Impôts, CIH, Maroc Telecom… ce qui se prépare

Pour boucler le budget 2004, le gouvernement est obligé d’introduire en Bourse Maroc Telecom avant la fin de l’année.
2005 sera une année difficile : la baisse de l’IGR reportée. La réforme de la TVA sera lancée.
CIH : la banque sera probablement reprise par la CDG.
L’année 2005 sera difficile pour les finances publiques. L’argentier du Royaume, qui planche sur les derniers réglages relatifs à la Loi de finances 2005, se trouve en cette rentrée confronté à deux contraintes de taille. D’une part, l’augmentation de la masse salariale dans le secteur public qui bondira aux alentours de 62 milliards de DH, soit 8 milliards de plus qu’en 2004. Elle cumulera en effet, aussi bien la troisième et dernière tranche des augmentations décidées en 2002 que la seconde tranche de celles octroyées en avril 2004. Cela sans compter l’effet qu’aura sur le budget la toute nouvelle augmentation des administrateurs (voir page suivante), et au sujet de laquelle il est utile de préciser qu’elle n’impactera pas les comptes de l’année 2004, puisqu’elle a déjà été budgétisée.
Deuxième contrainte : le coût du pétrole, selon les plus récentes estimations, ne subira pas de baisse substantielle. Dans ses prévisions, Fathallah Oualalou a retenu un prix de 35 dollars le baril, ce qui implique que la Caisse de compensation devra continuer à jouer les pompiers pour éviter une flambée des prix à la pompe. Fort heureusement, les avoirs extérieurs (133 milliards de DH) mettent le Maroc à l’abri d’une rupture d’approvisionnement, mais le surcoût à endosser par l’Etat n’en sera pas moins inchangé.
Cet accroissement des dépenses ne sera pas sans conséquences sur les équilibres financiers. Si le ministre des Finances soutient contre vents et marées que le taux de croissance prévu (3%) est maintenu, il y a fort à parier qu’au contraire le déficit se creusera. Déjà, pour boucler le budget 2004, il devra activer la privatisation d’une partie du capital de Maroc Telecom par introduction en Bourse, ce qui lui laisserait, pour l’exercice à venir, peu de marge de manœuvre.
Il n’est donc pas étonnant que les bonnes intentions affichées par le gouvernement Jettou, il y a un an, soient remises à plus tard. Il n’y aura pas de cadeaux fiscaux et, en dépit des déclarations rassurantes, le prix du carburant pourrait être augmenté à nouveau si les cours mondiaux s’emballaient.
D’autres difficultés attendent le gouvernement. Le dossier des retraites devra être réglé avec, notamment, la question des arriérés de l’Etat envers la Caisse marocaine des retraites (CMR) qui se chiffrent en milliards de DH. Il y a également l’entrée en vigueur de l’AMO, qui, même en version light, aura un coût. Enfin, après le dossier Sodea-Sogeta et la BNDE, l’heure de trouver une solution définitive au problème du CIH est arrivée. Ce sera pour après Ramadan, promet-on. Ci-après, un tour d’horizon des principales décisions envisagées, selon des sources autorisées.
Impôts : pas de baisse de l’IGR, extension du plafond d’exonération de la TVA
Contrairement à ce qui était prévu et même annoncé dans la Loi de finances 2004, la baisse du taux maximal de l’IGR de 44% à 41,5% n’interviendra pas en 2005 pour la bonne raison que le manque à gagner serait trop important pour le Trésor. En effet, la baisse de 2,5 points se traduirait par 800 MDH de recettes en moins. Quand au relèvement du seuil de revenu soumis à taux maximal pour le porter de 6 000 à 10 000 DH par mois, l’idée semble séduire l’Etat, sans pour autant qu’il se décide à passer à l’acte, craignant de rogner davantage sur ses recettes. En l’absence d’élargissement de l’assiette fiscale, la mesure en restera au stade des intentions. Il faut à cet effet garder à l’esprit que 30% seulement des Marocains potentiellement assujettis à l’IGR s’acquittent de cet impôt. Le reste étant dilué dans l’informel et le milieu rural, exonéré jusqu’en 2010.
En revanche, la TVA subira quelques modifications, mineures, il faut bien le dire. Le seuil d’exonération, pour les petits fabricants, sera porté de 180 000 à 400 000 DH de chiffre d’affaires annuel. En d’autres termes, les petites unités entrant dans cette tranche n’auront pas d’obligation de facturer la TVA à leur client, ni de la répercuter sur le prix de vente, sachant qu’ils ne la paieront pas à l’Etat.
Plus important, 2005 sera l’an I de la réforme de la TVA qui devra s’étaler sur trois ans et à l’issue de laquelle les quatre taux existant actuellement (7%, 10%, 14% et 20%) seront ramenés à deux seulement : un taux maximal de 19% et un taux intermédiaire de 12%.
Enfin, en matière de fiscalité locale, le dossier semble avoir pris du retard et ce ne sera probablement pas pour 2005. Toute la difficulté pour l’Intérieur, qui pilote le projet, est de simplifier les taxes (47 impôts locaux actuellement) sans baisser les recettes des collectivités locales. La seule innovation à attendre pour l’année prochaine est la simplification des taxes que recouvre pour compte le ministère des Finances : au lieu d’une taxe d’édilité, une taxe urbaine et la patente, deux impôts locaux seront mis en place : une taxe d’habitation et une taxe professionnelle.
Aussi bien le gouvernement que Bank Al Maghrib en avaient pris l’engagement. Une solution définitive au problème du CIH sera trouvée avant fin 2004. En effet, en dépit d’une recapitalisation, d’une opération de titrisation et d’un plan de redressement assez ambitieux qui devait, en 2007, remettre la banque sur les rails, le CIH n’est toujours pas arrivé à sortir la tête de l’eau. Ressources trop chères, frais généraux comparativement plus élevés que ceux de la concurrence et surtout taux de contentieux (35% en 2003) qui annihile tous les efforts entrepris, la banque de l’immobilier reste plombée. Il est donc inutile d’attendre de mener à terme le plan de redressement. Les deux seules solutions qui restent consistent à la céder à l’un ou l’autre des deux principaux actionnaires que sont la BCP et la CDG.
La première a déjà déclaré publiquement qu’un tel schéma n’entrait pas dans ses calculs. Etant elle-même bien positionnée sur le créneau de l’immobilier avec un encours emplois de 9 milliards de DH à fin 2003, elle n’aurait que faire de l’absorption – car tel serait le cas – d’une banque concurrente.
CIH : pas de défaisance et une reprise par la CDG
En revanche, la CDG, qui développe un pôle logement et immobilier, profiterait de l’opportunité pour prendre dans son giron un établissement spécialisé en la matière. En ce sens, les négociations sont bien avancées et la CDG a donné son accord de principe pour reprendre la banque, selon une source gouvernementale bien informée. Une dernière réunion est prévue à la primature pour finaliser le dossier. Ce faisant, on apporte une bouffée d’oxygène au CIH en l’adossant à une institution solide pouvant mobiliser des ressources longues et ayant de surcroît la capacité de lui procurer un vivier de crédit à distribuer à travers ses filiales immobilières. Par ailleurs, on débarrasse la banque du volet recouvrement qui sera traité directement par la CDG comme ce fut le cas lors de la reprise de la BNDE. Le dossier devrait être dénoué au cours de novembre prochain, espère-t-on.
Parallèlement à cela, les dettes relevant des établissements étatiques ou assimilés seront progressivement réglées. Ainsi les Erac ont déjà versé la première tranche des 800 MDH qu’ils devaient. L’ONE s’est engagé à régler le problème des 670 MDH dus par son comité des œuvres sociales – COS – (voir La Vie éco du 2 avril 04). Restent les créances détenues sur les collectivités locales, sur lesquelles l’intérieur et les finances sont en train de plancher.
Dans le même ordre d’idées, on pense, au sein du gouvernement, à un rapprochement entre Dar-Addamane et la CCG et entre Bank Al Amal et la BCP. L’idée maîtresse est de rapprocher chaque entité de son actionnaire de référence.
Dirham : en dépit d’un euro trop fort, pas de dévaluation envisagée
Ancré à l’euro depuis le 25 avril 2001, date à laquelle il a été dévalué au passage de 5%, le dirham est aujourd’hui jugé trop fort par les opérateurs économiques. Si l’ancrage à l’euro permettait d’éviter des fluctuations pénalisantes pour les exportations qui se font en grande partie vers l’Union européenne, il présente aussi l’inconvénient de les défavoriser par rapport aux pays concurrents, quand l’euro est à la hausse. La Tunisie, qui dispose d’un système interne de fixation de parité, ou encore l’Egype et la Turquie, qui ont adopté un système de change flottant, sont aujourd’hui plus compétitifs au niveau des prix. Pour couronner le tout, les pays asiatiques, dont les monnaies sont ancrées à un dollar en chute, sont également en meilleure position. Pour autant, Fathallah Oualalou, interrogé par La Vie éco, est catégorique : pas de dévaluation envisagée au cours des mois à venir. Il estime qu’il y a encore des gains à réaliser au niveau de la productivité. De toutes les façons, la dévaluation est bien la mesure que l’on ne voit jamais venir. Qui sait…
Privatisations : Maroc Telecom en Bourse en décembre 2004
L’argentier du Royaume est formel, la seconde tranche de Maroc Telecom à privatiser sera bel et bien cédée en 2004. Une nécessité, sachant que 12 milliards de DH de recettes ont été prévues par la loi de Finances. Jusqu’à présent, la seule opération de taille a été la vente, en juin dernier, d’une partie du capital de la BCP, qui a rapporté à l’Etat 771 milliards de DH. On est donc loin du compte.
En décembre 2004, il est donc prévu de vendre en Bourse 16% de Maroc Telecom. Ce qui devrait rapporter un peu plus de 10 milliards de DH. Si le dossier avance, semble-t-il, à grands pas, avec des rencontres régulières entre Etat, banque conseil et Vivendi, partenaire stratégique, on n’est toujours pas fixé aujourd’hui sur la forme que prendrait l’OPV: Bourse de Casablanca seule ou offre mixte couplant le marché local à un placement international.
En tout état de cause, la vente des autres 16% promis à Vivendi, en vertu du pacte d’actionnaires, se fera après l’entrée en Bourse de Maroc Telecom et non pas avant, comme on le supposait il y a quelques mois. D’ailleurs, des sources au ministère des Finances affirment que, pour l’instant, les négociations ne sont pas très avancées sur le sujet. A noter que Vivendi avait publiquement annoncé son intention de lever, en vue de ce rachat, 8 milliards de DH auprès des banques marocaines. D’ailleurs, des banques ont même été approchées en vue de former le consortium qui serait mené par la SGMB, filiale de la société générale (France) qui constitue l’un des plus importants banquiers du groupe Vivendi. Selon des sources bancaires, au vu de la taille de l’opération, Bank Al Maghrib avait été sollicitée par le consortium, il y a quelques mois, pour une dérogation exceptionnelle au ratio de division des risques. A l’époque, il était question de 6 milliards de DH et un accord de principe avait été accordé. Mais il est plus probable que le montant qui sera levé au niveau local soit inférieur à 8 et même à 6 milliards de DH. Explication : comme dans le cas de la vente de la Régie des tabacs à Altadis, l’Etat essaiera de négocier pour qu’une partie du produit de la vente soit en devises
2005 sera l’An I de la réforme de la TVA qui devra s’étaler sur trois ans et à l’issue de laquelle les quatre taux existants actuellement (7%, 10%, 14% et 20%) seront ramenés à deux seulement. Un taux maximal de 19% et un taux intermédiaire de 12%
Ressources trop chères, frais généraux comparativement plus élevés que ceux de la concurrence et surtout taux de contentieux (35% en 2003) qui annihile tous les efforts entrepris, le CIH reste plombé. Il est donc inutile d’attendre de mener à terme le plan de redressement.
En décembre 2004, il est prévu de vendre en Bourse 16% de Maroc Telecom ; ce qui devrait rapporter un peu plus de 10 milliards de DH. La vente des autres 16% promis à Vivendi, en vertu du pacte d’actionnaires, se fera après l’entrée en Bourse.
Fathallah Oualalou à du mal à boucler le budget 2005 : il n’y aura pas de cadeaux fiscaux.