Les coopératives laitières menacent de cesser les livraisons en raison des taxes

Assujetties depuis janvier 2005 à la TVA et l’IS, elles affirment ne pas tenir le coup.
L’arrêt des livraisons de lait pourrait se faire au cours du mois
de Ramadan.
Le ministère de l’Agriculture entame timidement le dialogue pour
désamorcer la crise.

Le problème de la fiscalisation des coopératives laitières refait surface. Dans un communiqué daté du 30 septembre, l’Uncal (Union nationale des coopératives agricoles laitières) a menacé d’«arrêter l’approvisionnement du marché durant le mois de Ramadan, d’organiser un mouvement de protestation, de surseoir au paiement des impôts et de recourir à la justice». Rien moins que ça ! Il faut dire qu’après avoir vainement frappé à toutes les portes depuis janvier dernier, l’association use de ce stratagème pour faire revenir les pouvoirs publics sur leur décision d’assujettir les coopératives à la TVA et à l’IS inscrit dans la Loi de finances 2005.
Le coup de semonce de l’Uncal semble avoir été entendu. Les dirigeants de l’association ont pu en effet rencontrer, lundi 3 octobre, le secrétaire général du ministère de l’Agriculture. Il s’agissait d’une simple prise de contact. Néanmoins, estime Mohamed Benmessaoud, président de la coopérative Le Bon Lait et de l’Uncal, «le secrétaire général a été très attentif à nos doléances et nous a demandé d’élaborer un dossier de présentation des coopératives et de leur situation financière».

Les revenus des petits éleveurs risquent de s’amenuiser
Les coopératives qui disent ne pas vouloir faire de chantage au gouvernement tiennent quand même à préciser qu’elles sont prêtes à aller jusqu’au bout pour défendre les intérêts de leurs adhérents. «Plusieurs membres de l’Union sont endettés et voient leurs charges s’alourdir. Payer 4 ou 5 DH au titre de la TVA, qui ne sera récupée qu’à hauteur de 40%, est très pénalisant pour la trésorerie des coopératives qui ne font pas, il faut le rappeler, de bénéfices. Les dividendes sont chaque année réinvestis pour le développement des structures», explique le président de l’Uncal.
L’imposition instituée par la Loi de finances 2005 est, selon les membres de l’Uncal, pénalisante pour les coopératives qui jouent un rôle économique et social important dans le milieu rural. Au nombre de 14, ces coopératives comptent 400 000 adhérents (donc des éleveurs), emploient 4 800 personnes et produisent 50% de la production nationale de produits laitiers. Le système coopératif permet aux petits éleveurs de se structurer, de se mettre à niveau et d’avoir des revenus. «Sur les 400 000 adhérents, 80 % sont des petits éleveurs qui n’ont qu’une vache et vendent 5 litres par jour de lait aux coopératives. Ce qui leur assure un revenu variant entre 200 et 300 DH par quinzaine», indique-t-on à l’Uncal. S’appuyant sur cet argumentaire, les coopératives exigent la suppression pure et simple des deux impôts car «ils portent un coup dur aux coopératives qui déploient beaucoup d’efforts visant le développement des régions rurales». De plus, l’institution de la TVA et de l’IS est en contradiction avec le statut des coopératives régi par le dahir 23/84, lequel prévoit une exonération totale pour leur permettre de jouer un rôle économique et social. «Aujourd’hui, il y a une ambiguïté : sommes-nous oui ou non toujours régis par ce dahir ?», s’interroge M. Benmessaoud, qui estime que les coopératives ont été prises de court. Peut-être fallait-il leur accorder une période transitoire pour changer leurs statuts ? Rappelons que l’Etat avait, en ce sens, coupé la poire en deux en taxant les coopératives dont les produits avaient une valeur ajoutée semi-industrielle ou industrielle (voir encadré). Il ne reste plus maintenant qu’à faire un lobbying intense pour faire figurer leur requête dans les derniers arbitrages de la Loi de finances 2006.

Encore une bataille de géants
Il n’aura pas fallu plus d’un an pour que la fiscalisation des coopératives pose problème. C’est Centrale laitière qui avait protesté et eu gain de cause en estimant que ses concurrents, notamment Copag (lait et yaourts Jaouda), le plus important, étaient favorisés car leur statut de coopératives leur permettait d’échapper aux impôts et in fine d’exercer une concurrence déloyale qui devait plutôt se faire «sur le terrain du marketing et de l’innovation». Argument logique, sachant que Centrale laitière paie quelque 350 MDH par an en impôts et taxes diverses. Copag, de son côté, avait répliqué, estimant que l’imposition allait détruire l’épanouissement du système coopératif, base de développement du monde agricole. Ne voulant pas pénaliser tout le tissu des coopératives, le gouvernement avait tranché en novembre 2004 en décidant de taxer celles qui avaient recours à un process semi-industriel ou industriel pour la transformation de leurs produits. Aujourd’hui l’affaire est loin d’être close.