Le Crédit agricole se prépare à passer l’éponge pour les agriculteurs endettés
2,5 milliards de DH de créances devraient être abandonnés. Il est prévu que l’Etat mette la main à la poche.
De nouveaux produits seront lancés, dont un crédit pour financer
le cycle complet d’exploitation.
Achaque fois que les agriculteurs souffrent des affres d’une mauvaise campagne céréalière, les regards se tournent automatiquement vers le Crédit agricole. Difficile de se départir de ce réflexe eu égard au fait que cet organisme est le bailleur attitré de ce secteur. Cependant, le temps des interventions hasardeuses est révolu. Aujourd’hui, le plan de développement mis en Å“uvre vise à faire de la banque une entité de soutien au monde rural, tout en améliorant ses indicateurs d’activité. Tarik Sijelmassi, président du directoire de la banque, estime que ces deux axes sont interdépendants, l’objectif étant que le Crédit agricole devienne un outil performant de financement du monde rural. La banque envisage même d’entrer en Bourse d’ici à fin 2007 et de nouer des alliances avec des partenaires stratégiques.
8 milliards de DH de créances en souffrance
Mais la banque ne pourra pas tourner définitivement la page sans solder le lourd passif des créances en souffrance. Leur montant actuel est de 8 milliards de DH, dont 5,5 milliards de DH concernent les petites et moyennes exploitations agricoles, le reste portant sur des créances de grands débiteurs. L’idée est qu’avec la contribution du budget de l’Etat, dont le montant n’est pas encore arrêté, le Crédit agricole puisse tourner cette page noire de son passé.
Les créances en souffrance de 5,5 milliards de DH seront alors classifiées en trois catégories. Un abandon de créances sera accordé à un premier ensemble, composé d’agriculteurs ayant rencontré des difficultés indépendantes de leur volonté et dans l’incapacité de rembourser. Selon d’autres sources proches du dossier, le montant de ces créances serait de l’ordre de 2,5 milliards de DH. L’urgence du traitement du surendettement des agriculteurs est imposée par la situation critique provoquée par la mauvaise campagne agricole. Quelle sera la contribution de l’Etat au financement de cet abandon de créances ? M. Sijilmassi refuse de se prononcer pour le moment.
En deuxième lieu, des arrangements seront imaginés pour les agriculteurs dont l’activité dégage toujours des revenus. Enfin, pour les débiteurs de mauvaise foi, les poursuites judiciaires seront maintenues. C’est seulement en se montrant aussi intraitable que le Crédit agricole deviendra une banque comme les autres, c’est-à -dire rentable et financièrement équilibrée.
Une fois ces dossiers épurés, la banque procédera à une refonte de son mode d’intervention, basé sur une distinction entre agriculteurs bancables et non bancables.
Dans la première catégorie, des produits adaptés, pour l’élargissement de la base des bénéficiaires, seront créés. Tout d’abord, il faudra modifier le mode de financement par l’adoption d’un système de scoring, reposant sur un ensemble de critères internes et externes à l’exploitation agricole. Ensuite, grande révolution dans le système de financement des exploitations agricoles, le crédit de campagne sera remplacé par un crédit global lié au financement de l’exploitation, mobilisable sur un compte courant et assorti d’une facilité de caisse. Ce crédit sera accordé pour une année, renouvelable par tacite reconduction sur une durée maximale de 5 ans. L’élément déterminant pour le renouvellement sera la domiciliation des recettes de l’exploitation et le règlement des agios relatifs aux avances. Un financement additionnel est prévu en cas de mauvaise récolte.
En outre, la banque proposera différents crédits d’investissement. Certains viseront à encourager les agriculteurs à reconvertir les sols dans des cultures rentables, l’olivier, par exemple, ou d’autres types d’arboriculture. Des modalités adaptées, dont des délais importants, seront fixées. D’autres crédits d’investissement serviront à financer la mécanisation des exploitations par le biais d’un produit composite combinant financement, fournisseur, leasing et subventions de l’Etat.
Enfin, le Crédit agricole participera à la création d’une industrie de service en milieu rural en mettant en place des produits de financement encourageant les promoteurs de projets de cabinets d’expertise ou encore de sociétés de location de machines agricoles.
Une filiale dédiée aux agriculteurs non bancables
Concernant les agriculteurs non bancables, il est prévu la création d’une nouvelle filiale qui leur sera dédiée, dans le cadre d’une convention Etat-Crédit agricole. «Le but étant d’isoler la problématique des agriculteurs non bancables pour sauvegarder les intérêts de la banque sans faillir à la mission de service public», explique M. Sijelmassi.
La filiale disposera d’antennes locales dans tous les centres économiques concentrant un nombre important d’agriculteurs en difficulté. Sa mission consistera d’abord à identifier les causes de leurs problèmes. Ensuite, il s’agira de les orienter vers les organismes à même de leur apporter le soutien nécessaire. Enfin, il sera question de les assister dans le montage de dossiers financiers ou la confection de solutions de rechange comme le recours à des ONG spécialisées.
Par ailleurs, le Crédit agricole compte renforcer sa présence dans le micro-crédit par le biais de sa propre fondation ou en agissant en tant que bailleur de fonds pour les associations de micro-crédits désireuses d’opérer en milieu rural .
100 nouvelles caisses locales
La banque a lancé les principaux chantiers visant la remise à niveau des outils de gestion. Sur la liste figurent le nouveau schéma directeur informatique, la refonte du système comptable et le renforcement des structures de contrôle. L’objectif est de se conformer aux règles prudentielles et de gestion de Bank Al Maghrib. Mais il lui faudra corrélativement recruter de bons clients. Ce qui n’est pas gagné d’avance. En 2004, elle a dégagé un excédent de trésorerie de 7 milliards de DH et ce malgré le remboursement anticipé de 1,4 milliard d’une ligne de la Banque mondiale devenue trop onéreuse. Cependant, elle a eu du mal à placer cet excédent car, malgré un faible taux de rejet des dossiers (1,2 %) par le biais du nouveau système de scoring, la progression du nombre des clients de PMEA (petite et moyenne exploitation agricole) n’a connu qu’une augmentation limitée de 5,1 %. D’o๠l’objectif de renforcer la proximité de la banque par la création de 100 nouvelles caisses locales et par une mise à niveau de l’ensemble du réseau pour une organisation tournée vers le client .