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Projet de Loi de finances : l’investissement budgétaire repart à la hausse
Les dépenses de fonctionnement plafonnent à 183 milliards de DH au lieu de 195 milliards en 2015. L’investissement du Budget général grimpe à 61,4 milliards de DH contre 54,1 milliards en 2015.

Le projet de Loi de finances pour l’année 2016, déposé au Parlement le 20 octobre courant, traduit dans sa configuration générale le souci de poursuivre l’orientation prise voici quatre ans, celle du rétablissement progressif des déséquilibres macroéconomiques, apparus depuis 2009. Les données chiffrées du projet le montrent assez clairement. Les dépenses de fonctionnement, plafonnées à 183 milliards de DH, sont en net recul par rapport à 2015 (195 milliards de DH), et plus généralement à leur niveau des cinq dernières années. Mais il faut quand même le préciser, cette baisse est surtout le résultat à la fois de la réforme de la compensation et de la chute du prix du pétrole. Les charges de compensation pour 2016 sont prévues à 15,5 milliards de DH, contre 23 milliards en 2015. Plus globalement, les charges communes-fonctionnement, chapitre dans lequel sont logées les dépenses de compensation, retombent à 38 milliards de DH en 2016, au lieu de 53 milliards en 2015, de 62 milliards en 2014 et de 68 milliards de DH en 2013.
Ces précisions n’impliquent pas cependant qu’il faille minimiser l’importance du recul des dépenses de fonctionnement simplement parce que ce recul provient de la baisse des subventions: la réforme de la compensation, pour rappel, avait longtemps été le dossier sur lequel, malgré leurs déclarations d’intentions, les gouvernements précédents ont tous buté. Au-delà des positions des uns et des autres sur le bien-fondé de la réforme (quoiqu’un consensus existe sur ce point au sein des partis politiques), mettre en œuvre le chantier n’est sans doute pas une mince affaire.
En fait, le propos est seulement de dire que les autres postes de dépenses, en ce qui concerne le fonctionnement, continuent, eux, d’augmenter, tout au moins en valeur absolue. On pense notamment aux dépenses de matériel et dépenses diverses, appelées communément dépenses du train de vie de l’Etat. Elles augmentent à la fois en valeur (+1 milliard, à 35 milliards de DH) et en proportion du PIB (3,4% au lieu de 3,3% en 2013 et 2014). Là encore, il y a lieu de relativiser cette hausse, puisqu’une partie non négligeable de ces dépenses (soit 15,7 milliards de DH) va aux établissements publics et aux services de l’Etat gérés de manière autonome (SEGMA) sous forme de subventions.
Les dépenses de personnel, elles aussi, ont accusé une hausse de 1,2%, à 106,8 milliards de DH, mais dans leur rapport au PIB elles s’inscrivent dans une tendance baissière : 10,3% du PIB en 2016, contre 10,6% en 2015, 11% en 2014 ; ce revirement de tendance s’expliquant dans une certaine mesure par la refonte de l’année de base des comptes nationaux, dont un des résultats est l’appréciation de la valeur du PIB.
Il faut dire que la compression des dépenses du personnel, en valeur absolue, n’est pas une tâche aisée à entreprendre. D’une part, les rémunérations des fonctionnaires augmentent de manière automatique (évolution des carrières oblige), et, d’autre part, le gouvernement est tout de même obligé de combler les besoins des administrations en ressources humaines. D’autant que les départs à la retraite pour limite d’âge sont sur un trend haussier, et ce, jusqu’en 2018 (voir sur ce point le rapport sur les ressources humaines accompagnant le projet de Loi de finances). La réforme paramétrique du régime de retraite CMR, si elle était appliquée, pourrait modifier quelque peu la donne sur ce point, mais en attendant, ce sont 26 000 fonctionnaires qui seront recrutés en 2016, au lieu de 22 510 en 2015.
Les crédits de personnel auront un caractère limitatif à partir de 2017
Avec la nouvelle loi organique des finances (LOF), il est toutefois possible non pas vraiment de diminuer les dépenses de personnel, mais d’en maîtriser l’évolution tout au moins. Il faut savoir en effet qu’à partir de 2017 (toutes les dispositions de la loi organique des finances n’entrent pas en vigueur le 1er janvier 2016), les crédits de personnel auront un caractère limitatif. Autrement dit, pas de dépassement des crédits prévus dans la Loi de finances, comme c’est le cas aujourd’hui. D’ores et déjà, et afin de répondre aux besoins en personnel sans devoir recourir à la création de nouveaux postes budgétaires, la LOF donne la possibilité de procéder à des redéploiements de postes entre ministères, en puisant dans les secteurs où il y a sureffectif pour pourvoir aux besoins de ceux qui sont en manque.
Toutefois, dans les prochaines années, lorsque l’ensemble de dispositions de la LOF sera entré en vigueur (ce sera à partir de janvier 2020), les dépenses de personnel prendront un poids plus grand tant en valeur que dans leur rapport au PIB. A partir de 2020, en effet, les cotisations de l’Etat au titre de la retraite et de la prévoyance sociale (CNOPS), aujourd’hui logées dans le chapitre “charges communes”, feront partie des dépenses de personnel. Pour rappel, la part patronale de l’Etat au titre de la retraite et de la prévoyance sociale se monte actuellement à quelque 15 milliards de dirhams. Ce montant, à l’avenir, viendra s’ajouter aux dépenses de rémunération des fonctionnaires. Ce qui ne manquera pas de porter la part des dépenses de personnel dans le PIB à un niveau largement supérieur à ce qui est généralement recommandé par les institutions financières internationales, soit moins de 10% du PIB de préférence.
Ce qui est intéressant à noter dans ce projet de Loi de finances, c’est que la baisse des dépenses de fonctionnement, prises dans leur totalité, semble bénéficier à l’investissement. L’enveloppe budgétaire dédiée à l’investissement en 2016 a en effet augmenté de 13,5%, à 61,4 milliards de DH. Après les baisses de 2013 et 2014, les dépenses d’investissement du Budget général reprennent donc, et leur part dans le PIB remonte à 5,93% en 2016, au lieu de 5,35% et 5,45% respectivement en 2014 et 2015. Dans les faits, les administrations publiques ne disposent pas que de 61,4 milliards de DH au titre de l’investissement, mais de 113,7 milliards de DH, compte tenu des crédits de report engagés dans la Loi de finances 2015 pour un montant de 16,5 milliards de DH, et des crédits d’engagement sur l’année 2017 et suivantes pour 35,8 milliards de DH. En y ajoutant les dépenses d’investissement des collectivités locales, des établissements et entreprises publics, des comptes spéciaux du Trésor et des SGMA, le volume des investissements consolidés se monte à 189 milliards de DH, soit le même niveau qu’en 2015. C’est une somme énorme, mais l’investissement, pour redire une évidence, est absolument indispensable pour générer de la croissance. Bien sûr, le constat est fait que l’efficience de ces investissements est encore faible (une étude du HCP sera bientôt publiée sur ce sujet), et d’ailleurs dans les documents accompagnant le projet de Loi de finances, notamment dans la note de présentation, le gouvernement insiste précisément sur la nécessité de mieux orienter les investissements, et même à l’avenir d’en évaluer les performances.
C’est à peu près l’essentiel à retenir du projet de Loi de finances 2016. Pour le reste, les recettes du Budget général, compte non tenu des emprunts à moyen et long termes, sont prévues à 207,15 milliards de DH, contre 201,75 milliards en 2015, soit une augmentation de 2,7%. Dans le détail, l’impôt sur le revenu devrait progresser de 5,7%, à 38,6 milliards de DH, l’impôt sur les sociétés de 3,45%, à 44,25 milliards de DH, et la TVA à l’intérieur de 1,8 %, à 22,8 milliards de DH, la TIC sur les produits énergétiques de 3,1%, à 14,8 milliards de DH, les droits de douane de 4,5%, à près de 10 milliards de DH. En matière de droits d’enregistrement et de timbre, le gouvernement prévoit une forte hausse des recettes provenant des droits de mutation : +26,1%, à presque 10 milliards de DH. La TVA à l’importation, par contre, devrait baisser de 3,2%, à 32,7 milliards de DH.
Afin de compléter le financement des actions programmées, le gouvernement va devoir emprunter 70,5 milliards de DH, au lieu de 66,35 milliards en 2015. Sur ce montant global, 45 milliards de DH seront levés sur le marché domestique, contre 42 milliards en 2015, et 25,5 milliards sur les marchés extérieurs, au lieu de 24,35 milliards au cours de l’exercice 2015.
Mais, il faut toujours se le rappeler, ce ne sont là que des prévisions. Dans un contexte où la croissance, contrairement à l’optimisme du gouvernement qui table sur une hausse de 3% du PIB, devrait ralentir à 2,6% selon le HCP, les recettes fiscales pourraient être bien moindres que ce qui a été prévu (même si, on le sait, la corrélation entre croissance et recettes fiscales est encore relativement faible). En revanche, en matière de dépenses, et même si le prix du pétrole pourrait remonter légèrement (le gouvernement a travaillé sur une hypothèse de 61 dollars le baril), les prévisions ne devraient probablement pas être dépassées ; l’Exécutif disposant encore de quelques marges, comme la poursuite de la réforme de la compensation et éventuellement les effets des aménagements fiscaux proposés dans le projet de Budget (voir encadré sur ce dernier point).
