Affaires
Loi sur les délais de paiement : les amendements du gouvernement
L’Exécutif propose un délai de paiement dépassant 90 jours mais le soumet à des conditions. Les pénalités de retard transformées en indemnités, donc fiscalement déductibles. La question du différentiel des taux entre public et privé sera tranchée dans la prochaine Loi de finances.

Les choses avancent dans le dossier des délais de paiement. L’Exécutif s’apprête à introduire ses propositions d’amendement de la loi 32-10 dans le circuit d’adoption, après concertation avec les différents opérateurs concernés. En effet, la liste des amendements, que La Vie éco s’est procurée en exclusivité de source ministérielle, complète ladite loi dont la mouture initiale avait omis un bon nombre de points importants. Il s’agit en premier lieu de l’article 78-2 qui limite le délai de paiement réglementaire maximum à 90 jours. Le gouvernement a ainsi prévu la possibilité de déterminer un délai maximum de paiement dépassant les 90 jours entre les contractants, à condition que ce dépassement du délai réglementaire soit justifié par des raisons économiques objectives spécifiques au secteur concerné, en se référant à la pratique durant les trois dernières années. De plus, l’amendement précise que l’accord doit être limité dans la durée et doit stipuler la réduction progressive du délai exceptionnel pour converger vers le délai réglementaire. Aussi, selon le gouvernement, ce délai exceptionnel peut-il être étendu à tous les opérateurs exerçant une activité qui s’inscrit dans le cadre des organisations professionnelles signataires d’un accord dans ce sens, à condition que ce soit approuvé par décret et après consultation du Conseil de la concurrence. Parallèlement, pour combler une autre insuffisance majeure de la loi 32-10, le projet d’amendement prévoit de déterminer un délai différent du délai maximum pour certains secteurs d’activité, dont les opérateurs sont connus pour avoir des délais particulièrement longs de par la nature de leur activité ou le caractère long de leur cycle d’exploitation (agriculture, industrie lourde, BTP…). La prise en considération de ces délais spécifiques doit se baser sur des accords à conclure à ce sujet par leurs organisations professionnelles, sur la foi d’études objectives et d’analyses démontrant le besoin de déroger au délai réglementaire.
Vers un taux de pénalité unifié pour l’ensemble des acteurs
Plus techniques, les propositions d’amendement de l’article 78-3 de la loi retiennent, quant à elles, la notion d’indemnisation en compensation du retard au lieu de pénalité de retard. Ce qui laisse entendre de prime abord que, pour le gouvernement, il s’agira dorénavant de charges fiscalement déductibles pour celui qui s’en acquitte et de produits imposables pour celui qui les reçoit. Pour rappel, sur ce point de traitement fiscal, la loi pèche par un non-sens fiscal flagrant, en assimilant l’indemnisation en question à une pénalité de retard, et donc à une charge non courante pour la partie qui s’en acquitte, non déductible fiscalement, alors que la partie qui la reçoit doit la considérer comme des intérêts de dette commerciale, logés au poste des produits financiers, imposables de par leur nature.
En même temps, le projet d’amendement parle dorénavant de montant de l’indemnisation au lieu de taux de pénalité. A ce titre, les propositions de l’Exécutif n’ont pas résolu le problème du différentiel de taux de ladite indemnisation selon qu’il s’agisse d’opérateur public ou privé. La loi retient des intérêts moratoires pour les premiers de 3% tandis que les seconds doivent s’acquitter de 10%. Il est à souligner que cette problématique, du moment qu’elle concerne des taux, ne pourra être tranchée que dans le cadre de la prochaine Loi de finances. Dans ce sens, le gouvernement tient à rassurer en insistant sur son ouverture pour converger vers un taux de pénalité unifié pour l’ensemble des acteurs, dans le cadre de concertations avec les parties prenantes.
Hormis ces précisions apportées à des articles déjà existants, l’Exécutif a proposé de compléter la loi 32-10 par d’autres, notamment celui instituant le médiateur en tant que passage obligatoire avant toute procédure en justice. Ainsi, les parties contractantes ne peuvent recourir à la justice qu’après épuisement de la procédure de médiation pour le règlement de leur litige.
Par ailleurs, pour dissiper les doutes sur l’effet rétroactif de la loi, les rédacteurs ont bien pris la peine de préciser que les dispositions de cette loi ne s’appliquent pas aux dettes exigibles découlant des transactions effectuées entre les commerçants avant la date de son entrée en vigueur, autrement dit avant la date de publication des textes d’application au Bulletin officiel.
Cela dit, les réaménagements apportés par l’Exécutif, bien qu’ils aient le mérite de combler les lacunes de la loi, ont une fois de plus esquivé des détails importants à l’instar du traitement réservé aux cessions de créances à un établissement de factoring, des livraisons échelonnées qui posent le problème de la date de référence pour le calcul des pénalités et des limites de la territorialité de la loi pour les entreprises exerçant dans l’import-export, sachant que ces cas de figure ne manquent pas dans les transactions commerciales au quotidien.
