Le nouveau projet de loi sur les syndicats élève le seuil de représentativité au sein de l’entreprise

Il était de 6% des délégués du personnel, il passe à 25% n Les syndicats doivent organiser un congrès
au moins tous les quatre ans.
L’atteinte à la liberté syndicale sévèrement sanctionnée.
Le projet de loi sur les syndicats professionnels que le gouvernement a remis aux partenaires sociaux, lors de leur dernière rencontre, fin novembre, dans le cadre du dialogue social, constitue un progrès par rapport à la mouture initiale que La Vie éco a publiée en exclusivité, il y a quelques mois (voir La Vie éco du 17 avril 2009, www.lavieeco.com). Celle-ci est plus étoffée puisque le nombre d’articles a quasiment doublé en passant de 44 à 83 ; surtout, elle se réfère abondamment, dans la note de présentation, aux textes internationaux relatifs à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical (convention n° 87), au droit à l’organisation et à la négociation collective (convention n° 98) ainsi qu’à la convention 135 relative aux représentants des salariés.
Les rédacteurs du projet reconnaissent, néanmoins, qu’en dépit de la consécration de la liberté syndicale, la pratique a montré que l’atteinte à cette liberté n’est pas «criminalisée» en raison justement de l’absence de protection juridique. C’est précisément un des objectifs de ce projet de loi : offrir une protection juridique à la liberté syndicale, considérée comme «un des droits fondamentaux des salariés consacrés dans les dispositifs internationaux des droits de l’homme». Il est significatif à cet égard que le chapitre 10 consacré aux sanctions comporte 9 articles, contre seulement 3 dans la version initiale.
Ce n’est pas le seul objectif de ce texte : celui-ci ambitionne également de renforcer le rôle des syndicats en matière de concertation et de participation, en vue d’en faire des partenaires sociaux à même de «contribuer au développement socio-économique» du pays. Pour ce faire, les rédacteurs du projet paraissent convaincus que les syndicats se doivent de faire leur mue, d’être plus forts de par leur représentativité, laquelle passe par une plus grande transparence dans leur fonctionnement. L’éclatement de la scène syndicale, le faible taux de syndicalisation (moins de 10%) ne pénalisent pas que les salariés, en ce sens que leurs intérêts matériels et moraux ne sont pas toujours correctement et systématiquement représentés et défendus. Cette situation est préjudiciable y compris pour les pouvoirs publics et les chefs d’entreprises ; étant entendu qu’il est infiniment plus «confortable» d’avoir affaire à des interlocuteurs légitimes, donc crédibles plutôt qu’à des îlots disparates de contestation.
La femme devrait être mieux représentée
Cette légitimité et la transparence dans le fonctionnement des organisations syndicales recherchées par le législateur apparaissent dans plusieurs dispositions de ce projet. Ainsi, l’article 20 dispose qu’un syndicat est créé et organisé selon des principes démocratiques, permettant à ses membres d’élire les différentes instances, délibératives, administratives, exécutives, etc. Signe de l’évolution des mœurs et de la société (ou de la volonté de les faire évoluer), ce même article précise que les syndicats doivent prévoir dans leur statut des mécanismes garantissant la représentativité des femmes au sein de leurs différents organes.
Dans son deuxième alinéa, cet article 20 impose aux syndicats de prévoir dans leurs statuts à la fois la périodicité de la tenue de leurs congrès (nationaux, régionaux et locaux), laquelle périodicité ne saurait dépasser quatre ans, une structure chargée du contrôle financier et une commission de règlement des litiges pouvant naître à l’intérieur d’un syndicat. Une façon d’encourager le renouvellement des dirigeants, la transparence des comptes et la maîtrise des situations conflictuelles au lieu de les laisser dégénérer vers la séparation et l’éclatement.
Pour les subventions, la représentativité à l’échelle nationale fixée à 6% des délégués
Plus loin (articles 49 à 54), le projet insiste longuement sur cette nécessaire transparence des comptes en imposant aux syndicats de justifier que l’argent reçu à titre de subvention publique est utilisé à bon escient, de tenir une comptabilité dans les règles, et de déposer les fonds dans une banque de leur choix. La Cour des comptes est ainsi chargée de contrôler les comptes annuels des syndicats.?Reste maintenant la question relative aux critères de distribution de ces subventions. L’article 52 qui traite de ce sujet renvoie au chapitre 5 relatif aux syndicats les plus représentatifs. Qu’est-ce qu’un syndicat représentatif ? Plusieurs niveaux de représentativité sont à distinguer. Il y a d’abord la représentativité à l’échelle nationale : l’article 38 considère comme représentative toute centrale syndicale ayant obtenu 6% des délégués du personnel (dans le privé) et des membres des commissions paritaires (dans le public). Sur ce point, il n’y a donc pas de nouveauté, ce système est déjà consacré dans le code du travail. Idem pour la représentativité sectorielle ou régionale : 6%, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public.
En revanche, s’agissant de la représentativité à l’échelle de l’entreprise, le projet apporte une nouveauté dont on se demande si elle aura l’heur de plaire aux syndicats, du moins les plus importants numériquement : 25% des délégués du personnel (privé) ou des commissions administratives paritaires (pour le public). C’est mieux que dans la mouture initiale où cette représentativité était fixée à 6% (Le code du travail, lui, impose 35% minimum). «C’est, volontairement ou non, encourager le foisonnement des syndicats que de fixer à 6% la représentativité au niveau de l’entreprise», avait accusé un membre de l’UMT à qui l’on avait fait commenter la première mouture de ce projet. Les pouvoirs publics, on le voit, semblent donc avoir pris en compte ce reproche. Enfin, signalons que, comme pour le projet de loi organique sur l’exercice du droit de grève, les rédacteurs de ce projet de loi sur les syndicats ont préféré s’abstenir de fixer d’emblée les sanctions (pécuniaires ou pénales) : celles-ci seront traitées par la négociation entre les parties.