Logement social à l’esthétique séduisante

L’Agence des logements militaires avait imposé une contrainte : pas de vue sur la caserne militaire mitoyenne.
Voile de béton, ouverture sur une place intérieure…un pari
réussi sans coûts supplémentaires.
Le programme Assalam de logements sociaux est une commande directe confiée à Abdelhak Fenjiro par l’Agence de logements et d’équipements militaires (ALEM). Un projet classique d’appartements destinés à la vente – homologués par le ministère de l’Habitat – pour une population de militaires à faibles revenus. La résidence située sur une parcelle mitoyenne d’une caserne ne devait permettre aucune vue sur le terrain militaire, obligeant l’architecte à travailler cette façade en aveugle et installer des zones de service sur les façades principales. Il ne voulait pas que les étendages des buanderies soient apparents. Il a alors conçu un élément décoratif, un écran réalisé dans un voile de béton, peint en vert, simplement percé de larges cercles cernés d’un bourrelet en relief blanc. Il prend naissance au sol, s’évase vers le haut. A chaque étage, des poutres blanches en béton armé l’arriment au bâtiment. Ses différentes utilisations en aplat ou en angle matérialisent des espaces vides qui structurent et dynamisent les façades blanches par des jeux d’ombre et de lumière, de cadrages de vues ou de découpes sur le ciel. Ces écrans sont décalés des murs de manière à ce qu’aucune passerelle ne soit possible entre le bâti et le voile pour éviter que les occupants comblent ces vides dans une tentative d’agrandissement des logements.
Dans les programmes sociaux chaque trait de crayon à une incidence sur le coût
Dans les programmes sociaux plus qu’ailleurs, chaque trait de crayon, pour différencier volume ou espace, a une incidence sur le coût. Il restait à l’architecte à dégager des principes et à trouver les particularités pour concevoir des lieux, aux surfaces et coûts normalisés, sans dépasser un budget restreint. Il a structuré l’ensemble de manière à composer une cité ouverte sur une place. Les 11 bâtiments s’articulent autour d’une vaste cour intérieure légèrement rehaussée. Cette disposition permettait d’aménager des façades intérieures distantes mais aussi des façades sur rues, dans une zone urbaine en recherche de définition. La réglementation prévoyait deux types de densité. Il a positionné en façade principale deux immeubles R+4, de part et d’autre de la voie principale d’accès à la résidence. Les autres, en R+3, déroulent une bande continue qui ceinture la parcelle. Les quatre angles intérieurs, à la jonction des immeubles, sont travaillés en creux pour placer des zones de services sans vue directe et créer quatre entrées différenciées, symétriques deux à deux. Elles s’ouvrent comme toutes les autres sur l’espace privé convivial et protégé de la place. Les axes des sept entrées restantes ont fourni à l’architecte son dernier principe structurant : à leur approche, l’acrotère de la toiture-terrasse accessible et en encorbellement s’anime de mouvements pour former des angles obtus ou aigus, points de repère des lignes du dessin des façades. Ensuite un travail formel a réparti et hiérarchisé pleins et vides, de rez-de-chaussée en étages : modules d’ouvertures ou de baies avec volets roulants, formes de balcons, loggias, cadres en encorbellement, pans coupés, puits de jour circulaires ou porches d’entrée.
L’ensemble construit sur un terrain à forte déclivité est équipé d’un parking de 60 places, gagné dans la différence de niveau due à la pente.
L’architecte est soucieux du devenir du bâtiment et de son environnement. Il a souhaité prévenir les ajouts d’éléments qui dénaturent ultérieurement les façades en dessinant des grilles ou des lices de protection sobres, en tube laqué blanc ou vert, qui sécurisent toutes les zones et ouvertures accessibles. Il a également réuni en un même lieu, calme et plus ombragé, les orangers pour concentrer leur parfum lors de la floraison.
Avec sa situation sur une butte, ses bâtiments qui respirent, sa position excentrée par rapport aux constructions anarchiques du secteur, le programme en voie de réception rencontre déjà un vif succès auprès des futurs acquéreurs. L’ALEM a reçu plus de 3 000 demandes pour les 140 logements à vendre. Mais qu’adviendra-t-il, dans un souci de respect des choses pensées, des lieux et des espaces une fois les appartements vendus ? Le maître d’ouvrage conscient de la pérennité de sa mission saura certainement mettre en place un système de gestion garantissant une qualité de fonctionnement indispensable à l’avenir commun des lieux, même dans un programme social
Qui est Abdelhak Fenjiro
Abdelhak Fenjiro obtient son diplôme en 1992 à l’Ecole d’architecture de Grenoble. Il enseigne en France, à Romans, dans un lycée professionnel durant deux ans avant de rentrer au Maroc où il intègre l’ERAC de Rabat en tant que chef de la division études et marchés. A partir de 1997, il exerce son métier en indépendant. Au moment de son installation, il a participé à un seul concours : celui du réaménagement du show-room de Steelcase Strafor à Casablanca, pour lequel il obtient le 3e prix. S’il réalise à Marrakech de nombreuses villas pour des clients privés, il intervient aussi pour des maîtres d’ouvrages publics : réalisation d’un port de pêche dans le sud marocain ; Laboratoire de bio sécurité à Rabat ; salle des fêtes de Sala El Jadida ; pavillons (partant d’un même principe mais adapté à différentes régions) pour la Gendarmerie royale ; logements pour l’ERAC de Rabat et pour l’ALEM à Tanger ou Marrakech.