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L’Afrique devrait investir 93 milliards de dollars par an dans les infrastructures
La taille des investissements requis découle de la nécessité de rattraper le retard structurel accusé par plusieurs pays et de faire face aux besoins naissants. Selon les experts, 44% se rapportent à l’énergie, 23% à l’eau potable, 20% aux infrastructures de transport, 10% aux TIC et 3% aux ouvrages d’irrigation.

«Les besoins en infrastructures sont de plus de plus impressionnants à mesure que les économies africaines se développent et l’intégration régionale avance». Ces mots d’Ibou Diouf, responsable du programme des politiques de transport en Afrique de la Banque Mondiale ont constitué la trame de fond de la 9e édition du Forum africain des infrastructures (FAI) organisée les 28 et 29 novembre à Marrakech. Henry Aussavy, président du FAI 2016, explique que la taille des investissements requis découle de la nécessité de rattraper le retard structurel accusé chez plusieurs pays africains et d’accompagner les besoins naissants en infrastructures de tout genre. Une étude citée par plusieurs intervenants lors du forum estime la demande à environ 93 milliards de dollars par an, en augmentation annuelle de 6 à 8%. Sur ces besoins, 44% sont dans l’énergie, 23% dans l’eau potable, 20% concernent des infrastructures de transport, 10% dans les TIC et 3% se rapportent à des ouvrages d’irrigation. Pendant les travaux du forum, qui a connu la participation de plus de 300 acteurs institutionnels, publics et privés, en provenance de plus de 25 pays, trois délégations africaines (Côte d’Ivoire, Guinée équatoriale et Burkina Faso) ont présenté une vingtaine de projets recensant des besoins en infrastructures, notamment de transport (routes, ports et aéroports). La majorité de ces projets feront l’objet d’appels d’offres internationaux selon les responsables des délégations. D’après leurs diagnostics, plusieurs contraintes pèsent sur le développement d’infrastructures de qualité. A commencer par la complexité des procédures techniques. A ce sujet, les entreprises marocaines se targuent de faire l’exception «grâce à une expertise avérée», selon El Mouloudi Benhamane, président de la Fédération nationale du BTP. Les entreprises marocaines sont à même de réaliser la majorité des travaux d’infrastructures. D’ailleurs, 90% des projets de ports, axes routiers et autres sont exécutés par des acteurs locaux. «La capacité dépasse largement la demande nationale et peut, de ce fait, bénéficier au continent en exportant les prestations. C’est pour cela que nous orientons nos activités de plus en plus vers l’Afrique de l’Est et l’Ouest», indique M. Benhamane.
Les problèmes de financement persistent dans beaucoup de pays
Pour Moncef Ziani, président de la Fédération marocaine des cabinets d’ingénierie (FMCI), il est nécessaire de faire confiance au secteur privé africain. De cette manière, les maîtres d’ouvrage sont sûrs d’avoir un livrable et des solutions adaptées à la culture du pays. «Confier aux étrangers n’est pas toujours un choix judicieux. Les intérêts des parties divergent, et les méthodes et technologies peuvent ne pas être adaptées», explique-t-il.
Ibou Diouf rappelle que sur les projets financés par la BM, la concurrence est la règle et tout le monde peut se porter adjudicataire. Les entreprises nationales ont les mêmes chances d’avoir le marché que les étrangères. Aucune disposition ne stipule le contraire. Mieux, les représentants du cabinet Jacobs engineering disent prendre l’obligation d’impliquer les entreprises locales comme l’une de leurs priorités dans la confection et l’attribution des marchés qu’ils réalisent par contrats pour leurs clients.
Une autre contrainte, qui revient dans tous les témoignages, est celle de la difficulté à mobiliser des financements. Plusieurs délégations africaines ont rapporté un manque préoccupant de l’accompagnement des banques locales, voire l’inexistence d’un système bancaire assez développé pour financer les opérateurs locaux intervenant dans des projets d’infrastructures.
Les investissements dans des infrastructures durables préconisés
Le manque de ressources publiques, l’absence de prise de risque et d’engagement des organismes internationaux, et la rareté des projets bien ficelés sont également montrés du doigt. «Nous avons une loi ( 86-12) qui encadre les PPP en général et les projets d’infrastructures en particulier. Elle émet des conditions très claires pour utiliser ce mode, notamment le degré de priorité, le coût qui ne doit pas être trop élevé et la pertinence économique (obligation de passer par une étude de faisabilité)», explique un officiel marocain pour montrer la voie à emprunter.
La Banque mondiale pousse également pour promouvoir le PPP à travers deux leviers essentiels. Le guichet IDA (Association internationale de développement, institution de la BM qui aide les pays les plus pauvres) qui soutient la participation publique dans les projets d’infrastructures et le guichet privé du SFI qui coopère avec les acteurs privés. D’autres responsables africains estiment que des organismes internationaux manifestent leur appétit étant donné les besoins énormes, notamment la BAD qui a mis en place un fonds africain dédié. «Nous espérons que d’autres organismes fassent de même», souhaite un responsable ivoirien qui informe que son pays projette d’édifier 1 800 km d’autoroutes.
D’autres interventions ont porté sur la montée des moyens de financement alternatifs, notamment les Bons Sukuk et la Diaspora Bonds (ciblant les ressortissants résidant à l’étranger pour investir dans leurs pays d’origine) déjà expérimentés dans quelques Etats. «Sans oublier que la Chine et l’Inde s’imposent de plus en plus dans le financement des projets d’infrastructures en apportant les capitaux nécessaires», ajoute un intervenant.
Par ailleurs, les échanges se sont également focalisés sur le rôle du durable dans les ouvrages construits. «Il faut aussi penser le durable et le changement climatique dans les infrastructures bâties, étant donné que le coût devient énorme et hors de portée a posteriori (si l’on pense à adapter l’ouvrage après)», affirme M. Ziani. Pour une majorité d’intervenants, réaliser des infrastructures durables permet à la fois des économies énormes et des ouvrages plus performants.
