 2,3 millions d’agriculteurs. Depuis sa création en 2013, l’office a mené 253000 actions de conseil.
Pour ce qui est des projets en gestation, l’ONCA planche sur un programme d’accompagnement pour la création de TPE par les jeunes entrepreuneurs. «Un réseau d’incubation de proximité sera mis en place et aura pour mission d’identifier les besoins locaux et de servir de relais pour faciliter l’accès aux marchés locaux pour les jeunes entrepreneurs», détaille le patron de l’ONCA. L’idée est d’outiller et conseiller les porteurs de projets dans le créneau des services agricoles.

Incitations à l’investissement : l’agriculture, un secteur choyé

C’est un fait connu. L’agriculture compte parmi les secteurs les mieux subventionnés. Ce n’est pas pour rien que de plus en plus de grands groupes nationaux y investissent, à l’image du groupe Saham ou Palmeraie industries et services. Depuis son instauration en 1986, le Fonds de développement agricole (FDA) s’est donné l’objectif de promouvoir l’investissement privé dans le secteur agricole et de l’orienter, à travers des subventions et primes ciblées, vers des activités permettant une meilleure exploitation du potentiel agricole national. Le PMV a imposé une révision de fond du système incitatif agricole. Le nouveau système de subventions agricoles a instauré de nouvelles aides en conformité avec les engagements pris dans le cadre des contrats‑programmes signés par l’État et les interprofessions des principales filières de production, ainsi que le renforcement des aides allouées à certaines rubriques, mais également un encouragement et une forte incitation à l’agrégation.
Si vous voulez investir dans le secteur agricole, que ce soit directement dans la production ou dans l’agro-fourniture (matériel d’irrigation, machinisme, engrais, semences) et les services agricoles (bureaux d’études, conseillers…), il est utile de télécharger l’édition 2018 du livre du FDA, disponible sur le site du ministère de l’agriculture. Irrigations et aménagements fonciers, équipements des exploitations, amélioration génétique, semences certifiées et plantations fruitières, unités de valorisation, promotion et diversification des exportations, aides aux projets d’agrégations… Autant de rubriques ciblées par les subventions.
Exemple : les subventions des projets d’irrigation localisée vont de 80% à 100%, selon le type et la taille d’exploitation. A noter que celles-ci sont plafonnées. Autre exemple cette fois-ci dans l’équipement : une bonne partie des matériels (tracteurs, matériel de semis, moissonneuses-batteuses) est subventionnée à hauteur de 30 à 40%. C’est le cas du matériel de l’élevage (30%), le bâtiment d’élevage (25%) et les serres (10%).
La production de reproducteurs de races pures est également subventionnée par tête, selon l’espèce et le sexe de l’animal ainsi que le type d’élevage (individuel ou en groupement). Pareil pour les nouvelles plantations de canne à sucre et d’arbres fruitiers, en accordant des primes par hectare.

Fiscalité : les petits agriculteurs toujours exonérés

Outre les subventions, la défiscalisation de l’agriculture la rend très attractive aux yeux de beaucoup d’investisseurs. Jusqu’en 2013, tous les opérateurs – grands ou petits – étaient exonérés. En 2014, la Loi de finances a re-fiscalisé – partiellement – le secteur. Heureusement pour les jeunes intéressés par l’investissement agricole, seules les grandes exploitations – réalisant plus de 5 millions de DH de chiffre d’affaires- sont concernées. Intitulé «La fiscalité des exploitations agricoles», un guide en version électronique est disponible sur le portail de la DGI (www.portail.tax.gov.ma). Il synthétise les mesures fiscales par type d’impôt (TVA, IS, IR), les seuils de revenus ciblés, les taux progressifs et l’échéancier de l’exonération à titre transitoire.

Financement : le Groupe Crédit Agricole au chevet des petits agriculteurs

Ce sont 5,49 milliards de DH. Telle est la coquette somme injectée par le Groupe Crédit Agricole du Maroc pour le financement de la campagne agricole 2017-2018. Investir dans le secteur agricole en passant par cette banque publique et ses filières est un must ou presque. Fondée pour faciliter l’accès au financement des petites et moyennes exploitations agricoles dont les propriétés sont souvent recalées par le circuit bancaire classique, Tamwil El Fellah propose des crédits pouvant aller jusqu’à 80 000 DH pour l’investissement et 20 000 DH pour l’exploitation.
La société de financement agricole a distribué au titre de la campagne précédente pas moins de 280 MDH. «Nous n’exigeons pas de garanties, contrairement à la banque commerciale. Ce que nous examinons en premier lieu c’est le lien du demandeur à la terre et la viabilité de son projet», explique un responsable d’agence de Tamwil El Fellah dans la région de Settat. Selon lui, l’offre de l’établissement créé en 2010 est adaptée aux jeunes agriculteurs désirant se lancer dans l’agriculture.
Pour ce qui est de l’offre classique, le groupe propose deux produits destinés aux jeunes ruraux. Le premier est Machrouai Al Qaraoui. Il est destiné au financement de la création, en milieu rural, des TPE para-agricoles ou non agricoles, de l’extension de leurs activités et le financement de leurs besoins de fonctionnement. Le second est Khadamat et est destiné aux petites entreprises de services en milieu rural. Par ailleurs, le groupe détient la fondation Ardi à travers laquelle il cible les couches précaires du monde rural, en proposant des solutions financières (crédits) et non financières (formation et encadrement des activités génératrices de revenus). Celle-ci a distribué lors de la campagne précédente pas moins de 310 MDH.

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