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Affaires

Mustapha Bakkoury : Le plan solaire sera accompagné d’une intégration industrielle

La première phase du site de Ouarzazate sera opérationnelle en 2014, les autres phases pour 2015. Une capacité de 500 MW projetée.
Les opérateurs feront de la production concessionnelle pour le compte de Masen qui sera l’unique interface pour la vente aux distributeurs.
L’appel d’offres sera lancé d’ici la fin de l’année.

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La Vie éco : Le Maroc s’est engagé dans un énorme plan solaire, visant à doter le pays d’une capacité supplémentaire de 2 000 MW en dix ans avec 5 sites. Un an après, avec du recul, la taille du projet reste-t-elle conforme aux prévisions initiales ?
Mustapha Bakkoury : Il y a un an, SM Mohammed VI a présidé le lancement du programme solaire marocain à Ouarzazate. Ce projet, comme vous l’avez rappelé, porte sur une puissance installée de 2 000 MW, puissance qui représente pratiquement 38% de la capacité installée actuelle et représentera 14% de cette puissance en 2020. Pour revenir au projet solaire marocain, il a été dimensionné en premier lieu pour répondre aux besoins nationaux mais rien n’empêche qu’il soit élargi dans l’hypothèse de l’évolution des initiatives régionales en la matière et principalement lorsque les conditions d’export seront réunies.

Il était prévu, lors du lancement du plan solaire, qu’à l’horizon 2020, 42% de l’électricité produite au Maroc provienne de l’énergie propre. Avec le lancement d’un plan éolien, ce ratio devrait augmenter. Quelles sont les prévisions aujourd’hui ?
Ce ratio reste d’actualité. Le mix énergétique national prévoit 2 000 MW pour le solaire, mais aussi 2 000 MW pour l’éolien, soit 14% pour chacun auquel s’ajoutent 14% pour l’hydraulique. Ces trois sources d’énergie représenteront ainsi, en 2020, 42% de la puissance électrique installée.

Mardi 26 novembre, deux conventions destinées à parachever le cadre institutionnel du projet solaire ont été signées. On y trouve l’Etat, Masen et l’ONE. Concrètement, qui fait quoi ?
L’Etat est le régulateur, le garant du cadre juridique et le stratège en matière de vision énergétique. Masen [NDLR : Moroccan Agency for solar Energy] pilote le programme solaire et est responsable de sa réalisation et de ses composantes économiques et techniques.
D’ailleurs, les opérateurs produiront pour le compte de l’agence qui, ensuite, revendra l’énergie à l’ONE, opérateur national. Masen sera donc l’interface entre l’office et les concessionnaires. L’ONE, enfin, aura en charge la distribution et la commercialisation à destination des clients finaux.

Hormis les sites prévus par le plan solaire, si un investisseur national voulait lancer un projet pourrait-il le faire ?
Les sites ont été identifiés sur la base de leurs potentialités solaires, de leurs équipements, de leur accessibilité. Leur processus de qualification se poursuit à travers des études plus détaillées portant notamment sur les données topographiques, géophysiques et solaires et climatiques sur une plus grande durée. Parallèlement, d’autres sites sont à l’étude et viendront enrichir ce programme. La loi 13-09 instaure un cadre incitatif et prévoit le cadre général des projets d’investissement dans les énergies renouvelables. Si un investisseur est intéressé par le secteur, il doit s’y référer.

On a beaucoup parlé technique mais le volet économique reste vague. Quelles sont les incitations fiscales qui seraient accordées aux investisseurs qui rejoindraient le Plan solaire ?
La charte d’investissement prévoit des incitations fiscales pour les projets d’envergure. Le soutien de l’Etat, et notamment fiscal, se matérialise par la signature d’une convention entre ce dernier et les investisseurs quand le projet dépasse 200 MDH. Le Plan solaire au même titre que les autres secteurs bénéficie des avantages de cette charte.

Une centrale solaire c’est quel délai de retour sur investissement ?
L’arbitrage entre la production d’énergie à partir d’énergies fossiles ou d’énergie renouvelable ne s’appréhende pas de façon statique. C’est dans la dynamique de l’évolution des marchés que devrait s’analyser l’opportunité du recours aux énergies renouvelables. En effet, l’appréciation anticipée des énergies fossiles contraste avec la ressource solaire pérenne, disponible et «inépuisable». Le projet solaire marocain a une logique économique à long terme et qui repose sur des projets structurants pour l’économie nationale où les composantes intégration industrielle, développement durable, création d’emplois participent à donner à ce projet les éléments de sa rentabilité pour l’économie nationale.

Peut-on imaginer qu’à l’horizon 2020 le Maroc exporte de l’électricité grâce à son plan solaire ?
Oui, c’est envisageable, des discussions sont d’ailleurs en cours avec certains gouvernements de pays voisins. Le Maroc se trouve dans un carrefour énergétique. Il est relié au nord comme à l’est avec des liaisons fixes, dont certaines en cours de renforcement. Ces liaisons rendent non seulement l’exportation réalisable mais aussi dans les meilleures conditions. Les modalités techniques et juridiques sont en cours d’examen.

Les cinq sites prévus seront-ils interconnectés avec ceux prévus par le Plan européen Desertec par exemple ?
Desertec est une initiative industrielle qui vise la production électrique à travers le solaire et l’éolien. Ce programme vise la satisfaction des besoins des pays du sud et la contribution à la réalisation des objectifs en matière d’énergie propre des pays du nord. Le Maroc a fait part de son ouverture à ce type d’initiatives.

Le site de Ouarzazate s’insère dans ce schéma également…
Non, l’énergie solaire produite sur le site de Ouarzazate est exclusivement dédiée à la couverture des besoins nationaux. Je rappelle qu’il sera constitué d’une ou plusieurs centrales d’une capacité minimale de 125 MW chacune et qu’il comprendra une première phase dont le processus de sélection des candidats est déjà lancé. En 2014, la première phase devra être opérationnelle. En 2015, l’autre (ou les autres) suivra (suivront). La capacité totale de Ourazazate atteindra 500 MW en rythme de croisière.

L’on déduit à travers cela qu’il devrait également comprendre plusieurs opérateurs à terme…
Exactement, mais, je le rappelle, tous produiront pour le compte de Masen qui sera l’unique interface avec l’environnement extérieur du projet.

Quel sera finalement le choix technologique retenu pour le plan solaire ?
Les technologies solaires portent sur deux grandes familles, celle ayant recours à de la concentration thermique, qui est le thermo-solaire, et celle reposant sur la capacité de certains matériaux à générer de l’électricité sous l’effet des rayons du soleil : le photovoltaïque. Le programme national a prévu le déploiement de toutes ces technologies et de leurs variantes dans une perspective d’accompagnement des dynamiques propres à chacune d’elles. C’est ainsi qu’il a été prévu de développer une composante photovoltaïque dont le déploiement est plus rapide. S’agissant de la première phase du projet d’Ouarzazate en particulier, le choix de la technologie thermo-solaire a été dicté par des considérations propres au réseau dont notamment le stockage.

19 sociétés ont postulé pour la centrale d’Ouarzazate. Combien seront pré-qualifiées ?

Dans le cadre du processus de pré-qualification et afin de sélectionner les entreprises ayant la capacité de réaliser la première tranche de ce projet, un certain nombre de critères, en terme de surface financière, d’expérience dans le domaine des infrastructures et dans le champ particulier du thermo-solaire ont été arrêtés. Parmi ces 19 sociétés ou consortiums, toutes les entreprises qui satisferont à ces critères seront qualifiées pour participer à l’appel d’offres qui sera lancé avant la fin de l’année. Il n’y a pas de nombre prédéfini.

L’annonce du projet a enthousiasmé bon nombre d’investisseurs. Etes-vous aujourd’hui optimiste en ce qui concerne la capacité à financer le projet global, sachant que le coût est estimé à 9 milliards de dollars et que 30% proviendront de fonds locaux (propres) ?
Il y a un intérêt certain de différents partenaires. La capacité de financement est là, non seulement chez les bailleurs de fonds internationaux mais aussi au niveau des fonds dédiés et auprès des banques commerciales.
Masen travaille sur l’optimisation des conditions de financement en mobilisant en priorité les financements concessionnels disponibles. Pour cela, un travail continu avec les bailleurs de fonds et les agences de développement est entrepris.

A ce sujet, vous avez rencontré à plusieurs reprises d’éventuels bailleurs de fonds. Des engagements ont-ils d’ores et déjà été pris ?
Les principaux bailleurs de fonds internationaux ont exprimé leur intérêt voire leur accord de principe pour financer les projets de Masen. Nous tenons des réunions régulièrement avec eux pour mettre au point toutes les conditions de notre partenariat. Nous pouvons dire qu’à ce niveau nous sommes bien avancés.

Quel est le site qui sera prochainement lancé et quand débuteront les démarches pour cette deuxième centrale ?
Nous avons initié les études de qualification des sites et c’est sur la base de l’avancement et des résultats des travaux en cours que le prochain site sera arrêté.

On s’est fixé des objectifs en matière de production d’énergie salaire, mais quid de l’amont ? Et quid de la production locale de matériaux et composants destinés à équiper ces centrales ?
Le plan solaire comprend non seulement un objectif d’intégration industrielle, mais également une composante recherche et développement. Y sont impliqués Masen, les ministères concernés et, bien entendu les opérateurs qui auront à produire localement. L’idée est d’obtenir progressivement un taux d’intégration locale de plus en plus élevé et cette condition sera incluse dans les appels d’offres à venir.