Affaires
Les compagnies pharmaceutiques disent non au projet de décret sur les prix des médicaments
Le décret doit corriger la réglementation des prix du médicament datant de 1969. Il harmonise les conditions de fixation du prix du médicament, qu’il soit fabriqué localement ou importé, revoit la marge des distributeurs et détermine le taux de décrochage du prix des génériques.

Au coeur de grandes tensions entre le ministère de la santé et les laboratoires pharmaceutiques, le projet de décret relatif aux conditions et modalités de fixation des prix des médicaments est soumis, depuis une semaine, au Secrétariat général du gouvernement. Si pour le ministère de la santé, l’adoption du projet sera le début d’une «politique juste et équilibrée permettant une plus grande accessibilité du médicament», pour les industriels, en revanche, «c’est le début de la fin de l’industrie pharmaceutique qui ne pourra plus investir ni créer des emplois !». Une réaction à chaud des professionnels révélant leur opposition catégorique au projet de décret fixant les modalités de détermination des prix, d’une part, modifiant les marges des pharmaciens d’officine et des grossisteries, d’autre part. Et c’est cela qui fait le plus mal aux industriels qui n’ont cessé, depuis trois années au moins, d’affirmer que le médicament n’est pas cher au Maroc. Alors que les pouvoirs publics qui, il faut le reconnaître, peinent jusqu’à présent à mettre en place une politique du médicament, pensent le contraire en s’appuyant sur les conclusions de plusieurs études et autres rapports parlementaires. Que prévoit donc le projet de décret et quelles seront les répercussions de son éventuelle adoption ?
Parce qu’il est considéré comme le levier principal d’une politique sociale du médicament, le prix des produits pharmaceutiques doit être régulé pour des impératifs d’efficience du système de santé. C’est pourquoi le projet de décret vise l’introduction de nouvelles règles de fixation du prix et l’harmonisation des règles applicables à tous les médicaments, qu’ils soient produits localement ou importés.
Ainsi, le Prix public de vente (PPV), notion retenue pour remplacer le Prix public Maroc (PPM actuel), est calculé à partir du prix du fabricant hors taxe (PFHT) auquel s’ajoutent les marges des distributeurs (grossistes et pharmaciens d’officine) ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée.
La marge de l’officine sera de 57% ou 47%, selon le PFHT
Précisons que le PFHT sera fixé à partir d’un benchmark du prix grossiste hors taxe dans les pays retenus, notamment la France, l’Espagne, le Portugal, la Belgique, l’Arabie Saoudite et la Turquie. Il doit être égal au prix le plus bas de ces pays convertis en dirhams. Ceci en ce qui concerne le prix sur le marché privé, pour le prix hôpital d’un médicament, le projet de décret dispose qu’il sera égal au prix fabricant TTC majoré d’une marge bénéficiaire de 5% sur le PFHT.
Pour le générique, dont le prix était jusqu’à présent moins cher de 30% par rapport au princeps, son prix sera calculé à partir du taux minimum de réduction du PFHT initial d’introduction du princeps concerné. Les taux minimum de réduction par tranche de prix du princeps sont définis comme suit: si le prix est inférieur ou égal à 15 DH, le générique sera vendu au même prix. S’il est compris entre 15 et 30, la réduction sera de 15%, de 30% si le prix du princeps varie de 30 à 70 DH, de 35% si le princeps coûte entre 70 et 150 DH. Le taux de réduction est fixé à 40% si le prix du princeps est inférieur ou égal à 300 dirhams et de 50% pour tous les médicaments dont le prix est supérieur à 300 DH.
Les modalités de détermination du prix du générique sont fortement contestées car, dénoncent des professionnels, «ce n’est pas de cette façon que l’on va encourager la fabrication du générique».
Autre disposition du décret rejetée par l’industrie : la révision à la hausse de la marge des pharmaciens et des grossistes. Le projet de décret prévoit une marge par tranche de PFHT. Ainsi, pour les médicaments coûtant moins de 166 DH, la marge des pharmaciens sera de l’ordre de 57% et pour tous les médicaments dont le prix varie de 166 à 1 766 DH, elle est fixée à 47%. Pour les grossistes, la marge sera de 11% pour les produits dont le prix est compris dans la fourchette de 166 et 588 DH. Pour les médicaments dont le prix se situe entre 588 et 1 766 DH, la marge sera de 2%. Pour les industriels, «la révision à la hausse de la marge distributeur est une mesure injuste, d’abord parce que si le prix du médicament est jugé cher au Maroc, c’est à cause du niveau des marges distributeurs et ensuite, cette mesure se traduira par une érosion de nos marges». D’après les estimations des professionnels, l’augmentation de la marge du distributeur se traduira par une perte de 600 MDH sur un marché privé du médicament estimé à 9 milliards hors taxe.
Quoi qu’il en soit, le décret est dans le circuit d’adoption après des négociations qui ont duré près de trois ans. Le ministère compte défendre son projet considéré comme premier jalon de la politique du médicament. Les industriels, déçus, estiment que c’est «le premier pas vers la destruction du secteur».
