Les entreprises électriques étouffées par la flambée des prix des matières premières
Une cinquantaine d’entreprises travaillant dans le cadre du programme d’électrification rurale généralisée sont menacées.
Les opérateurs veulent convaincre les donneurs d’ordre d’accepter
une révision des prix des marchés en cours.
La boulimie de la Chine et de l’Inde en matière de consommation de matières premières fait exploser les prix de celles-ci (voir tableau), produisant des conséquences douloureuses sur quasiment tous les secteurs. Les entreprises d’électricité, et principalement les installateurs de matériels électriques, viennent de lancer un cri d’alarme sur les difficultés qui menacent nombre d’entre elles. D’après la Fédération nationale de l’électricité et de l’électronique (Fenelec), cette menace pèse notamment sur les entreprises qui travaillent dans le cadre du Programme d’électrification rurale généralisée (PERG). Celles-ci sont au nombre d’une cinquantaine et emploient chacune entre 100 et 500 personnes, selon les estimations de Abdellaziz Taariji, président de la fédération.
De quoi s’agit-il précisément ? De la hausse des matières premières (cuivre, zinc, aluminium, pétrole) servant à la fabrication de matériels que les entreprises en question fournissent dans le cadre de leurs divers marchés. Il se trouve, explique la Fenelec, que ces entreprises, qui achètent au prix du marché, ne peuvent pas répercuter la hausse sur leurs donneurs d’ordre, car les contrats qui lient les deux parties sont dans 95 % des cas des contrats de moins d’une année. Le décret sur les marchés publics (cf. La Vie éco du 19 au 25 mai 2006) interdit en effet toute révision de prix pour un marché de moins d’un an.
Mustapha Mouchrek, Pdg de Fabrilec, une entreprise d’études et d’installation électrique, paraît complètement désarçonné par l’ampleur des hausses qui affectent son secteur. «De nombreux installateurs n’arrivent pas à achever les projets qu’ils ont obtenus et pourtant ils continuent de soumissionner mais uniquement dans le but de recevoir des acomptes sur le nouveau contrat, qui leur permettraient de financer l’achèvement du premier. C’est une fuite en avant. Les problèmes ne sont en fait que reportés». Certains installateurs, rapporte encore M. Mouchrek, préfèrent tout simplement rompre leur contrat quand il s’agit d’un client peu important, quitte à se voir confisquer les cautions. «Cela vous donne une idée de la gravité de la situation : des entreprises qui acceptent à leur corps défendant de perdre leurs cautions plutôt que tout perdre en poursuivant l’exécution du marché !».
La primature est à nouveau saisie
Un autre opérateur prévient, lui, que si cette situation venait à perdurer, il n’y aurait probablement plus beaucoup de monde à répondre aux appels d’offres. «Déjà aujourd’hui, je peux vous dire que les installateurs en particulier sont de plus en plus hésitants, car répondre à un appel d’offres dans ces conditions, c’est se lancer dans une vraie galère».
Pour Mustapha Mouchrek, la balle est dans le camp des pouvoirs publics. «La révision des prix est une nécessité impérieuse. Et d’ailleurs, elle peut être bénéfique même pour les maîtres d’ouvrage, en cas de baisse des prix par exemple. Il faudrait que l’on sache que nous ne sommes pas des spéculateurs, mais des entrepreneurs. Les prix des matières premières sont connus du monde entier. Quand nous affirmons à nos partenaires étrangers que nous travaillons avec des formules de prix fermes, ils n’en reviennent pas».
Aussi, la Fenelec tente-t-elle de convaincre les maîtres d’ouvrage d’accepter une révision des prix non seulement pour l’ensemble des marchés en cours, mais également pour les appels d’offres en phase de jugement ou à venir, et ceci en mettant en avant le caractère «exceptionnel et imprévisible» de la hausse des prix des matières premières. Une lettre dans ce sens a d’ailleurs été envoyée aux principaux donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage du secteur électrique.
Lors de la dernière réunion du bureau de la CGEM (mardi 16 mai), ce dossier avait été examiné et les opérateurs du secteur électrique avaient fait état de leur souhait de rencontrer des responsables à la primature pour discuter du sujet.