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Les détails de la nouvelle loi sur l’exploitation des carrières

Un schéma de gestion des carrières sera exigé pour contrôler les prélèvements de matières selon les besoins par zones et préserver l’environnement. De 50 000 DH à  1 MDH d’amende et jusqu’à  2 ans de prison pour les contrevenants.

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Sable Exploitation Maroc 2012 10 01

Si Aziz Rebbah, ministre de l’équipement et des transports, a dévoilé il y a quelques mois la liste des bénéficiaires d’agréments du transport de voyageurs avant de présenter l’alternative à ce système, il semble vouloir adopter la démarche inverse pour ce qui est des carrières. En effet, alors que la publication de la liste des propriétaires de ces carrières est sans cesse repoussée, une nouvelle loi devrait sous peu réformer le secteur en profondeur. Celle-ci est débattue depuis plusieurs semaines déjà entre les équipes du ministère et ceux de la Fédération nationale des bâtiments et travaux publics (FNBTP) et la Fédération marocaine des matériaux de construction (FMC). La démarche touche à présent au but et il en ressort un projet de texte (loi et décret d’application) très avancé auquel La Vie éco a pu avoir accès.
Comme on pourrait le deviner, la nouvelle loi s’attaque de manière frontale à l’exploitation du sable dunaire, véritable niche pour l’économie de rente et responsable de nombreuses nuisances environnementales. A cet effet, le nouveau texte interdit purement et simplement l’extraction du sable de dunes côtières.

Mais la portée du nouveau cadre est loin de se limiter à ce seul aspect car son objectif est de mettre de l’ordre dans tout le secteur, lequel il faut le préciser inclut une multitude d’autres types de carrières (à ciel ouvert, sous-marine…) exploitant de nombreux produits (marbre, argile, granulat…). Au total, ce sont plus de 25 types de carrières existants au Maroc qui sont couverts par le nouveau texte, selon les professionnels.

Une durée de 20 ans et un maximum de 30 ans si l’exploitation est associée à une industrie transformatrice

Sur ce plan, l’apport de la nouvelle loi consiste d’abord à mettre un terme aux fameux agréments. Le nouveau cadre introduit à cet effet un système déclaratif consistant en une procédure qui se veut plus claire et plus transparente, ce qui, espère-t-on, devrait davantage encourager l’investissement dans le secteur. A vrai dire, le cadre qui régit actuellement l’activité, dans les faits (ndlr : un dahir de 1914) prévoit déjà ce système, «sauf qu’en raison d’une procédure mal déterminée, il a donné lieu aux actuels agréments permanents», expliquent les initiateurs de la nouvelle loi. A présent, les exploitants de carrières doivent se soumettre à une multitude de démarches clairement déterminées qui impliquent de nombreux intervenants et qui donnent des droits limités dans le temps. A ce dernier titre, précisons que la nouvelle loi impose que la durée d’exploitation d’une carrière n’excède pas 20 ans et qu’elle aille au plus jusqu’à 30 ans si l’exploitation est associée à une industrie transformatrice.
Plus en détail, la marche à suivre introduite par la nouvelle loi impose d’abord que l’ouverture et l’exploitation des carrières fasse l’objet d’une déclaration d’exploitation. Celle-ci est déposée contre récépissé par toute personne physique ou morale qui s’engage à respecter la loi mais aussi un cahier des charges établi par l’administration. Ensuite, une autre déclaration doit être déposée pour la mise en exploitation, une fois que la carrière a été aménagée pour être exploitée. Une précaution prise par le nouveau texte à cette phase impose que les aménagements débutent au plus tard six mois après le dépôt de la déclaration d’exploitation et que ces travaux ne dépassent pas un délai de 24 mois. «Cette disposition vise à contrer les détenteurs de carrières qui ne les exploitent pas, préférant les louer à des opérateurs informels», précisent les initiateurs de la nouvelle loi.

La fin de l’exploitation sera également encadrée et contrôlée

Pour davantage serrer la vis à ce type d’agissements, le nouveau texte impose que les exploitants de carrières non propriétaires du sol soient titulaires d’un acte portant la signature légalisée du propriétaire du sol ainsi qu’une autorisation de l’administration l’habilitant à exploiter la carrière.

Le nouveau cadre fixe aussi les règles à respecter en matière d’extension d’exploitation, de changement d’exploitant ou encore de renouvellement de la déclaration d’exploitation. A ce titre, la nouvelle loi impose que toute exploitation de carrière au-delà des durées prévues par la déclaration fasse l’objet d’une nouvelle déclaration présentée au moins trois mois avant l’expiration de la durée d’exploitation en cours. Il va sans dire que les prolongements de la durée s’opèrent dans les limites réglementaires, soit au maximum 30 ans.

Enfin, la nouvelle loi prévoit un ensemble d’obligations concernant la fin de l’exploitation. De fait, trois mois avant cette échéance, l’exploitant est tenu de déposer une déclaration de fin d’exploitation.
A vrai dire, ce n’est pas la première fois que toutes ces procédures sont évoquées par une réglementation, à savoir que la loi 08/01 sur l’exploitation des carrières adoptée en 2007 en faisait déjà mention. Sauf que l’entrée en vigueur de ce dernier texte était conditionnée par la parution de décrets d’application qui n’ont jamais vu le jour, annulant de fait la loi. Pour éviter de tomber dans le même cas de figure, les initiateurs du nouveau texte ont veillé à élaborer, parallèlement à la loi, un décret d’application également consulté par La Vie éco. Bien avancé, ce dernier précise les modalités pratiques pour obtenir un récépissé de déclaration d’exploitation (pièces constitutives du dossier, documents à fournir, interlocuteurs pour l’exécution des formalités…). Le futur décret précise aussi les exigences techniques entourant l’exploitation même des carrières (clôtures, distance de sécurité…) ou encore les formalités pratiques à satisfaire pour étendre ou mettre fin à cette exploitation.

Un autre grand apport de la nouvelle loi a trait à rationalisation de l’exploitation des carrières afin de préserver l’environnement. A ce titre, le nouveau cadre impose d’abord que les projets d’ouverture et d’exploitation des carrières soit soumis aux études d’impact sur l’environnement établis par des bureaux d’étude agréés par l’administration. Ensuite, obligation est faite que l’exploitant aménage en fin d’exploitation le site affecté par les travaux, en tenant compte notamment de la sécurité et de l’intégration de la carrière dans son environnement. En outre, ce réaménagement doit être finalisé dans un délai qui ne peut excéder une année. Les exploitants sont même tenus de verser une caution destinée exclusivement au réaménagement du site de la carrière, laquelle est restituée dans un délai maximum de 3 mois suivant la date de réception définitive des travaux de réaménagement du site.

Dans une même optique de préservation de l’environnement, la nouvelle loi introduit les schémas de gestion de carrières. Ceux-ci visent à contrôler les prélèvements de produits de carrières pour des zones données en fonction du besoin identifié.

Pour ce faire, ces schémas fixent les parties de la zone où l’exploitation de carrières est interdite, de même qu’ils fixent les objectifs à atteindre en matière de réaménagement des sites des carrières en fin d’exploitation.

Une brigade pour contrer le pillage du sable de dunes

A préciser enfin que les schémas de gestion des carrières sont établis par l’administration pour une période de 20 ans.
Là encore, les schémas de gestion de carrières ne constituent pas à proprement parler une nouveauté puisque l’ancienne loi 08/01 en faisait déjà état. Mais c’est bien la première fois que les modalités pratiques pour l’élaboration de ces documents sont précisées par décret, ce qui facilitera leur mise en œuvre.

Pour boucler la boucle, la nouvelle loi introduit tout un dispositif pour constater et sanctionner les infractions. Le volet constatation, d’abord, incombe outre aux officiers de la police judiciaire, à des agents verbalisateurs commissionnés à cet effet et qui disposent d’un libre accès aux carrières. Ces derniers dressent des procès-verbaux transmis dans un délai de 10 jours au procureur. En cas de flagrant délit, ces agents peuvent suspendre les travaux et en cas de nécessité requérir à la force publique. En renfort des agents verbalisateurs, le décret d’application de la loi prévoit la mise en place d’une brigade rassemblant des représentants de plusieurs administrations qui se chargera, entre autres, de lutter contre l’exploitation illicite des carrières et le pillage du sable des dunes côtières et des plages. 

Quant aux sanctions, celles administratives, elles disposent qu’en cas d’inobservation des conditions fixées par le cahier des charges, l’exploitant a un délai de 3 mois pour se mettre en conformité. Si, passé ce délai, rien n’est fait, le contrevenant doit payer une indemnité de 20 000 DH. Si l’infraction persiste au-delà, le contrevenant encourt une suspension de son activité pouvant aller jusqu’à 6 mois. Passé encore ce délai, l’administration ferme la carrière et procède à des poursuites pénales.

Celles-ci consistent en un emprisonnement de six mois à 2 ans et/ou une amende de 100 000 DH à 1 MDH pour les exploitants de carrières sans déclaration d’exploitation préalable, lesquelles sanctions sont doublées pour les récidivistes.

Les exploitants de carrières, au-delà de la durée autorisée pour quelle que cause que ce soit, s’exposent aussi à une amende de 50 000 à 500 000 DH. D’autres infractions encore sont punies de peines similaires.