Affaires
La presse gratuite joue la carte du contenu éditorial
De plus en plus d’articles, mais des effectifs permanents réduits au minimum.
Le tirage augmente. «Aufait» : 17 000 exemplaires par jour ; «Madinati» : 55 000 par mois.
Un modèle économique basé sur la publicité et la qualité d’impression.

De plus en plus de journaux gratuits sont distribués dans les principales villes du pays. Aufait, quotidien d’information générale, Madinati et Plurielle, deux publications du groupe Géomédia, sont parmi les plus en vue. Le phénomène n’est pas récent. Parade, le mensuel du groupe Caractères, dont la publication est aujourd’hui suspendue, avait d’abord été distribué gratuitement avant d’être vendu en kiosque par son fondateur, Omar Alaoui. Exit, le magazine culturel, avait commencé par être distribué gratuitement avec TelQuel, avant de devenir payant. Certains ont définitivement choisi le créneau de la distribution gratuite.
Certes, des supports dédiés aux annonces immobilières ou autres produits ont existé et existent encore sur la place, mais la nouveauté est que les gratuits d’aujourd’hui essaient de proposer un vrai contenu éditorial. Economie, politique, sport, environnement, automobile, actualité mondiale… Aufait évoque quasiment tous les domaines de la presse quotidienne généraliste. Ce journal a même une déclinaison web permettant d’être plus proche du lectorat.
Madinati se positionne, quant à lui, comme un véritable magazine. Idem pour Plurielle, qui vise essentiellement un lectorat féminin. Naturellement, le contenu éditorial n’est pas fait de gros dossiers. Les informations sont pour l’essentiel tirées des publications payantes ou, si elles sont produites en interne, ont bénéficié d’un traitement allégé. «La grande majorité de notre contenu est fournie par les agences de presse et certains de nos partenaires comme Rekrute.com ou encore Tendance et shopping», explique Reda Sedrati, directeur de Aufait, journal qui devait être distribué, à compter du 15 juin, à Tanger et Marrakech, alors que, jusque-là , il ne l’était qu’à Casablanca et Rabat.
Avec des tirages qui atteignent jusqu’à 50 000 exemplaires par édition, les promoteurs des différents titres ratissent large. En effet, le niveau d’audience est déterminant pour leur survie car la presse gratuite se veut avant tout un support pour la publicité. Du coup, le modèle économique est quasiment le même : garder les charges à un niveau supportable et faire le plein d’insertions publicitaires. C’est ainsi que les rédactions sont peu fournies. Ainsi, Aufait emploie un seul journaliste et quatre chefs de rubriques. Plurielle compte sur une rédaction de quatre personnes, outre une responsable de mode et une rédactrice en chef. Cependant, précise Mohamed Laraki, directeur de publication, les deux titres du groupe font appel à de nombreux collaborateurs externes. La taille des rédactions est en fait liée au second axe du business model.
Le chiffre d’affaires de Madinati et Plurielle a triplé entre 2005 et 2006. Contrairement à la presse classique qui essaie de respecter la règle du deux tiers (rédaction) et un tiers (publicité), les journaux gratuits font carrément l’inverse. Sur les 148 pages en moyenne que comptent Plurielle et Madinati, l’information n’occupe que le tiers, souligne en substance M. Laraki. Avec un tel standard, le chiffre d’affaires doit être significatif d’autant que les tarifs annoncés se situent quasiment dans la moyenne de la presse classique. Une pleine page se négocie 15 000 DH dans Aufait, 20 000 DH dans Plurielle, 25 600 DH dans Madinati.
Pour les deux publications de Géomédia, les annonceurs sont essentiellement des institutionnels. Ce qui, sauf exception, constitue une garantie pour le paiement. Apparemment, pour cet éditeur, la recette fonctionne. «Notre chiffre d’affaires a triplé entre 2005 et 2006 et nous nous attendons à ce qu’il double au terme de cette année», confie le directeur de publication. Ce succès commercial s’explique, ajoute-il, par le fait que les clients sont certains de toucher leur cible. M. Laraki indique que sur 55 000 exemplaires de Madinati distribués chaque mois, 20 000 le sont à des endroits stratégiques comme le réseau Mc Donald’s.
Et de préciser : «Notre force réside dans le fait que nous avons également une activité de distribution de documents, ce qui nous a permis d’avoir, sur cinq villes du pays, 400 présentoirs pour Madinati et 380 pour Plurielle».
Pour autant, la presse gratuite ne peut se prévaloir d’un faible taux de déchets. Certains organes utilisent encore un système de distribution peu efficace, comme le porte-à -porte ou les colporteurs postés à certains endroits stratégiques des villes. Malgré les contrôles, tous les chargés de distribution n’affichent pas la même ardeur à la tâche, d’o๠des pertes importantes. Reste que, du point de vue de la qualité d’impression, les gratuits n’ont rien à envier à beaucoup d’autres publications payantes. Un atout dont ils peuvent se prévaloir devant les annonceurs.
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AuMaroc, l’arrivée de la presse gratuite n’a pas suscité autant de réactions qu’en France. Il est vrai que les enjeux ne sont pas les mêmes. Si, dans l’Hexagone, l’initiative de créer des gratuits – «Métro», «20 Minutes», «Direct soir» du groupe «Le Monde»… – est venue de groupes de presse bien structurés qui se posent en concurrents de la presse payante, au Maroc, elle émane plutôt de particuliers ou d’entreprises évoluant dans le domaine de l’édition et qui cherchent juste à se diversifier. Pour les promoteurs de la place, il est possible de se développer à côté de la presse francophone classique dont le lectorat est estimé à 300 000 personnes. Le gros des lecteurs de la presse gratuite se recrute chez ceux qui ne lisent pas. Pour les promoteurs de la presse gratuite, l’idée est de les accoutumer à la lecture afin de les encourager à lire la presse payante. Une sorte de pépinière, en somme ? Pas si sûr. |
