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Affaires

Samir Slaoui, 15 ans d’action militante

A partir des années 90, l’architecte Samir Slaoui a invité les grands noms de l’architecture marocaine et européenne à présenter leurs projets des deux côtés de la Méditerranée.
Retour sur une action militante isolée qui, faute de reconnaissance,
s’essouffle au détriment de la diffusion de la culture architecturale.

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Cela fait longtemps que la médiation de l’architecture trotte dans la tête de Samir Slaoui, à vrai dire depuis ses études à Paris. L’homme est discret, il a fallu le pousser dans ses retranchements pour qu’il retrace quinze ans d’action militante et bénévole en faveur de la connaissance de l’œuvre des architectes. Au début des années 90, constatant le vide en la matière au Maroc, il commence une action culturelle à Casablanca, pour le compte du conseil régional de l’Ordre des architectes du centre. Lors des réunions, beaucoup trop de temps à son goût est consacré aux problèmes de la profession. Ce qu’il souhaite, c’est intégrer culture et qualité dans les préoccupations des architectes. Pour lui, «sans culture, on ne peut avancer», quant à la qualité, «elle ne s’obtient pas par des paroles mais par une remise en question, une pratique et un développement culturel sur le plan de l’architecture».

Architectes marocains de renom pour les premières conférences
Les conférences auxquelles il assistait à Paris lui ont inspiré un programme, où il aborde l’architecture au Maroc avec un cycle de conférences intitulées «Architecte/architecture». Son choix met en avant des hommes qui ont enrichi leur formation à travers la pratique, les voyages et l’ouverture vers les milieux artistiques. Il invite des architectes – capables de construire un discours sur leur œuvre – à présenter travail et expérience : Azagury, Basciano, Belkhadir, Bembarek, Boccara, Collier, Demeux, Fougera, Tastemain, Lazrak, Zevaco et bien d’autres. A partir de 1991, les conférences deviennent mensuelles. Un rite qui durera plus de 2 ans. Il quitte le bureau du conseil régional et relâche cette activité pour se consacrer à son agence.

Les plus grands noms de l’architecture européenne invités à Casablanca
Par la suite, il organisera seul un nouveau programme ouvert sur ce qui se passe à l’étranger. Des rendez-vous avec un conférencier sur un thème donné : l’urbanisme, la ville, la critique ou l’histoire et des colloques internationaux avec de grands thèmes traités simultanément par trois architectes différents. Qu’ils soient grands prix d’architecture, lauréats de projets, chefs de file de courants architecturaux, patrons d’agences ou collaborateurs, minimalistes, rationalistes, intimistes, post-modernes… tous, architectes(1) de grand talent, ont répondu à l’invitation de Casablanca de 1996 à 2004. Pour l’Espagne, Bonnel, Corea, Cruz, Meries, Donato, Rovira, collaborateur du studio de l’architecte Coderch ; Berger, Bonne, Farucci, Hauvette, Lion, Serfaty, Soller et Zoublena pour la France ; Gregotti(2) pour l’Italie ; Van Dansik, chef de projet de Koolas, Smienk, Jellouli pour les Pays-Bas ; Siza, Soto de Moura, Rocci pour le Portugal. Enfin pour la Suisse, Botta, Psheler, Snozzi et Ventury.
Si, comme le reconnaissent certains, «Samir, avec rien, fait beaucoup», cette action militante s’est réalisée avec du bricolage de financement recherché auprès de sponsors compréhensifs. En 2004 eut lieu la dernière conférence. Ghiradelli, jeune architecte collaborateur de Fuksas, présenta les structures complexes, en verre, de bâtiments futurs. Ricciotti, lauréat au terme d’un concours international, présenta le projet, en cours de réalisation à Marseille, du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Sans langue de bois, il partagea avec ses confrères les aléas d’un métier qu’il aborde en passionné et curieux incorrigible.

Faute d’aide, l’action militante s’essouffle au détriment de la culture architecturale
Généralement, 80 à 150 personnes suivaient les conférences (300 pour Botta). Au regard de la fréquentation de la dernière conférence, Samir Slaoui ne sait s’il renouvellera l’expérience. Les architectes ne s’intéresseraient-ils pas à la culture? Internet, avec les facilités de consultation, aggraverait-il le désintérêt pour une démarche moins virtuelle ? Pourtant, la présence des architectes est, autour de la projection d’images, synonyme de débats communs et d’explications de vive voix. L’échange est multiple. Grâce à ces venues, des contacts se nouent, certains trouvèrent des collaborations possibles dans des agences ou en tant que professeur. Des architectes étrangers découvrent un Maroc qu’ils ne connaissaient pas où «ils ont apprécié l’ordre urbain et le chaos du paysage contemporain, les Habbous, la médina de Fès, et, à l’unanimité, le travail de Zevaco»

Au centre, Samir Slaoui en conférence.

1999, l’architecture marocaine en France
C’est par la volonté de Samir Slaoui que l’architecture est introduite dans le programme. Il a bataillé pendant 3 mois pour que les architectes – Boccara, Castelnau et Tastemain, Chawad, Collier, Demeux, Ichter, Lahrichi, Mouyal, Sebbata, El Oufir, Sijelmassi, Slaoui, Verdugo – puissent présenter leur travail lors de conférences sous le thème «Architecture contemporaine marocaine des vingt dernières années, entre tradition et modernité, éclectisme et vernaculaire». C’est ainsi qu’un public nombreux a découvert une part de l’architecture marocaine, soit à Paris : à l’Institut du Monde Arabe, l’Académie d’architecture, l’Institut Français d’Architecture ou au Pavillon de l’Arsenal ; soit à Bordeaux, Grenoble, Lyon, Montpellier, Rennes et Toulouse, dans des écoles d’architecture.