Affaires
Poids lourds : grand cafouillage autour des nouvelles normes techniques !
Le nouveau référentiel de normes comporte 67 tests d’équipements de sécurité, en plus de la norme antipollution euro 4. Plusieurs opérateurs trouvent qu’il est difficile de doter les pick-up, camions, bus et autocars des équipements exigés.

Entré en vigueur le 1er janvier 2015 avec un moratoire de six mois pour le traitement du stock et des commandes en cours, le référentiel réglementaire relatif aux équipements dont doivent être dotés les véhicules poids lourds, contenu dans la loi 52-05 portant code de la route, continue d’être vaillamment critiqué. De l’avis de nombreux professionnels, plusieurs dispositions sont floues ou tout simplement inapplicables.
Ils font précisément allusion aux équipements de sécurité, entre autres, les points d’ancrage isofixe servant à tenir les sièges enfants, les feux adaptatifs qui n’équipent aujourd’hui que les voitures de luxe, les retardateurs, l’ABS, ou encore les options pour la prévention du choc latéral.
«Plusieurs de ces équipements sont rendus obligatoires sur les pick-up alors qu’ils ne le sont pas encore sur les voitures de tourisme», proteste un responsable à Hino, marque de camions de Toyota Maroc qui ajoute que certains équipements ne peuvent être montés sur les camions.
Et quand il est techniquement possible de se conformer à la loi, beaucoup de professionnels font encore comme bon leur semble. Illustration : la plupart des autocars ne sont pas munis de ceintures de sécurité pour les voyageurs. «Il leur faudra du temps, d’autant que l’investissement est lourd», justifie Mohamed Zidani, DG de la Société de transport touristique du Maroc (STTM). Ezzoubeir Errhaimini, DG de la CTM, dont le parc compte parmi les rares déjà équipés de ceintures de sécurité, relève de son côté des contraintes techniques, notamment l’ancienneté du parc. Selon lui, les opérateurs ont besoin d’être aidés financièrement pour équiper leurs flottes. Même si les ceintures sont installées, le contrôle du respect de la loi par les passagers est une autre grande interrogation, relève-t-il.
Des normes techniques de grande importance ne sont pas encore obligatoires pour le montage local
La même situation prévaut chez une grande partie des transporteurs routiers de conteneurs. Beaucoup de semi-remorques sont dépourvues du dispositif de sécurité appelé twist-lock, alors que la loi est claire. L’Association professionnelle des agents maritimes, consignataires de navires et courtiers d’affrètement (APRAM) n’a cessé de tirer la sonnette d’alarme sur ce manquement, notamment en raison de la multiplication des accidents provoqués par la chute des conteneurs.
Mais là encore, la difficulté à se conformer à la loi est expliquée par la vétusté des véhicules, dont le gros remonte à une époque où les twist-locks n’étaient pas très répandus. «Installer ce dispositif reviendrait donc à acquérir une nouvelle remorque ou carrément un nouveau véhicule», explique un transporteur.
Autre point qui déstabilise et divise le secteur : les nouvelles normes techniques, d’importance capitale pour la sécurité routière, ne sont pas encore obligatoires pour les véhicules montés au Maroc. La loi prévoit toutefois que les pièces fabriquées localement soient testées par un laboratoire marocain. Mais la tendance est de le faire à l’étranger. Pour le vitrage, une des rares pièces produites au Maroc, les industriels préfèrent solliciter les services de l’Utac, un laboratoire français, au lieu du laboratoire marocain Cetiev. «Par conséquent, l’existence ou non d’un laboratoire marocain n’affecte en rien l’application de la loi», constate un industriel.
Les nouvelles normes s’appliquent déjà à la lettre pour les véhicules importés montés
Cela dit, plusieurs sources dans le secteur assurent qu’il s’agit d’un acquis de taille que la loi soit, au moins, appliquée aux véhicules importés montés. Ce sont ainsi quelque 120 000 unités par an qui doivent être conformes aux derniers standards en matière de sécurité, en plus de la norme Euro 4 antipollution. Avant leur importation, ces véhicules passent obligatoirement par les tests du Centre national d’essais et d’homologation.
Selon les importateurs, il est clairement établi que l’adoption du nouveau référentiel va permettre la réduction de manière significative du nombre des victimes des accidents de la route et donnera plus de compétitivité aux transporteurs qui verront leur poste de charge de carburant baisser de 5 à 10% en fonction des marques et des types de véhicules utilisés. «En plus, les normes dites Euro 4, introduites en Europe en 2006, permettent de diviser par trois les émissions d’oxyde d’azote, par presque quatre les hydrocarbures imbrûlés et par dix-huit les particules fines fortement cancérigènes», explique une source à Auto Hall dont les véhicules sont conformes aux nouvelles exigences.
En contrepartie, les prix des nouveaux véhicules vont augmenter de 8% à 15%. «L’augmentation du prix est engendrée principalement par les équipements de sécurité et non pas par l’Euro 4. Cette hausse sera récupérée en moins d’une année grâce aux économies qui seront réalisées au niveau des charges de carburant», rassure un expert.
Mais si le nouveau dispositif, dont l’application souffre encore d’imperfections, s’attaque en gros aux nouveaux camions, bus et autocars, l’ancien parc continue de poser de vrais problèmes de sécurité et des retombées nocives sur l’environnement. D’ailleurs, ce sont ces véhicules qui sont les plus polluants et les plus impliqués dans les graves accidents de la circulation. Pour Ahmed Milati, président de l’Union des fédérations nationales des professionnels du transport au Maroc, 70% du parc des poids lourds ne remplissent pas les conditions techniques requises. «En plus de son état de vétusté, il pose de vrais problèmes de sécurité notamment à cause du transport de produits dangereux, du dépassement de la charge maximale, et du non-respect des horaires de repos des chauffeurs», se plaint-il. Selon lui, le dispositif de prime à la casse devra être actionné pour bénéficier du respect des normes techniques par les nouveaux achats et d’arrêter, en même temps, les retombées négatives des anciennes épaves.
