INDH, les gouverneurs attendent leur feuille de route

Les circulaires de mise en œuvre ne seront prêtes que fin novembre.
La liste des 360 communes et 250 quartiers n’a pas encore été arrêtée.
Les comités locaux disposeront de trois mois pour soumettre leurs programmes
d’action.

Une somme de 1,6 milliard de DH, c’est l’enveloppe que le gouvernement a décidé de consacrer au programme d’action de l’INDH (Initiative nationale pour le développement humain) au titre de la loi de Finances 2006. La balle est dans le camp des régions, provinces et préfectures qui devront faire remonter chacune leurs plans d’actions pour cette année. Mais il faudra attendre encore quelques mois avant de voir les premiers projets se concrétiser, l’heure étant encore aux préparatifs. L’INDH n’a pas encore commencé (voir encadré ci-dessous.)
Le comité de pilotage de l’INDH, présidé par le premier ministre, a privilégié l’approche prudente. Ainsi, avant de lancer le travail des comités, aussi bien provinciaux que locaux, les gouverneurs et walis des différentes régions devront attendre d’avoir leur feuille de route.
Au ministère de l’Intérieur, les responsables de la cellule dédiée à l’INDH, supervisée par le gouverneur Aziz Dadès, expliquent que les circulaires fixant les modalités de mise en œuvre de l’INDH et le fonctionnement des différents comités sont en cours de finalisation. Une source au ministère de l’Intérieur révèle que «les gouverneurs recevront leurs feuilles de route au plus tard à la fin novembre». Ces circulaires seront, en plus, accompagnées des cartes détaillées de la pauvreté communale qui viennent d’être finalisées par le Haut Commissariat au Plan (HCP). Ces cartes, comme l’explique le haut-commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi, sont aujourd’hui en cours d’impression et devront être disponibles dans quelques jours. La liste des 360 communes et celle des 250 quartiers ciblés en priorité, évoquée par le Souverain, n’est donc pas encore prête. Au ministère de l’Intérieur, il est expliqué que le principal critère pour retenir les communes sera le taux de pauvreté. Ainsi, une commune ne pourra être retenue que si son taux de pauvreté dépasse la moyenne nationale, qui est de 22%.

Les agents d’autorité ne doivent pas présider les comités locaux
Se posera alors le problème du nombre. Que fera-t-on si l’on se retrouve avec plus de 360 communes avec un taux dépassant les 22% ? Le comité de pilotage a déjà la réponse : ce sont les gouverneurs, avec les comités provinciaux, qui devront arbitrer.
L’INDH n’est donc pas encore officiellement lancée. Mais sur le terrain, la réalité est tout autre. Car, en attendant de recevoir les circulaires, la machine est déjà en marche dans beaucoup de régions. Et parfois, faute de compréhension, cela se passe dans l’anarchie.
Ainsi, selon plusieurs témoignages recueillis par La Vie éco au niveau régional, certaines provinces ont déjà mis en place des comités locaux. Or, au niveau central on assure que les comités locaux ne devraient être formés que vers la fin de l’année, précisément après la diffusion des circulaires. Comment expliquer alors que dans certaines communes, des agents d’autorités ont déjà convoqué les élus, chefs de services extérieurs et autres opérateurs à des réunions pour former les comités locaux ? Exemple, dans l’une d’entre elles, non loin de Casablanca, l’agent d’autorité, un chef de cercle, a déjà formé le comité local de sa propre initiative et s’en est autoproclamé président. Quelques jours plus tard, il persiste et signe en envoyant aux membres présents lors de la première réunion une note écrite où il leur annonce la composition officielle du «comité local pour l’INDH». Beaucoup de communes sont dans ce cas de figure. Dans plusieurs provinces du pays, les réunions sur l’INDH sont en marche. Des comités travaillent déjà sur les projets à intégrer dans les plans d’action. Or, comment peut-on parler de projets pour le développement humain alors que les besoins n’ont pas encore été définis ?

«Il ne faut pas aller plus vite que la musique»
Au ministère de l’Intérieur, on explique ces initiatives personnelles par le souci de certaines régions d’anticiper en rappelant que, de toutes les manières, il n’a jamais été question que les comités locaux soient présidés par les agents d’autorité. Mieux, ces comités, tel qu’il sera expliqué dans les circulaires à venir, devront obligatoirement comprendre, en plus des associations, les femmes, les jeunes et, très important, des personnes d’un bon niveau d’instruction.
Et le ministère de l’Intérieur de revenir à la charge pour mieux expliquer le déroulement des opérations. Quand les gouverneurs auront reçu leurs circulaires, ils devront former les comités locaux. Ces derniers disposeront d’un délai de trois mois pour effectuer les diagnostics territoriaux afin d’avoir une idée plus précise des besoins et soumettre aux comités provinciaux leurs programmes qui constitueront les «Initiatives locales pour le développement humain». Pour ce faire, les comités locaux pourront s’appuyer sur des comités techniques et des réseaux d’experts. Les premiers comprennent les représentants en régions des différents départements techniques comme l’Equipement, le Transport, l’Aménagement du territoire, la Santé… Les réseaux d’experts, quant à eux, sont la grande nouveauté. Des appels à expertise seront lancés au niveau national. Un réservoir de personnes ressources auxquelles les comités pourront faire appel, moyennant rémunération, sera constitué.
Une fois le diagnostic achevé et les actions déterminées, le comité local soumettra sa copie finale au comité provincial qui, lui, décidera des projets à retenir et des rectifications à faire. A ce niveau, la cellule INDH au ministère de l’Intérieur insiste sur le fait que seuls seront retenus les projets à caractère participatif. Le programme d’action approuvé fera par la suite l’objet d’un contrat par le biais duquel le comité local s’engage sur des résultats et le comité provincial à débloquer les fonds nécessaires à la réalisation des projets.
Or, qui dit contrat dit obligation de résultat et donc évaluation. Au ministère de l’Intérieur, il est expliqué que les comités locaux seront effectivement contrôlés par plusieurs organes dont l’IGF, l’inspection territoriale de l’Intérieur ainsi que par les comités provinciaux eux-mêmes. Mieux, quand un comité local n’atteint pas ses objectifs ou ne gère pas efficacement son programme, le comité provincial peut décider de fermer les vannes en résiliant tout simplement le contrat.
Enfin, pour s’assurer de la bonne marche de l’initiative, le ministère de l’Intérieur a mis en place au niveau des provinces de nouvelles structures baptisées Divisions de l’action sociale (DAS) qui auront pour rôle de coordonner le programme à l’échelon provincial et préfectoral. Les responsables des DAS, 70 en tout, ont déjà entamé leur travail sur le terrain depuis le mois de septembre. Ils assureront le lien entre le local et le provincial, assisteront les comités locaux dans l’élaboration des diagnostics et la confection de leurs programmes d’action respectifs et, surtout, seront en charge du suivi et du contrôle des projets.
On le voit, sur le papier, le dispositif imaginé par le comité de pilotage semble être assez complet, mais la réussite de l’initiative dépendra en dernier ressort des gouverneurs et walis de régions et de leur degré de compréhension de la philosophie de l’INDH. Or, il semble que les communes aient voulu mettre la charrue devant les bœufs. En tout cas, le ministère de l’Intérieur a mis en place une ligne téléphonique pour répondre à toutes les questions que peuvent se poser les agents d’autorité au sujet de l’INDH

L’INDH, c’est quoi au juste ?
Trois axes principaux
Rattraper les déficits sociaux dans les communes rurales et les quartiers urbains pauvres.
Soutenir la création d’emplois et la création d’activités génératrices de revenus.
Subvenir aux besoins élémentaires de populations en situations précaires.

Quatre programmes
1- Lutte contre la pauvreté en milieu rural Enveloppe : 2,5 milliards de DH; population cible : 360 communes rurales et environ 3,7 millions de personnes ; objectif : améliorer l’indice de développement humain et réduire le taux de pauvreté ; contenu des projets : services de base (eau, électricité, assainissement, routes…), amélioration des prestations sociales (santé, enseignement), micro-crédit pour activités génératrices de revenus, appui aux associations et autres acteurs locaux.
2- Lutte contre l’exclusion sociale en milieu urbain Enveloppe : 2,5 milliards de DH ; population cible : 250 quartiers pour environ 1,5 millions de personnes; objectifs : améliorer les conditions de vie et soutenir la cohésion sociale; contenu des projets : services de base (eau, électricité, assainissement, routes…), amélioration des prestations sociales (santé, enseignement), encouragement des activités génératrices de revenus.
3 – Lutte contre la précarité Enveloppe: 2,5 milliards de DH ; population cible: 50 000 personnes (enfants des rues, enfants abandonnés, femmes en situation difficile, mendiants et SDF,personnes âgées sans revenus…) ; objectifs : assister ces personnes à travers leur insertion dans la société ou leur accueil dans des centres spécialisés ; contenu des projets : mise à niveau des centres d’accueil et réalisation de nouveaux centres, insertion dans la vie active.
4 – programme transversal Enveloppe : 2,5 milliards de DH ; population cible : l’ensemble des provinces et préfectures ; objectifs : améliorer les conditions de vie et prévenir les facteurs de risques sociaux ; contenu des projets : appui aux associations à travers la formation, améliorations des prestations sociales, écoute de la population, soutien scolaire, activités sociales, culturelles et sportives, caravanes médicales