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Maroc – Automobile : La guerre des prix fait rage

Aujourd’hui, il est possible d’acquérir une belle berline diesel pour moins de 180 000 DH ! Les distributeurs se livrent une lutte tarifaire pour le plus grand bonheur de la clientèle. Mais que cache réellement cette guerre des prix ?

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Maroc Automobile 2013 06 07

Que vous soyez potentiellement intéressés par l’acquisition d’un véhicule neuf ou pas, vous n’aurez pas échappé aux offres séduisantes émanant des différents distributeurs de marques automobiles. En effet, qu’il s’agisse de l’affichage urbain, des annonces presse, des messages radiodiffusés… le marketing n’a de cesse d’aguicher le chaland afin que ce dernier change son automobile ou bien accède à son rêve en acquérant son tout premier véhicule. D’emblée, avouons que ce fameux rêve paraît relativement accessible. A titre d’exemple, feuilletons l’édition de La Vie éco du 12 au 18 avril 2013. Cette dernière comprend des annonces presse concernant le 4×4 SUV Hyundai ix 35 Diesel à 259 000 DH et de la Mini Countryman (le 4×4 By Mini) à partir de 259 000 DH. Les offres Nissan Top Crono (du 5 au 30 avril) annonçant 26 000 DH de remise sur le modèle Juke ; 33 000 DH de rabais sur le modèle Qashqaï ; 36 000 DH de remise sur le Pathfinder ; 8 000 DH de remise sur le modèle Note ; sans oublier la Micra qui s’affiche à partir de 99 000 DH ! Ford vante sa Focus TDCI 5 portes à partir de 195 000 DH. Comptez 201 000 DH pour la version 4 portes. Même les marques premium participent à cette valse tarifaire. Ainsi, qui aurait pensé qu’on pourrait conduire une Mercedes-Benz  C 200 CDI Classic en déboursant 387 000 DH ? Jusqu’au 30 avril, Auto Nejma rendait ce rêve possible. Auparavant, le même importateur lançait une offre limitée au 30 mars concernant le modèle E 200 CDI Classic à 429 000 DH ! L’accroche titrait alors : «Une chance à saisir, un privilège à vivre !». Tandis que celle consacrée au modèle  C 200 CDI Classic clame : «Conquis en un instant, satisfait pour toujours».

Des offres inimaginables il y a quelques années

Si on se réfère à la parution de La Vie éco, du 26 avril au 2 mai, on note la présence du 4×4 SUV GLK 200 CDI estampillé Mercedes-Benz à 415 000 DH. Tout ça prouve bien que tous les distributeurs se sont lancés dans une bataille tarifaire. De telles offres étaient improbables si on remonte seulement deux ans en arrière. Cette guerre des prix revêt également d’autres formes. En effet, si elle ne se concrétise pas directement via le prix ou les remises, elle se décline par le biais du niveau d’équipements. Ainsi, en 2005 par exemple, se voir offrir un système audio CD-radio performant satisfaisait l’acheteur. Aujourd’hui, ça paraîtrait ridicule ! Même des véhicules aussi particuliers que les modèles hybrides dotés d’une technologie de pointe, de boîte de vitesses automatique (Honda Insight et Toyota Prius, par exemple)… sont accessibles à moins de 250 000 DH ! Que penser aussi de la récente et réussie Clio que l’on peut acquérir via un crédit intégrant des traites mensuelles avoisinant les 1 500 DH ? A propos de ce modèle, un professionnel de la place nous confiait qu’un de ses interlocuteurs japonais n’en croyait pas ses yeux ! Pour ce dernier, la marque qu’il représentait, assujettie à des droits de douane élevés (contrairement aux marques importées de l’UE) était tout bonnement dans l’impossibilité de commercialiser des modèles du même segment à un tel prix ! Alors quels enjeux se dissimulent derrière cette joute tarifaire ?

Les limites sont atteintes

Interrogé à ce sujet, Eric Morin, PDG de Sopriam qui importe les marques Peugeot et Citroën, nous indique qu’il n’y a pas de sur-stock en Europe. A la différence d’il y a 20 ans, actuellement on commande aux usines puis elles produisent. C’est ce qu’on appelle l’anticipation de production industrielle. «Chez Sopriam, nous établissons un plan d’achat qui couvre les périodes allant de mai à septembre, par exemple», nous explique Eric Morin. Par conséquent, Sopriam, à l’instar d’autres importateurs de marques généralistes également impactées par la crise, affiche des tarifs agressifs, auxquels s’ajoutent le démantèlement douanier, la montée en niveau d’équipements et des motorisations hautement technologiques. Selon le PDG de Sopriam, vu qu’il est interdit de vendre à perte et que l’essentiel est de tenir compte du coût de revient d’un véhicule, ainsi que des marges minimales pour le constructeur et l’importateur, «je pense que l’on a atteint les limites acceptables».

Une guerre des prix destructrice de valeur

Des limites atteintes ? Voilà des propos qui devraient ravir Adil Bennani, DG de Toyota du Maroc. En effet, ce dernier rejoint cette théorie économique classique, laquelle stipule en toute logique que la gratuité tue la valeur. Ainsi, selon le DG de Toyota du Maroc, cette guerre des prix a en fait commencé depuis un moment. Elle détruit la valeur. On est dans un contexte de crise, où le marché européen est plus que morose. Beaucoup de pression est exercé sur les distributeurs pour écouler les stocks, faire tourner les usines. Les constructeurs préfèrent consentir des rabais de 20% plutôt que de paralyser les usines. En définitive, seul le client est gagnant. Une vision qu’il inculque à sa force de ventes en conseillant à ses commerciaux d’argumenter autour du produit afin de sortir de cette spirale négative où seul le critère prix prévaut. Mais ne nous voilons pas la face. A ce sujet, on ne raisonne même pas en termes de meilleur rapport qualité-prix. Le marché local est orchestré par des questions de budget (d’autant plus crucial en période de crise). Nombreux sont les chefs de vente qui vous diront que chaque jour des clients arrivent dans des showrooms munis de «flyers» sur lesquels figurent des tarifs griffonnés. Ils réclament alors de s’aligner sur tel ou tel prix, voire consentir à des gentillesses (rabais plus élevés, équipements offerts…), sinon ils n’hésiteront pas à faire une infidélité ou acheter le modèle pour lequel leur cœur n’avait pas battu de prime abord.

Bref, l’émotion, la raison sont relégués derrière des considérations purement budgétaires. Parfois, se voir offrir le plein du réservoir peut suffire pour convaincre un acheteur potentiel ! Même les arguments aussi primordiaux que la garantie ou le SAV n’ont plus leur poids vis-à-vis de cette clientèle, laquelle constitue la majorité des chalands.

Finalement, si les limites acceptables semblent être atteintes, c’est uniquement parce qu’il est interdit de vendre à perte. Cette guerre des prix qui sévit d’ailleurs dans tous les secteurs profitent seulement aux consommateurs. On ne va pas s’en plaindre. Néanmoins, force est de reconnaître que les entreprises doivent générer des bénéfices pour rentabiliser leur outil de production et continuer à investir. Rogner sans cesse sur les marges met en péril tout le système économique avec au premier chef les emplois d’ores et déjà suffisamment précaires.