Les détails du contrat programme du secteur des assurances

Dépendance aux marchés financiers, procédures d’indemnisation souvent litigieuses et marginalisation de l’assurance vie fragilisent le secteur.
Développement de nouveaux produits, élargissement du champ des assurances obligatoires et assouplissements fiscaux ou réglementaires sont proposés par la profession.
Objectif : couvrir 90 % de la population marocaine d’ici 2014 et financer l’économie à travers 400 milliards de DH de placements.
C’est à la mi-mars qu’aura lieu la signature du contrat programme du secteur des assurances. La Fédération marocaine des sociétés d’assurance et de réassurance (FMSAR), initiatrice de ce chantier, discute, depuis plus de trois mois, le contenu de sa «Vision 2014» avec les pouvoirs publics. Le rythme des réunions est soutenu, selon les assureurs, et il n’y a, à l’heure actuelle, pas de points d’achoppement, si ce n’est des précisions qu’il faudra apporter au projet. En tous les cas, ce contrat qui devait s’étaler sur cinq ans promet de transformer de manière substantielle aussi bien le secteur que la pénétration de ses produits au Maroc.
Lancé début 2009, le chantier a été mené en deux phases. Il a fallu d’abord établir un état des lieux du secteur des assurances en vue d’arrêter, dans un second temps, les principaux axes du développement. Une fois les pourparlers achevés, la première mouture du contrat programme sera rédigée à la fin février par les experts du cabinet marocain Valyans.
Plusieurs ministères (emploi, économie et finances, commerce et industrie, éducation nationale, formation professionnelle, habitat et équipement et transport) sont partenaires de la FMSAR dans ce projet dont l’objectif, selon les assureurs, est de mettre en place une vision globale qui permettra le développement du secteur par un renforcement de ses fondamentaux et l’offre de nouvelles prestations.
Pour les professionnels, l’assurance, à l’instar des autres secteurs, doit avoir son contrat programme dont le mérite est de définir «une vision globale et cohérente». Plusieurs compagnies de la place soulignent que le projet de contrat programme arrive à point nommé car le secteur fait face à plusieurs enjeux dont les plus importants sont l’application de l’article 114 de la loi 65-00 réglementant l’assurance maladie obligatoire (AMO) et la convergence vers les normes de solvabilité. De plus, dans le cadre de l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis, le secteur est en passe de s’ouvrir à des assureurs étrangers. Des rendez-vous auxquels la profession doit se préparer.
Le basculement vers l’Amo fragilise le secteur
D’après l’état des lieux établi par le cabinet Actuaria, ce secteur présente plusieurs faiblesses : une fragilité perceptible à travers ses fondamentaux techniques en assurance non vie à cause de la dépendance aux marchés financiers, des procédures d’indemnisation souvent litigieuses et la marginalisation de l’assurance vie. Cette fragilité risque d’être aggravée par les changements du cadre réglementaire notamment le basculement vers l’Amo des assurés du secteur privé, l’extension de l’AMO aux soins ambulatoires, la convergence vers les normes de solvabilité et enfin l’impact des accords de libre-échange sur l’octroi des agréments. Autant de raisons qui font que le secteur de l’assurance a besoin d’être soutenu, selon des assureurs, afin de lui permettre d’assumer pleinement son rôle économique et social. Et c’est ce qu’ambitionne la Vision 2014 qui a huit objectifs précis.
Ainsi, la mise en place du contrat programme devrait permettre, dans un premier temps, un élargissement de la couverture maladie à 90% de la population marocaine. En deuxième lieu, il est prévu de créer quelque 55 000 nouveaux emplois directs et indirects, soit une amélioration de 80% par rapport à 2008. Troisième objectif, le contrat programme devrait aussi contribuer à une augmentation du montant des prestations versées aux ménages qui passeraient de 10 à 15 milliards de DH par rapport à 2008 qui est l’année de référence, à 20 et 25 milliards.
5,5 millions de micro-entrepreneurs et leurs ayants droit à couvrir d’ici 2014
Le quatrième objectif de la Vision 2014 est de réduire le nombre des victimes des accidents de voiture et du travail. L’ambition est de sauver 10000 vies sur la période 2009-2014.
Le suivant est de permettre à 5 millions de Marocains supplémentaires de bénéficier d’une couverture contre les dommages occasionnés par les tiers. Enfin, les trois derniers portent sur la couverture de 5,5 millions de microentrepreneurs et leurs ayants droit, une hausse des placements de 200 milliards de DH, à 400 milliards et une contribution aux impôts de l’ordre de 15 à 18 milliards de DH.
A terme, le marché de l’assurance sera, selon les professionnels, conforté dans son rôle de premier contributeur au financement de l’économie. Il affichera aussi une convergence avec les normes internationales de solvabilité et renforcera sa position sur les marchés de l’Afrique du nord et de l’Afrique subsaharienne dont il détient 6% actuellement.
Pour concrétiser ces huit objectifs, le projet de contrat programme s’articule autour d’une vingtaine d’initiatives déclinées en 70 mesures. Certaines sont relatives au volet de la protection contre les dommages, comme l’instauration de nouvelles assurances obligatoires (RC habitation, RC pour établissements publics et RC décennale dans le cadre de la construction). D’autres mesures sont à portée sociale, notamment l’amélioration de la couverture maladie en englobant les catégories qui sont aujourd’hui exclues de l’assurance maladie obligatoire et du Ramed ou encore le développement de l’assurance vie pour la préparation de la retraite pour laquelle des incitations fiscales sont requises (suppression de la taxe sur la capitalisation, déductibilité des revenus des primes d’assurance) à la mise en place d’une protection contre les risques catastrophiques, à la lutte contre l’insécurité routière et à l’extension du réseau de distribution.
D’autres mesures sont relatives au volet financier. Il s’agit, à ce propos, d’outiller le secteur pour la mobilisation de l’épargne longue, la mise en place de mécanismes de financement des secteurs stratégiques de l’économie, l’adaptation aux normes de solvabilité et le soutien du développement à l’international des assureurs et réassureurs marocains. Enfin, le projet porte aussi sur le renforcement économique et social du secteur puisqu’il recommande la libéralisation des critères de tarification en assurance automobile, l’amélioration de l’indemnisation des victimes des accidents de la route, du travail et le contrôle des risques en entreprise. Outre les aspects social, économique et financier, le contrat programme s’intéresse aussi à l’amélioration de l’image du secteur puisqu’il prévoit des mesures visant la transparence, la lutte contre la corruption et le blanchiment.
Pour l’exécution et le suivi, il est envisagé la mise en place des structures spécifiques, en l’occurrence un secrétariat général et un observatoire de la protection de la population et des entreprises au sein de la FMSAR. Les professionnels et l’Etat s’engagent à apporter les moyens financiers nécessaires à la concrétisation du contrat programme et à organiser une session extraordinaire annuelle du comité de pilotage pour faire le suivi du contrat programme.